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Chez les Loneux, à Warre: l’automatisation pour optimaliser la performance du troupeau et son bien-être

Durant l’été, la société Delaval a organisé une journée ferme ouverte chez la famille Loneux, à Warre, pour la présentation de son nouveau robot VMS 310. L’exploitation, dotée du VMS 300, s’est automatisée de manière à pouvoir grandir, mais également à optimaliser la performance « troupeau », tout en respectant le bien-être animal et celui de l’éleveur. Rencontre avec Pierre Loneux et Laurent, son fils.

Temps de lecture : 11 min

Chez les Loneux, l’élevage est une histoire de famille. Avec Laurent qui est revenu en 2016 sur l’exploitation, ils en sont à la 4e génération à continuer l’exploitation familiale, la troisième à bénéficier de l’étable imposante construite par son grand-père fin des années 70.

Pierre et Laurent Loneux sont sur la même longueur d’onde  en ce qui concerne l’évolution de leur élevage.
Pierre et Laurent Loneux sont sur la même longueur d’onde en ce qui concerne l’évolution de leur élevage. - P-Y L.

Mon père, ce visionnaire !

« En 1978 exactement ! », précise Pierre. « Alors que la plupart des étables de l’époque étaient dimensionnées pour 50 vaches en stabulation entravées (30m x 12m), mon père lui voulait avoir toutes ses bêtes à l’intérieur. Il a donc décidé de construire un bâtiment de 72m x 26m… S’il a des allures un peu industrielles, c’est un investissement visionnaire », dit-il fièrement.

« Évidemment, à l’époque, tout le monde le prenait pour un fou ! Le temps de construire le bâtiment, les bêtes investissent le lieu à l’hiver 79-80. Le bâtiment lui aura coûté 7 millions de FB avec le bloc traite. Une somme colossale pour l’époque, une somme dérisoire pour un bâtiment si l’on devait investir actuellement ! »

Les robots permettent une traite volontaire. Les vaches y vont d’elles-mêmes quand elles le souhaitent. Les animaux y sont plus calmes.
Les robots permettent une traite volontaire. Les vaches y vont d’elles-mêmes quand elles le souhaitent. Les animaux y sont plus calmes. - P-Y L.

Pour la traite, il disposait d’une salle de traite mobile Bottin à six stalles hydraulique. Il trayait les 4 mois d’été en prairie et repoussait la remorque dans le bâtiment pour les autres mois de l’année.

« Mon père y trayait 80 bleues mixtes et plus il avançait, plus il s’orienta vers des rouges de Westphalie avant de scinder le troupeau en deux spéculations : viandeuses avec le blanc-bleu, laitière avec la pie noire.

Quand Pierre rejoint son père en 1991, l’étable est en stabulation libre avec couloir de raclage et aire paillée. Avec l’achat et l’insémination de génétique pie noire, le cheptel devient toujours plus laitier. « Côté lait, nous trayions à l’époque 42 vaches, côté viande, nous comptions 80 à 90 vêlages par an. »

Les années passent, les cheptels s’étoffent, grâce notamment au rachat de quotas. Les bleues laissent peu à peu place aux noires.

Et 1992, abandon de la Bottin et construction d’une annexe pour y installer une salle de traite Alfa laval auto-tandem 2x3 avec aire d’attente. Si l’installation convenait pour traire 45 vaches, en augmentant la production l’infrastructure accueillait 90 vaches. « Traire était alors très chronophage. »

C’est avec l’arrivée de Laurent en 2016 que la famille décide de repenser le système d’exploitation. Un an plus tard, ils se lancent dans la transformation de l’étable du hangar qui jouxtait celle-ci. Ils en font une aire paillée avec logettes raclées pour 100 laitières et 50 jeunes bêtes.

L’ancienne salle de traite et son aire d’attente ont été démolies pour ouvrir le long pan  mais également installer des logettes supplémentaires.
L’ancienne salle de traite et son aire d’attente ont été démolies pour ouvrir le long pan mais également installer des logettes supplémentaires. - P-Y L.

