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Hainaut occidental : profession, conseiller de gestion

Le Hainaut occidental, ses paysages de labours chamarrés de printemps, ses petits noyaux villageois, Étienne Trifin les connaît bien, il en sillonne les routes depuis 1984 comme conseiller de gestion. Un métier de chiffres où l’humain occupe une place prépondérante…

Temps de lecture : 6 min

Gradué en agronomie et en comptabilité, Étienne Trifin gère un peu plus de 80 dossiers sur le Hainaut occidental depuis 1984, d’abord à l’Alliance agricole belge puis au Centre de Gestion Technique agricole (Cgta) à Gembloux. Une véritable passion pour le monde agricole qui l’a également amené à s’impliquer au niveau du Comice agricole de Lessines en qualité de secrétaire.

« Mon métier, c’est aussi d’accompagner les agriculteurs à faire de leur rêve une réalité »

Sur son territoire, il assure au quotidien l’encadrement de la tenue des comptabilités de gestion imposée dans le cadre des aides à l’investissement et à l’installation. Il répond aux questions et attentes de celles et ceux qui ont des projets d’investissements.

« Je les réfléchis, les analyse et les conçois avec eux dans une approche de viabilité financière avant que la Cellule Adisa du Cgta ne les accompagne pour rentrer un dossier de demande d’aides car il faut à tout prix éviter la moindre erreur qui pourrait conduire à son irrecevabilité et souvent, comme on le dit communément, le diable se cache dans les détails ».

Dans cette région « où l’on sait tout faire », la tendance est, comme ailleurs en Wallonie, à l’agrandissement des exploitations.
Dans cette région « où l’on sait tout faire », la tendance est, comme ailleurs en Wallonie, à l’agrandissement des exploitations. - M-F V.

Dans ce cadre, il travaille en concertation avec les banques qui doivent pouvoir bénéficier d’une vision comptable personnalisée de l’exploitation.

« Nous sommes dans des matières qui sont minées car la législation évolue, elle mue, il faut être très pointu » poursuit Étienne. Et d’enchaîner : « quand je quitte une exploitation, je veux que l’agriculteur ait appris quelque chose, que ce soit de l’information, une orientation ou un conseil pour qu’il puisse progresser dans son projet de vie ».

Mais à côté de cela, « je veux aussi faire en sorte que leur rêve devienne réalité » souffle-t-il.

Un tissu agricole qui a bien changé en 40 ans

Dans son métier, il faut être à l’écoute des agriculteurs, parfois de leurs difficultés à appréhender l’avenir. C’est aussi être confronté à des tensions intrafamiliales et des conflits intergénérationnels.

Mais c’est souvent une grande proximité doublée d’une solide confiance qui s’installe au fil des années, « quand j’ai débuté, le père venait de reprendre l’exploitation, maintenant je viens d’aider son fils dans sa reprise » illustre Étienne en évoquant l’une des fermes qu’il suit.

Le capital d’une reprise d’exploitation, qui était de l’ordre de 200.000€ à 250.000€ il y a quarante ans, a quasiment doublé tandis que les intérêts d’emprunt ont chuté.

Mais « le jeune qui reprend maintenant a beaucoup plus de contraintes administratives qu’avant, que ce soit au niveau des mises aux normes, du permis d’environnement en bonne et due forme, des contrôles ».

Comme partout ailleurs, les exploitations souffrent des conséquences de la crise liée au conflit russo-ukrainien. « Il faut savoir qu’une ferme consomme environ 200 litres de carburant par hectare et par an » souligne Étienne Trifin en ajoutant qu’avec la flambée des prix, « ce poste va bondir de 10.000€ par an ».

Des exploitations spécialisées, très peu d’agriculteurs en bio

Avec son collègue Philippe Feys, comptable au sein de la Maison des Agriculteurs à Gaurain-Ramecroix (Tournai) qui s’inscrit dans le réseau des secrétaires de la Fédération wallonne de l’Agriculture, Étienne Trifin évoque, non sans nostalgie, le mitan des années 80’, quand les exploitations de sa région tournaient alors autour d’une moyenne d’environ 45ha, une surface qui a quasiment doublé actuellement.

