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Plan européen sur le développement de l’agriculture biologique: un enthousiasme saupoudré de craintes

Alors que la commission présentait, le 25 mars dernier, son plan d’action pour le développement de la production biologique, le parlement prépare actuellement un avis dans lequel il fixe ses priorités. Tandis que certains députés formulent quelques craintes…

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Pour rappel, l’objectif général de ce plan, qui constitue l’un des éléments clefs pour atteindre l’objectif global du Pacte Vert, consiste à stimuler la production et la consommation de produits biologiques et de porter de 8 % actuellement à 25 % la surface agricole consacrée à l’agriculture biologique d’ici à 2030. Un chiffre ambitieux qui nécessitera la mise en œuvre de nombreux leviers.

« L’agriculture biologique joue un rôle important pour trouver des solutions durables et faire face aux nombreux défis de notre temps » a défendu l’Autrichienne Simone Schmiedtbauer qui prépare, sur le sujet, le rapport d’initiative parlementaire, lequel a la volonté de s’inscrire dans une approche holistique.

Le parlement l’avait déjà souligné, pour en assurer son succès, le plan d’action sur l’agriculture biologique a besoin d’incitants, de souplesse et d’un nécessaire équilibre pour faire face aux réalités et spécificités de chaque État membre.

Un rapport d’initiative, trois priorités

Dans son rapport d’initiative, le parlement souhaite faire comprendre la multifonctionnalité, tant économique que sociale, écologique et durable de ce plan.

Il s’articule, pour ce faire, autour de trois priorités. La première vise la promotion de la consommation de produits issus de l’agriculture biologique car « si le consommateur ne joue pas le jeu, cela ne fonctionnera tout simplement pas » précise la rapporteure démocrate-chrétienne autrichienne, sans compter qu’une surproduction de produits bio provoquerait un effondrement des prix. Une situation qui pourrait fragiliser la situation économique des agriculteurs bio européens.

Il faut donc, insiste M. Schmiedtbauer que « le marché soit au rendez-vous et que les chaînes de livraison puissent suivre ».

La seconde priorité porte sur développement des circuits courts alors que la troisième a trait la participation des niveaux politiques régionaux et locaux. « Bien sûr il faut augmenter les surfaces, mais aussi accompagner cela d’une politique de recherche scientifique pour stimuler la productivité », souligne également la rapporteure.

« L’agriculture biologique coche toutes les cases du développement durable »

« Développer l’agriculture biologique, c’est 30 % de biodiversité en plus, davantage de pâturages, de stockage de carbone dans les sols, de bien-être animal avec des cahiers des charges particulièrement contraignants. C’est une diminution de pesticides et d’engrais et moins de résidus dans les aliments et dans l’eau, ce qui participe, de ce fait, de la santé humaine » a pour sa part renchérit l’eurodéputé socialiste Éric Andrieu.

Et pourtant, les filières bio ne sont pas exemptes de crises de surproduction. C’est pour cette raison qu’il conviendrait, selon lui, d’envoyer un signal clair aux agriculteurs bio et à ceux qui souhaitent sauter le pas. Leur dire que s’ils jouent le jeu de la transition, l’Europe pourra mettre en place des outils de régulation nécessaires pour les assurer d’un prix qui couvre leurs coûts de production.

Pour M. Andrieu il semble donc important d’améliorer l’organisation des producteurs dans les plans stratégiques nationaux et encourager les États membres à utiliser le budget de 3 % du premier pilier pour des interventions sectorielles, en particulier pour les filières biologiques.

L’eurodéputé socialiste appelle de ses vœux une innovation agronomique qui ne soit pas celle des robots ou encore moins des nouveaux OGM résistants aux herbicides. Le progrès, c’est bien au contraire, à ses yeux, la maîtrise des cycles biologiques par la gestion de l’équilibre des écosystèmes et l’emploi raisonné de substances naturelles.

Et d’affirmer que « la troisième révolution agricole sera celle de l’agroécologie ».

Il sera de toute façon indispensable de sécuriser la confiance des consommateurs envers les produits biologiques. Pour l’écologiste Claude Gruffat, cela passe par un strict respect des cahiers de charges et davantage de transparence et d’information afin d’éviter « le dénigrement injustifié et les confusions parfois recherchées par des créations de labels intermédiaires entre les produits de l’agriculture biologique et conventionnelle ».

Le député français a également insisté sur les contrôles rigoureux sur les produits importés et une meilleure information quant à l’étiquetage, notamment au niveau du bien-être animal et concernant le commerce équitable au sein de l’UE.

« Il faut prendre en compte les spécificités de chaque État membre »

« 25 % de surfaces arables constituent un idéal à atteindre mais en aucun cas un dogme » a lancé une eurodéputée en indiquant que les caractéristiques topographiques de certains États membres se prêtaient particulièrement bien au développement de l’agriculture biologique. Cela ne signifie pas, par exemple, que les agriculteurs tchèques ou autrichiens, champions du bio en Europe, sont plus écolo ou sensibles à l’environnement que les autres.

Dans le même temps, plusieurs parlementaires ont une nouvelle fois craint que les mesures de promotions des produits bio bénéficient principalement aux produits importés qui concurrencent la production européenne. Un risque minime, selon la commission qui a précisé que l’UE n’importait que 3 millions de tonnes de produits bio chaque année dont un tiers de fruits exotiques et de noix.

L’Exécutif ajoute que le nouveau règlement européen sur l’agriculture biologique va, en plus, réviser les règles de certification des produits importés (avec le passage d’un système actuel d’équivalence à un nouveau dispositif de stricte conformité). Quand il sera toutefois en vigueur…

Où en est le règlement bio de la commission ?

La commission s’attache toujours à finaliser dans l’urgence les derniers actes secondaires de la nouvelle législation censée entrer en vigueur le 1er janvier prochain.

Après de longues négociations qui ont failli finir dans une impasse, le nouveau règlement bio entrera en vigueur le 1er janvier 2022 suite à un report d’une année à cause de la complexité des nouvelles règles et de la pandémie. Mais à quelques mois de cette date, plusieurs actes de la législation secondaire (permettant d’appliquer concrètement les décisions prises dans l’acte de base) sont toujours en phase de finalisation. Sur les quelque vingt-cinq actes (d’exécution ou délégués) prévus, sept se font toujours attendre.

La commission a assuré aux eurodéputés que ces textes seraient publiés dans les prochaines semaines et en tout cas avant la fin de l’année. Toutefois, compte tenu du délai d’examen de deux mois prévu pour les actes délégués, certains ne seront pas formellement adoptés au 1er janvier. Sur le volet des règles de production, il reste par exemple à la commission de publier le règlement délégué concernant l’utilisation de semences et de plants non-bio ou en cours de conversion.

Marie-France Vienne

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