Deux robots plutôt qu’un roto

La volonté étant toujours de traire davantage, les bat-flancs pour génisses sont dimensionnés à la taille de vaches en lactation. Le refroidisseur de 7.800 l étant trop petit, ils se renseignent pour en changer et gardent un œil sur les nouvelles salles de traite pour l’avenir. La rationalisation de l’espace les incite à acheter un carrousel 30 places avec traite par l’arrière qui repousse à l’extérieur le nouveau refroidisseur de 18.000 l. L’aide à l’installation en tant que jeunes permettait aussi un tel investissement.

Bien que les travaux pour l’installation du roto aient commencé, des contacts interpellent Pierre sur ledit système : travail très physique sur un temps court, problèmes d’épaules… Le lendemain, le responsable des ventes se rend sur le chantier et lui vante les mérites du nouveau robot de traite VMS 300 et de l’efficacité du nouveau système d’accroche des godets trayeurs. « Il n’est pas trop tard pour changer ? » « Non ! C’est toujours possible. » Voilà comment les Loneux sont entrés dans l’aventure de la traite robotisée en mars 2019 avec l’installation de deux robots.

L’étable se remplit dès lors assez vite et la place vient à manquer. L’ancienne salle de traite est transformée en aire pour 30 logettes. Vu le fort pourcentage d’insémination en doses sexées, le cheptel augmente rapidement à 130 vaches. Et avec les futures génisses qui arrivent, le cheptel devrait être théoriquement composé de 150 têtes en fin d’année.

Et même avec 130 vaches, les robots sont encore chacun à l’arrêt 7h par jour. « Laurent et moi y voyons du potentiel d’autant qu’il y a encore de la place dans le refroidisseur… On est en janvier 2021 et on décide d’arrêter l’atelier viande. Les 50 logettes pour génisses sont alors transformées pour accueillir une quarantaine de laitières supplémentaires. Nous nous retrouvons avec 160 places théoriques avec une projection de 150 vaches fin d’années. » Les génisses peuvent ainsi passer dans les stabulations dédiées anciennement aux viandeuses.

Deux ans et demi après avoir installé les robots, les résultats sont interpellant : « Nous avons gagné 1.500 l de plus à la vache par an avec des meilleurs taux. On tourne autour de 44 g MG/kg lait et 37g Prot/kg lait alors qu’on était avant à 41-42 et 32-33. Nous trayons davantage et plus riche. »

S’ils repoussent régulièrement les fourrages eux-mêmes, il n’est pas impossible  qu’ils investissent prochainement dans un repousse-fourrages automatique.
S’ils repoussent régulièrement les fourrages eux-mêmes, il n’est pas impossible qu’ils investissent prochainement dans un repousse-fourrages automatique. - P-Y L.

Si la famille Loneux gagne en confort de vie, il en va de même pour les animaux. « Je n’ai jamais vu une étable aussi calme. Par rapport aux systèmes dans lesquels j’ai travaillé, les bêtes sont mieux en traite robotisée. C’est une traite volontaire. L’animal y va quand il veut. Certaines génisses aux petits pis bien tendus viennent 4 fois par jour au robot pour se soulager… On ne voit plus de pis trop remplis, des ligaments qui lâchent… Elles sont traites plus souvent. Nous sommes à une moyenne de 2,5 traites/jour. ça peut encore aller en augmentant mais on ne doit pas dépasser les 2,7… »

« La santé mammaire est relativement bonne chez nous », estime le paternel. Bien qu’avec 220.000 cellules en moyenne pour son troupeau, il se trouve un peu trop haut. « Après 4 mois de traite au robot, j’ai vraiment été impressionné par la préservation des sphincters. À tel point que lorsque je devais mettre l’obturateur, il me fallait tirer du lait pour savoir où injecter ma seringue, » nous dit Pierre. « C’est que la traite et la préparation sont bonnes » confie Laurent.

