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«La grande distribution vend des prix,nous, on vend des produits»

Crises. La lexie est désormais plurielle et l’onde de choc qu’elle provoque dans la société touche particulièrement les secteurs alternatifs aux canaux de distribution traditionnels. Pourtant, magasins bio, sans emballage et les coopératives en circuit court sont bien décidés à allier leurs stratégies afin de pérenniser leurs activités.

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Alors que la crise sanitaire avait poussé les consommateurs à découvrir les vertus du circuit court et du bio, celle de l’énergie et, par extension, du pouvoir d’achat, les ont ramenés vers la grande distribution, voire poussés dans les bras du maxidiscompte.

Le bio est sorti de la niche

Pour faire face à ce reflux massif de la clientèle, les structures Biowallonie, 5C (collectif des coopératives citoyennes pour le circuit court), Consom’Action et Manger Demain, ont présenté, le 11 octobre dernier au cœur de « La Biosphère » à Dion-Valmont (Brabant wallon), commerce qui a lui aussi souffert de ce phénomène, les contours de leurs actions afin d’encourager la fréquentation des points de vente défendant un système alimentaire reterritorialisé et résilient.

C’est le cas du secteur bio qui a plus que jamais le vent en poupe en Wallonie. En 2021, il comptait non moins de 1.969 producteurs sous label, soit 15,5 % des fermes wallonnes qui sont en partie ou à 100 % bio. Cela représente 92.000ha, un chiffre correspondant à 12,5 % de la SAU wallonne, nous indique Biowallonie.

Le bio c’est aussi plus de 700 transformateurs (606 en Wallonie et 151 à Bruxelles et ses 28 producteurs bio) et plus de 400 points de vente. Quant à la consommation de produits bio, elle est en hausse constante depuis dix ans. En 2021, elle représentait 978 millions € en Belgique, dont 440,8 millions € en Wallonie.

Stimuler le développement territorial

Autre acteur qui compte dans le paysage de l’économie locale wallonne, les coopératives citoyennes en circuit court, représentées par le collectif 5C, une fédération comptant une quarantaine de coopératives, parfois mixtes, qui intègrent à la fois des producteurs et des consommateurs « afin de prendre en compte les différentes dimensions, besoins et attentes des uns et des autres » a précisé le coordinateur, Pierre Laviolette.

« Ces coopératives reposent sur l’idée d’un circuit court portant des valeurs de dynamique citoyenne, de développement territorial afin de créer un contact entre producteurs et consommateurs ».

Elles sont alimentées par 1.150 producteurs, en partie bio et emploient environ 150 équivalents temps plein.

Elles comptent 11.000 coopérateurs, « ce qui prouve l’engouement citoyen et leur ancrage social » pose M. Laviolette, ajoutant que ces coopératives sont « des espaces de partages et de rencontres ». Le collectif soutient en outre l’agroécologie et met en avant la qualité différenciée, mais aussi le circuit court hors de nos frontières dont les produits sont véhiculés par des organisations comme Oxfam ou Ethiquable.

Le vrac, un secteur encore trop méconnu

Créé fin janvier 2022, Consom’Action est un réseau regroupant un ensemble de professionnels qui défendent une consommation responsable, en vrac et zéro déchet en Belgique.

Les missions de l’association sont définies par ses membres, « nous sommes les porte-voix du terrain, nous écoutons les besoins du secteur et c’est sur cette base que nous allons co-construire les initiatives et actions à mettre en place » a développé Sylvie Droulans, la directrice de ConsomAction.

Le secteur du vrac représente aujourd’hui 205 points de vente en Wallonie et à Bruxelles  dont 87 magasins 100% spécialisés dans ce type de vente, et 118 magasins bio  disposant d’un rayon vrac.
Le secteur du vrac représente aujourd’hui 205 points de vente en Wallonie et à Bruxelles dont 87 magasins 100% spécialisés dans ce type de vente, et 118 magasins bio disposant d’un rayon vrac. - M-F V.

Son objectif consiste à fédérer une diversité d’acteurs (commerces, fournisseurs, HoReCa, maraîchers, professionnels du zéro déchet) afin de proposer une manière plus engagée de consommer et de soutenir des valeurs sociétales fortes.

« Il n’y a pas que la grande distribution, de nombreuses alternatives existent mais ces autres voies sont encore trop peu connues car nous n’avons pas la même force de communication que les grandes structures ».

