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Olivier De Backer, entrepreneur à Dongelberg: «Des freins subsistent, mais les drones agricoles ont de l’avenir en Belgique»

À Dongelberg, Olivier De Backer a investi dans un drone agricole en vue de proposer un nouveau service à ses clients, allant du survol et de l’analyse de leurs parcelles à l’application modulée d’azote en fonction des besoins des cultures. Divers événements l’ont cependant conduit à stopper temporairement cette activité, après deux saisons sans encombre et 500 ha survolés. Il n’abandonne pour autant pas son projet, convaincu que la demande pour ce type de prestation grandira dans les années à venir.

Temps de lecture : 6 min

Fondée en 1957, l’entreprise agricole familiale De Backer a évolué au fil des années. Si la récolte de légumes de conserverie et, plus tard, de surgélation a toujours constitué un volet important de son activité, d’autres prestations s’y sont progressivement ajoutées (moisson, arrachage des betteraves et plants de pomme de terre, ensilage du maïs…). En 2017, Olivier, représentant de la troisième génération, a fait entrer l’entreprise de plain-pied dans le smart farming en acquérant un drone.

« Mon but était de proposer un nouveau service à nos clients mais aussi de nous démarquer de la concurrence. Le survol de la culture en place permet de récolter de grandes quantités d’informations et de générer des cartes de préconisation azotée. Au champ, nous pouvons donc réaliser de la modulation intraparcellaire, afin d’épandre la quantité d’azote adéquate ; sans excès, ni manque », explique-t-il.

Un drone Airinov et un distributeur Rauch

Côté matériel, Olivier a acquis un drone à ailes fixes auprès de la société française Airinov. Celui-ci est équipé d’un capteur multispectral, effectuant les mesures au champ, et se programme directement depuis l’ordinateur de l’entreprise. Il peut ainsi suivre en toute autonomie des plans de vols paramétrés par l’entrepreneur selon les parcelles à survoler. Notons cependant que la législation belge oblige le pilote à avoir son drone en vue en permanence. Il doit également être en mesure de reprendre la main sur lui à tout moment, depuis la commande de contrôle. « Globalement, le système est très simple. Une journée de formation suffit pour le maîtriser et faire des relevés au champ. »

S urvoler la culture avec un drone permet de collecter de grandes quantités  de données grâce au capteur multispectral qu’il embarque.
S urvoler la culture avec un drone permet de collecter de grandes quantités de données grâce au capteur multispectral qu’il embarque. - J.V.

Pour l’épandage, Olivier s’est tourné vers un distributeur d’engrais Rauch. « Celui que nous utilisions devait être remplacé. L’achat d’un nouveau nous a permis d’ajouter les options nécessaires pour faire de la modulation intraparcellaire sur base des relevés effectués par le drone. »

Enfin, l’offre initialement développée (survol ou survol + application modulée d’azote) était destinée aux parcelles de céréales. Avec pour objectif, dans un second temps, de l’étendre vers les cultures à plus haute valeur ajoutée, comme la pomme de terre.

Convertir les données en une carte de préconisation

Les données recueillies lors du survol des parcelles ne reflètent que l’état des céréales. Elles ne peuvent donc pas être utilisées sans être préalablement traitées et transposées en une carte de préconisation. Un service qu’assurait Airinov, du moins jusqu’à sa fermeture…

« En pratique, j’encodais les données sur la plateforme dédiée d’Airinov. Deux jours plus tard, je recevais un conseil de fertilisation accompagné d’une carte détaillée de la parcelle et des doses à appliquer en fonction des objectifs de rendements. En acceptant la proposition qui m’était faite, j’obtenais un fichier prêt à être introduit dans le terminal du distributeur, via une clé usb. Au champ, l’azote était appliqué conformément aux préconisations. C’était à la fois simple et efficace ! », détaille-t-il.

