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Le bambou, une opportunité aux multiples débouchés… aussi en Belgique!

Aussi étonnant que cela puisse paraître, deux bambouseraies ont récemment été implantées en Belgique. La plus grande d’entre elles se situe à Wez-Velvain, à un jet de pierre de Tournai. C’est là que Matthieu Degallaix a implanté plusieurs milliers de pieds de bambou géant. Un pari osé mais qui pourrait s’avérer payant tant les débouchés que présente cette culture sont nombreux, assure Frédéric Corio, coordinateur d’OnlyMoso pour la Belgique.

Temps de lecture : 7 min

Matthieu Degallaix et Frédéric Corio partageaient, voici quelques mois encore, l’envie de se lancer dans une nouvelle activité professionnelle. Le premier en vue de diversifier et assurer la pérennité de la ferme familiale qu’il venait de reprendre. Le second, car il souhaitait quitter le secteur bancaire dont il s’est quelque peu lassé.

Aujourd’hui, les deux hommes partagent toujours un point commun : le bambou géant, qui leur a permis d’atteindre leur objectif respectif.

Aux côtés des céréales et de la betterave

« Comme d’autres jeunes agriculteurs, je souhaite diversifier les activités de la ferme familiale en vue de succéder à mes parents. J’ai entendu parler du bambou géant, déjà implanté en France et en Italie, fait de nombreuses recherches sur le sujet et rencontré plusieurs agriculteurs qui avaient opté pour cette culture d’un nouveau genre. Je me suis ensuite lancé dans la grande aventure en juin dernier, en plantant plusieurs milliers de pieds sur une parcelle de 7 ha », explique Matthieu. Le bambou a donc pris place aux côtés des céréales et de la betterave plus communément cultivées dans le Tournaisis.

Et Frédéric de poursuivre : « Pour ma part, le monde bancaire ne répondait plus à mes attentes professionnelles. Ayant de l’intérêt pour l’agriculture et la filière bambou, découverte grâce à une connaissance française, je me suis réorienté et suis devenu coordinateur de la filière pour la Belgique, en collaboration avec la société italienne OnlyMoso. Je peux ainsi utiliser mes compétences acquises dans la finance à des fins plus vertueuses ».

Alimentation, cosmétique, papier, ameublement…

C’est en effet depuis l’Italie que la filière a pris son essor en Europe. Constatant que les besoins des consommateurs en matière de produits issus du bambou sont énormes, Fabrizio Pecci s’est intéressé dès 2010 aux moyens de cultiver cette espèce dans son pays. Après plusieurs années de recherches, la société OnlyMoso est née en 2014. Elle compte aujourd’hui plus de 1.000 agriculteurs partenaires, principalement dans la Botte, et une septantaine de collaborateurs.

« En 2017, l’Union européenne a importé pour près de 635 millions d’euros de produits issus du bambou. Il y a donc une place à prendre pour les agriculteurs européens qui souhaitent s’inscrire dans une filière locale, de la culture à la transformation », ajoute Frédéric.

Matthieu Degallaix a planté plusieurs milliers de plants sur une parcelle de 7 ha  en juin dernier. La première récolte est attendue pour 2026.
Matthieu Degallaix a planté plusieurs milliers de plants sur une parcelle de 7 ha en juin dernier. La première récolte est attendue pour 2026. - J.V.

D’autant que la plante offre une multitude de débouchés. Les jeunes pousses sont consommées en alimentation humaine et peuvent aussi être valorisées dans le secteur des cosmétiques et en médecine. Les feuilles, elles, constituent une source d’alimentation animale.

Les chaumes connaissent des finalités différentes selon leur âge. « Entre 1 et 3 ans, ils sont riches en cellulose et sont orientés vers l’industrie du papier, du textile et des bioplastiques. Récoltés à l’ensileuse, ils peuvent aussi être utilisés comme litière animale ou dans la production d’énergie. La fibre de bambou peut encore être valorisée sous forme d’isolant », éclaire Matthieu. Les chaumes de 4 ans et plus, davantage lignifiés, sont quant à eux employés dans la construction et l’ameublement. « Chez le bambou, tout est valorisable. Si un débouché venait à disparaître, d’autres sont accessibles. »

En outre, l’espèce est une très bonne purificatrice d’air, en raison de ses fortes capacités d’absorption de CO2 et de production d’oxygène.

À l’échelle locale

Disposer de nombreux débouchés est une chose, encore faut-il, d’une part, trouver des acheteurs et, d’autre part, maîtriser la phytotechnie du bambou.

« Les agriculteurs ne sont pas laissés seuls face à leurs bambouseraies. OnlyMoso s’engage à acquérir l’ensemble de leur production durant les 10 années qui suivent la première récolte, qui a lieu généralement 5 ans après la plantation. Au-delà, ils sont libres de poursuivre avec la structure italienne ou de s’engager avec un autre partenaire », détaille Frédéric.