« J’ai encore des vaches de 7 à 9 ans qui étaient sur aire paillées qui elles sont sujettes à des mammites récurrentes. je devrais les réformer mais vu qu’on augmente la taille du troupeau… Le jour où on aura atteint la taille voulue, on ne gardera vraisemblablement plus une vache qui est sujette à sa deuxième mammite. Nous serons alors nettement moins impactés par le problème. Dans notre cas, on péche un peu à vouloir grandir », avoue Pierre

Ventilateurs et brumisateur

Quand nous avons décidé de modifier notre infrastructure, nous savions que le bâtiment pêchait dans sa ventilation. Si le long pan côté sud a lui été ouvert sur toute la longueur du bâtiment, côté nord, les silos jouxtant le bâtiment empêchent la création de larges ouvertures. « Le top, ce serait pouvoir tout ouvrir, d’autant que les animaux restent toute l’année à l’intérieur », explique Pierre. L’éleveur s’est donc intéressé aux ventilateurs automatiques. Ils fonctionnent à l’aide d’une sonde qui va faire varier leur intensité de 0 à 100 % en fonction de la température. On sent donc en permanence un mouvement d’air. Laurent : « Honnêtement, la ventilation pourrait être améliorée mais nous en sommes contents globalement ! L’air circule, et le climat intérieur est très rarement insupportable. »

Par temps chauds, les brumisateurs permettent de faire baisser la température de 4°C à l’intérieur du bâtiment.
Par temps chauds, les brumisateurs permettent de faire baisser la température de 4°C à l’intérieur du bâtiment. - P-Y L.

Côté stress thermique, le cheptel tire son épingle du jeu. « Si l’on en croit nos données récoltées par le SenseHub (un système modulaire évolutif pour le suivi de troupeau en termes de fécondité, de santé…, ndlr), nos vaches ont connu un très léger stress thermique durant les dernières périodes chaudes. Aucune diminution en production n’a toutefois été constatée. J’aimerais pouvoir comparer mes données avec celles d’éleveur qui ont laissé leurs bêtes en pâture, car je suis sûr qu’elles ont plus chaud. L’année passée par temps de sécheresse, nous ne sommes pas passés sous le seuil des 30l alors que nombre d’agriculteurs voyaient leur production chuter fortement », se souvient Laurent. Son père intervient : « Les brumisateurs que l’on a installés jouent aussi un rôle important puisqu’ils nous permettent de diminuer de 4ºC la température interne du bâtiment. Ils sont placés au-dessus des aires de raclage, tous les 12m. En outre, l’eau permet d’éviter la formation de croûtes sur le béton raclé. »

Quant à savoir si ce léger stress a eu un impact sur la fertilité, difficile à dire… « Lors de la canicule de l’année passée, j’ai fait l’erreur de ne pas inséminer car il faisait fort chaud. je ne pensais pas que cela valait la peine de trop inséminer. Résultat des courses, j’ai retardé tous mes vêlages », sourit-il.

Un suivi repro mais pas que…

Côté reproduction mais aussi santé des animaux, le SenseHub apporte une plus-value à l’éleveur. Détection des chaleurs, le stade de chaleur, de la meilleure fenêtre d’insémination, d’un anœstrus… « Nous n’avons pas de collier pour toutes les vaches mais dès qu’un individu est certifié gestant pour la seconde fois, on lui enlève pour le mettre à un autre. La vache sera à nouveau équipée d’un collier une fois en lactation afin de pouvoir les suivre et détecter d’éventuels problèmes au niveau de la rumination, de l’ingestion… » explique Laurent

Son père : « Récemment, une de nos vaches avait un problème d’ingestion. Au vu des données, on a tout de suite pensé à un déplacement de caillette. Avant que le vétérinaire ne détecte ce problème de caillette (par le gonflement de celle-ci), il a fallu plusieurs jours. Le système ne remplace évidemment pas le diagnostic d’un vétérinaire mais il nous permet d’être directement sur le problème. »

« Ces infos couplées avec celles du robot nous permettent de bien suivre nos vaches et de pouvoir parer à tout problème, parfois avant qu’il ne survienne. Si certains pensent qu’on ne voit plus nos vaches avec les robots. C’est le contraire. On est toujours au contact de nos animaux et les données nous indiquent vers lesquels aller en priorité »

C’est juste la vision des vaches qui est différente. Pour le paternel : « Celles qui tournent bien, on ne les voit « pratiquement » pas. Les robots nous permettent de nous centrer sur les problèmes des animaux. »

Mortellaro et robots…

C’est un an après l’arrivée des robots que surgissent véritablement les problèmes de Mortellaro. « Bien sûr, nous en avions déjà avant, mais nous pouvions les traiter en salle de traite avec un petit pulvérisateur à main. C’était facile. Avec le nouveau système de traite, on ne voit plus systématiquement les problèmes de pattes.