La mise à l’arrêt de la firme française – actée en juillet 2019 par Parrots, sa société-mère – a considérablement freiné l’activité de conseils et d’applications que développait l’entrepreneur. « Après deux saisons sans encombre et 500 ha survolés, je n’avais plus personne pour interpréter les données recueillies… »

En cabine, le terminal affiche la carte de préconisation tandis que le distributeur  d’engrais régule automatiquement le dosage de l’azote sur base de celle-ci.
En cabine, le terminal affiche la carte de préconisation tandis que le distributeur d’engrais régule automatiquement le dosage de l’azote sur base de celle-ci.

En vue de poursuivre son activité, Olivier s’est mis en quête d’autres sociétés pouvant assurer ce service. Une firme néerlandaise a été identifiée mais elle ne fournit qu’une carte relative à l’état de la culture en place, sans livrer de conseil de fertilisation. « Interpréter une carte et en déduire des préconisations azotées n’est pas de mon ressort. Et privé de ces informations, je ne peux faire de modulation intraparcellaire. »

L’entrepreneur ne baisse toutefois pas les bras et poursuit ses recherches. « Faute de trouver un service similaire à celui d’Airinov, j’ai pour l’instant mis cette activité entre parenthèses. » Aucun vol n’a donc été effectué en 2020. « Si quelque chose se développe dans le traitement et l’interprétation des données, je sauterai sur l’occasion, pour autant que l’offre réponde à mes attentes en matière de préconisation, d’utilisation des fichiers et de rapidité de service. »

La législation, un obstacle supplémentaire

Indépendamment de sa situation personnelle, Olivier estime que la législation belge relative aux drones est assez lourde et constitue un frein au développement de telles activités dans le secteur agricole. « Qu’il faille obtenir un permis est normal. Mais les examens sont basés sur les connaissances des pilotes d’avion et portent sur des sujets qui ne sont pas toujours adaptés aux dronistes », déplore-t-il.

Les textes ne sont, en outre, pas en phase avec une utilisation agricole. « L’engin doit peser le même poids au décollage et à l’atterrissage. Cela ferme toute possibilité de faire de la pulvérisation par drone alors que plusieurs constructeurs s’intéressent à ce domaine. L’obligation d’avoir en permanence le drone en vue empêche de survoler de grandes étendues agricoles, même si aucune habitation ne s’y trouve. »

À cela s’ajoutent le coût des cours théoriques et pratiques, particulièrement élevé, et la nécessité de déposer un plan de vol auprès de l’administration avant toute utilisation du drone.

L’entreprise De Backer n’abandonne pas !

Malgré que l’activité « drone » de l’entreprise soit actuellement à l’arrêt, Olivier reste persuadé qu’elle gagnera du terrain dans les années à venir. « On parle de plus en plus de réduire les doses d’azote ou de produits de protection des plantes. Disposer d’un drone, d’un distributeur d’engrais équipé de la modulation intraparcellaire et d’un pulvérisateur à coupure de sections constitue une solution pour atteindre cet objectif. »

L’entrepreneur a d’ailleurs remarqué que certains agriculteurs se montraient particulièrement intéressés lorsqu’il proposait cette prestation à sa clientèle. Il pointe néanmoins un problème : « En céréales, les économies réalisées en modulant la dose d’azote couvrent à peine les coûts du survol de la parcelle et du traitement des données. Ce n’est pas encore suffisant pour généraliser cette pratique, bien qu’elle soit favorable à l’environnement. A contrario, dans les cultures à haute valeur ajoutée, comme les pommes de terre ou les légumes, les gains potentiels sont plus importants ».

Pour encourager les agriculteurs à emprunter cette direction, Olivier suggère qu’une aide financière soit mise en place pour couvrir les surcoûts. Des essais devraient également être conduits, en toute indépendance, pour mettre visuellement en évidence les avantages et intérêts de la modulation de doses.

« Ce n’est pas simple à mettre en place. De plus, des freins subsistent, notamment en matière de législation et de traitement des données, mais les drones agricoles ont de l’avenir en Belgique », poursuit-il. « De notre côté, nous avons peut-être été trop vite… Mais je n’abandonne pas l’idée de développer cette activité ! »

J. Vandegoor

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