Le secteur du vrac représente aujourd’hui 205 points de vente en Wallonie et à Bruxelles dont 87 magasins 100 % spécialisés dans ce type de vente, et 118 magasins bio disposant d’un rayon vrac.

Il faut savoir qu’un commerce de produits en vrac limite fortement le gaspillage alimentaire, faut-il encore rappeler que 3,5 tonnes de nourriture sont jetées chaque année, et permet d’éviter une tonne de déchets par an.

À produit égal, le vrac (à 80 % bio ou en circuit court) est en outre entre 25 % et 40 % moins cher que le pré-emballé. Enfin, ce type de commerce de proximité et à taille humaine engage en moyenne 2 à 4 emplois directs et de nombreux indirects (producteurs locaux, fournisseurs, prestataires de services) qui y sont connectés.

L’humain au centre de l’action

Quatrième acteur à se mobiliser en ce début d’automne, la cellule Manger Demain, qui fête bientôt ses quatre années d’existence.

Elle a pour objectif de coordonner, de faire du lien et de faciliter la communication entre les initiatives locales et régionales en matière d’alimentation durable en Wallonie.

Des actions pour faciliter l’accessibilité à une alimentation bio, en vrac  et en circuit court pour tous sont prévues d’ici la fin de l’année.
Des actions pour faciliter l’accessibilité à une alimentation bio, en vrac et en circuit court pour tous sont prévues d’ici la fin de l’année. - M-F V.

C’est qu’il y a une importante dynamique dans le domaine et « il était important pour la région wallonne d’avoir une vue d’ensemble du mouvement de transition qui se met en place » a d’ailleurs expliqué la représentante de la cellule.

Manger Demain est aux manettes de la mise en œuvre du « Green Deal Cantines Durables » en accompagnant les acteurs de la restauration collective à mettre en œuvre la transition vers une alimentation plus durable dans l’assiette des enfants, des personnes âgées, hospitalisées et de toutes celles qui bénéficient de ce type de restauration.

Plus largement, cette plateforme apporte aussi un soutien aux circuits courts et sensibilise au gaspillage et à la réduction des pertes alimentaires.

« Nous n’allons pas manger nos billets de banque »

Les secteurs du bio, du vrac et du circuit court sont autant de forces de proposition dont la perception par les consommateurs souffre d’une image erronée : trop chers, inaccessibles, compliqués, peu attractifs, trop limités au niveau de l’offre.

C’est la raison pour laquelle les quatre plateformes vont travailler sur leur attractivité et communiquer sur leurs retombées économiques, sociales et environnementales positives.

Car ces commerces constituent « la vitrine des producteurs et des artisans sans lesquels on ne mangerait pas » a illustré Anne Lemineur, fondatrice de « La Biosphère », ajoutant, à l’endroit de la grande distribution, « qu’elle nous vend des prix, quand nous, nous vendons des produits, et ça, c’est vraiment très différent ».

Pour Anne Lemineur, fondatrice de  «La Biosphère» les commerces de produits bio, en vrac et en circuits courts constituent « la vitrine des producteurs et des artisans sans lesquels on ne mangerait pas ».
Pour Anne Lemineur, fondatrice de «La Biosphère» les commerces de produits bio, en vrac et en circuits courts constituent « la vitrine des producteurs et des artisans sans lesquels on ne mangerait pas ». - M-F V.

Militante dans l’âme, elle ressent très fort « l’insécurité » chez les consommateurs. Malgré la succession des crises, elle assure qu’il y a « un réel besoin d’alternatives, qui agissent tel un contre-pouvoir ou contrepoids aux canaux majoritaires de distribution ».

Avec leurs valeurs communes de promotion de produits de qualité, de prise en compte des enjeux environnementaux, de respect du producteur et de défense de prix rémunérateurs pour les différents maillons de la chaîne, ils nous offrent une vraie alternative dans notre manière de nous nourrir et d’accéder à la nourriture.

Tous bénéficient de grandes potentialités de résilience face aux crises et contribuent au maintien de notre souveraineté alimentaire.

Des actions concrètes de terrain

Les différents acteurs ont donc décidé de mener des actions pour faciliter l’accessibilité à une alimentation bio, en vrac et en circuit court pour tous.

Cela passera par des mécanismes de soutien, avec le soutien de la Wallonie, pour ces secteurs, un observatoire des prix dont une première publication est prévue d’ici la mi-novembre, une journée de réseautage entre professionnels visant à encourager la consommation de produits bio, et, enfin, par des actions de sensibilisation vers différents publics.

Marie-France Vienne

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