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Politique de qualité de l’UE : les Indications géographiques, une «success story» en mutation

La commission est venue présenter, le 31 mars dernier, sa proposition de révision de la politique européenne des indications géographiques devant le parlement. Un dossier qui a souvent agité l’hémicycle en raison de la réticence au changement émanant de groupes de producteurs et de pays estimant que le cadre actuel est satisfaisant en l’état.

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En mars 2022, 3.458 noms étaient enregistrés : 1.624 noms de vins, 1.576 noms de produits alimentaires et agricoles et 258 boissons spiritueuses.

Les IG, un outil pour soutenir les traditions et le savoir-faire des agriculteurs européens

Mais il faut surtout savoir que les ventes de ces produits agroalimentaires et de boissons, dont les dénominations sont protégées par l’UE, représentent une valeur de quelque 74,76 milliards €. Plus d’un cinquième de ce montant provient d’exportations vers des pays tiers. Selon une récente étude, la valeur de vente d’un produit bénéficiant d’une dénomination protégée est en moyenne deux fois supérieure à celle d’un produit similaire sans certification.

Cette politique a été soumise à des réformes en profondeur, notamment dans le cadre de la modification de l’OCM et de la révision de la PAC qui visaient une amélioration de la protection et une simplification du système.

Véritable « success story » de l’UE, elle est en tout cas un outil efficace pour soutenir les agriculteurs, bénéficier de produits de qualité et créer de la valeur dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire tout en maintenant le savoir-faire et les traditions européennes.

« Mais si ce système est couronné de succès, il subsiste toutefois une marge de progression » a indiqué le représentant de la commission qui a pointé plusieurs nouveaux objectifs : le renforcement de l’efficacité des IG afin de valoriser le travail des producteurs, l’amélioration de leur attrait, de la simplification et de l’harmonisation et de leur système global dans l’ensemble des États membres .

« Une évolution, pas une révolution »

L’Exécutif a ainsi annoncé que les nouvelles règles techniques et procédurales seront fusionnées, ce qui aboutira à une seule procédure d’enregistrement simplifiée des IG pour les demandeurs de l’UE et des pays tiers.

Cette harmonisation, promet-il, se traduira par un raccourcissement du délai entre le dépôt de la demande et l’enregistrement et devrait donc accroître l’attrait de ce dispositif pour les producteurs.

Le nouveau règlement doit en outre permettre de mieux protéger les IG sur Internet, notamment en ce qui concerne les ventes via des plateformes en ligne et la protection contre l’enregistrement et l’utilisation de mauvaise foi des IG dans le système des noms de domaine.

Il se proposera aussi d’incorporer la dimension de durabilité, devenue un atout dans la commercialisation d’un produit, en encourageant les producteurs à inclure cet élément en allant au-delà des exigences légales.

Selon la commission, « ces dispositions permettront de mieux protéger les ressources naturelles, de préserver les variétés végétales et les races animales locales, de conserver le paysage de la zone de production et d’améliorer le bien-être des animaux ». Cette démarche se fera sur une base volontaire. « Ceux qui souhaitent se lancer dans ce créneau pourront bénéficier d’un cadre pour inclure cette dimension dans le système » a assuré le représentant de la commission.

Recul sur le transfert de compétence à l’Euipo

L’un des autres changements introduits par la commission est le concept de « groupements de producteurs », qui, une fois désignés, doivent se charger d’accroître leur rôle dans l’application et la gestion globales des IG. Selon la commission, il s’agit d’un moyen de donner une réelle autonomie aux bénéficiaires du système, en leur donnant par exemple accès aux autorités de lutte contre la contrefaçon et aux douanes de tous les États membres.

Alors qu’elle envisageait initialement d’externaliser ses compétences en matière d’examen des dossiers d’enregistrement et de modification des IG, la commission est en partie revenue sur sa décision dans sa proposition de révision.

Le texte indique que l’Office européen de la propriété intellectuelle (Euipo) pourra apporter son « assistance technique » afin d’accélérer les procédures mais la commission « resterait responsable de la prise de décision en raison d’une relation étroite avec la PAC et de l’expertise nécessaire pour garantir que les spécificités du vin, des boissons spiritueuses et des produits agricoles soient évaluées de manière adéquate ».

Ce transfert de compétence, qui était l’une des principales propositions du projet initial de réforme, avait fait l’objet d’une fronde des professionnels et de nombreux États membres, poussant la commission à revenir sur sa décision.

« On ne doit pas détricoter un système à succès »

Pour autant, de nombreux eurodéputés se sont interrogés quant à la pertinence d’une telle révision, et, surtout du rôle exact qui incombait à l’Euipo. Pour les écologistes, « on sort d’une réforme de la PAC qui a déjà apporté un certain nombre de modifications de la législation au niveau des IG, que ce soit en termes de simplification des procédures, de renforcement de la protection des IG ou d’introduction de critères de durabilité au sein des cahiers des charges ».

Selon eux, les évaluations des politiques de l’UE en matière d’IG ont montré que les objectifs sont globalement atteints et que le cadre réglementaire actuel est jugé efficace.

« Les changements prévus par la commission ne modifient pas la structure fondamentale des IG. Je m’interroge donc sur l’intérêt des propositions présentées par la commission » a indiqué le représentant des Verts Benoît Biteau en revenant sur le rôle accordé aux groupements de producteurs, au niveau de la protection sur Internet et surtout dans l’intégration de davantage de durabilité.

Or, « comment peut-on renforcer celle-ci si elle ne peut se faire que sur base du volontariat » s’est-il interrogé avant de pointer l’externalisation du processus d’examen des demandes d’enregistrement des IG à l’Euipo.

« Pourquoi ce changement, qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans le système actuel » a-t-il posé arguant une complexification des procédures. « Seule la DG Agri doit intervenir sur les IG qui sont liées aux territoires et à la PAC » a conclu l’écologiste.

Pour les centristes, introduire un échelon intermédiaire entre la commission et les États membres va entraîner des lourdeurs. Or, pour un député, «cette réforme est essentielle, on touche à une politique qui vise à renforcer les IG tout en évitant un cauchemar administratif, mais la dissociation des tâches pourrait rendre difficile le dialogue entre les États membres et la commission ».

Marie-France Vienne

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