Comme nous sommes dans un système de traite volontaire, il était important d’investir dans un pédiluve automatique pour la bonne circulation des vaches. La fréquence des traitements est ainsi respectée. Ses atouts ? Il se vide, s’auto-nettoie et se remplit automatiquement trois fois par jour. La hauteur d’eau aussi est importante. La patte doit bien y être « noyée ». Placé en sortie de robots, le pédiluve est sur la trajectoire de la vache. Celle-ci n’a pas d’autre choix que d’y plonger les 4 pattes. La fréquence des traitements est importante. Si le traitement est réalisé tous les 8 jours, le pédiluve se remplit et se vide trois fois par jour de manière à habituer les animaux à passer dedans.

« Grâce à cet investissement, on a réduit le problème de 99 %, pour ne pas dire 100 % », explique Laurent. « Nous n’avons plus de boiteries liées à ladite maladie. Lors du parage on voit parfois un début de lésion mais qui disparaît rapidement. Le traitement et la fréquence de celui-ci reste très important. Il faut être conscient que si on ne traite plus pour cette pathologie, les problèmes reviendront rapidement à la surface. »

Pierre : « Nous avons également opté pour un suivi parage tous les mois, durant lesquels 20-25 vaches sont prises en charge. » Laurent intervient : « Nous nous occupons de la dizaine de vaches à tarir dans le mois et les vaches qui présentent de légers problèmes. Un parage léger rapide qui nous permet de ne pas déranger trop le troupeau ! »

Le pédiluve automatique a permis de réduire les problème de Mortellaro de 99 %,  pour ne pas dire 100 %.
Le pédiluve automatique a permis de réduire les problème de Mortellaro de 99 %, pour ne pas dire 100 %. - P-Y L.

Privilégier la performance de troupeaux

Père et fils se complètent bien dans leur travail. « Nous avançons dans le même sens ! Nous avons bon de travailler et voulons toujours faire mieux », souligne Laurent. « Je porte très attention à ne pas freiner mon fils alors que j’ai 51 ans et que la structure à sa disposition est déjà importante pour un exploitant. », admet Pierre. Laurent sourit : « Notre défaut : Nous sommes un peu trop fonceurs ! »

Et pour améliorer le potentiel de production, les éleveurs font des prélèvements d’ADN qu’ils envoient aux USA, chez Zoetis. Laurent : « Nous voulons connaître la valeur génomique de nos génisses. En fonction de leur pedigree, nous pourrons décider de l’élever ou non. C’est un premier tri qui doit nous permettre d’être plus efficient. Surtout lorsque l’on sait qu’une primipare qui commence à peine à produire nous a déjà coûté 1.500 euros. »

« Une fois le pedigree donné, nous réserverons les doses sexées aux meilleures bêtes. Nous pourrons avancer ainsi beaucoup plus vite dans la génétique avec la naissance de toutes bonnes génisses ! Théoriquement, nous devrions connaître la valeur génétique de 80 % de nos vaches d’ici 5 à 6 ans », pense Pierre.

Mais d’ici là une question importante va se poser ! Laurent : « Une fois à 160 vaches, part-on sur un troisième robot ou nettoie-t-on ce qui ne va pas chez nous pendant quelques années avant de repartir à la hausse ? » Pour son père, la réponse est déjà trouvée : « Je pense qu’on va stagner un peu pour améliorer le potentiel du troupeau et remplir les robots au maximum sans que cela ne devienne une trop grosse contrainte ! Je préfère avoir 100 vaches à 13.000l que d’en avoir 200 à 8.000l. Ce qui compte pour moi ? La performance du troupeau au niveau sanitaire, fécondité, bien-être animal et avoir des vaches dont la production avoisine 11.000 à 11.500l à l’année. C’est notre philosophie ! »

Propos recueillis par P-Y L.

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