Cela signifie que les récoltes (pousses et chaumes) sont actuellement transportées et travaillées en Italie, où se trouvent les ateliers de transformation. « La culture de bambou prend de l’ampleur en France et en Belgique. L’objectif est donc de créer une structure ad hoc plus proche des sites de culture. À terme, nous souhaitons que la production, la transformation et la consommation se fassent à l’échelle locale. Avec, à la clé, la création de nouveaux emplois et une moindre dépendance vis-à-vis des pays exportateurs. »

Une variété adaptée à notre climat…

Sur le plan phytotechnique, le bambou géant est peu exigeant. « Nous travaillons avec la variété Phyllostachys edulis, aussi appelée « bambou OnlyMoso », qui développe des rhizomes traçants et pouvant atteindre plusieurs mètres. La hauteur de ses chaumes varie entre 12 et 20 m, pour un diamètre allant de 8 à 15 cm. En pleine saison, sa croissance est de plusieurs centimètres par jour. Elle a été sélectionnée pour ces caractéristiques ! »

« Elle est tout à fait adaptée au climat belge », enchaîne Matthieu. « Elle résiste à des températures allant jusqu’à -20ºC et s’adapte à tous les sols, ou presque. » Il convient, en effet, d’éviter les sols trop argileux car les rhizomes n’apprécient guerre l’eau stagnante.

… et peu exigeante, sauf en eau

Les plants sont fournis par OnlyMoso, qui dispose de sa propre pépinière en Italie. Ils ont entre 18 et 24 mois et mesurent une quarantaine de centimètres lorsqu’ils sont livrés à l’agriculteur. « Avant la plantation, nous avons incorporé du fumier et du lisier à la terre. La plantation s’est déroulée en juin 2021 avec une planteuse à choux que mon papa a fabriqué et adapté : un soc ouvre le sol et deux roues plombeuses, à l’arrière, referment le sillon une fois le plant mis en terre. L’inter-rang, d’une largeur de 3 m, a été enherbé pour éviter le développement des adventices. »

Sur le plan de l’aménagement parcellaire, un fossé (60 cm de profondeur, 30 à 40 cm de largeur) ainsi qu’une clôture sont à envisager autour de la parcelle. Le premier permet d’éviter que les rhizomes ne s’étendent dans les terres voisines. « Dès qu’un rhizome aperçoit la lumière, il remonte à la surface et ne traverse pas le fossé. ». La clôture protège la plantation du gibier (lièvres, cervidés, sangliers…).

Une contrainte doit néanmoins être épinglée : la culture a de grands besoins en eau, ce qui nécessite d’irriguer la parcelle via un goutte-à-goutte. « Cela représente, outre les plants et l’accès à la terre, la plus grande partie de l’investissement. Sans irrigation, la culture serait peu rentable », intervient Frédéric. A contrario, la fertilisation est très simple. L’apport d’engrais se fait via l’irrigation, seulement les premières années suivant la plantation. Ensuite, elle se fait naturellement, par le biais des feuilles qui tombent et se décomposent.

Une bambouseraie d’une dizaine d’années produit annuellement entre 500 et 2.500chaumes/ha et entre 7,5 et 15t/ha de pousses.
Une bambouseraie d’une dizaine d’années produit annuellement entre 500 et 2.500chaumes/ha et entre 7,5 et 15t/ha de pousses. - F.C.

Aucun parasite ne semble s’attaquer au bambou géant ; ni bactérie, ni champignon, ni insecte. Par conséquent, aucun traitement phytosanitaire n’est nécessaire.

Matthieu poursuit : « Les premières années, il convient d’entretenir avec soin la bambouseraie : désherbage des plants, taille d’entretien, broyage des chemins enherbés… Ensuite, le bambou grandit et la parcelle se referme, telle une forêt. Les tâches à effectuer sont alors nettement moins nombreuses ».

La récolte, 100 % manuelle, a lieu à deux périodes de l’année : d’avril à mai pour les pousses et d’octobre à février pour les chaumes. « On récolte entre 20 et 25 % de la parcelle selon les besoins et objectifs fixés. On laisse ainsi certains chaumes se développer et se lignifier pour être prélevés ultérieurement. »

Quant à la question de savoir comment mettre un terme à une culture de bambou, tous deux expliquent : « Il convient de mettre la parcelle à nu, en coupant l’entièreté des chaumes, durant deux ans. En l’absence de photosynthèse, les racines meurent. La terre est ensuite tamisée en vue de récupérer les éventuels débris végétaux ». Et de nuancer : « La culture doit être envisagée sur le long terme, en gardant à l’esprit que la multitude de débouchés permet d’écouler les récoltes sans difficulté ».

750 ha à l’horizon 2040

À l’heure actuelle, outre la parcelle de Matthieu, une seconde bambouseraie a été plantée à Ittre, sur 3 ha. « Une troisième suivra en juin prochain dans la région de Gouy », précise Frédéric qui s’est déjà fixé des objectifs ambitieux à l’horizon 2040. « Nous envisageons de planter 30 ha/an entre 2023 et 2027 et 50 ha/an entre 2028 et 2040 pour atteindre une surface totale d’environ 750 ha. » Il faudra bien sûr qu’un certain nombre de fermes se lancent dans l’aventure pour y parvenir. Chaque cultivateur tenté sera d’ailleurs épaulé – à travers des conseils, visites… – par Frédéric mais aussi par l’équipe d’OnlyMoso en vue de mener à bien son projet.

Jérémy Vandegoor

Info: frederic@onlymoso.be

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