« J’assure toutefois le suivi d’une exploitation de 17ha sur Comines » avance-t-il, et « notre plus vieil agriculteur qui est décédé l’année dernière à 95 ans déclarait encore 5ha » abonde pour sa part M. Feys.

Il n’y aura plus personnes après lui, mais Étienne veut voir le positif : en région wallonne, 80 jeunes se sont installés en ayant eu recours à une aide en 2020. En Hainaut occidental, « notre bureau accompagne par an environ 10 jeunes de 25 à 30 ans dans une reprise d’exploitation » précise Philippe.

« Les fermes se sont fortement spécialisées au cours des vingt dernières années, avec des doubles troupeaux, un laitier de type Pie Noir, un autre de Blanc-Bleu -Belge et des cultures (céréales, betteraves, pommes de terre, chicorée et cultures industrielles) » indiquent les deux hommes.

Parmi celles qui sont suivies par Étienne, très peu sont en bio, « je peux d’ailleurs les compter sur les doigts d’une main » précise-t-il en ajoutant que lorsque l’on fait du lait et de la viande « on se situe entre 3 et 4 UGB par hectare, donc au-delà de la charge totale autorisée en bio ».

La pomme de terre a pris une importante place dans l'assolement au fil des décennies et la variété a changé de visage, « on s’est détaché de la Bintje pour s’orienter vers la Fontane et la Challenger ».
La pomme de terre a pris une importante place dans l'assolement au fil des décennies et la variété a changé de visage, « on s’est détaché de la Bintje pour s’orienter vers la Fontane et la Challenger ». - M-F V.

Et d’ajouter, « c’est une question de compatibilité entre l’exigence des contraintes et les caractéristiques de la région qui ne se prête pas vraiment à l’agriculture biologique ».

Le circuit court dans un cercle vertueux

Nombreux sont par contre les producteurs à s’être récemment orientés vers la vente directe, essentiellement en transformant leur production laitière mais aussi en proposant de la viande en colis.

Une tendance qui s’inscrit dans une sorte de cycle de vie. Comme celui de la vente de beurre à la ferme très populaire voici quarante ans avant que cette tradition ne se perde totalement en raison d’un courant qui l’a diabolisé sous la pression des margariniers. Réhabilité, il est ensuite revenu en grâce à la faveur de nouvelles études prouvant ses bienfaits pour la santé.

Les produits du terroir, la filière courte ont le vent en poupe et « on le voit au niveau des dossiers Adisa dans le cadre de la construction de nouveaux bâtiments pour accueillir une fromagerie, un magasin à la ferme ».

Évolution du potentiel de culture en betterave et des variétés en pommes de terre

La betterave, l’un des fleurons du Hainaut occidental, a connu une importance évolution au niveau des rendements, allant de 60 tonnes/ha dans les années ’80 à une centaine de tonnes en 2022.

La pomme de terre a pris une importante place dans l’assolement au fil des décennies et la variété a changé de visage, « on s’est détaché de la Bintje pour s’orienter vers la Fontane et la Challenger » développe Étienne Trifin qui explique ce glissement par une demande de l’industrie « qui recherche des calibres plus costauds » mais aussi en raison du mildiou auquel la Bintje est plus sensible.

Dans cette région « où l’on sait tout faire », la tendance est, comme ailleurs en Wallonie, à l’agrandissement des exploitations. Les deux tiers des fermes présentes début des années ‘80 ont disparu et la superficie exploitée des fermes a progressé d’environ 68 %, atteignant près de 80 ha.

L’évolution est criante au niveau de la production de lait. Au moment de l’instauration des quotas, les exploitations de la région tournaient autour de 60.000 litres, actuellement elles en sont entre 450.000 et 500.000 litres par an. Elle l’est aussi quant au nombre de des exploitations où l’on traie encore. « Sur les sept fermes où l’on trayait dans mon village, il n’en reste plus qu’une seule » illustre M. Feys.

Le futur proche, Étienne Trifin l’envisage toujours aux côtés des agriculteurs. « Je suis passionné par le fait de rendre service aux gens, il faut qu’ils sentent que nous sommes avec eux. Moi-même j’aurais voulu être fermier et finalement, je suis resté dans le giron de l’agriculture ».

Marie-France Vienne

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