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Voyage au pays des sapins de Noël

Pour moi, l’Ardenne, c’est surtout la Foire de Libramont, de vieux souvenirs de camps scouts en bordure de forêt et… les chroniques de Marc Assin dans le Sillon Belge.

Temps de lecture : 4 min

Il se trouve que j’ai participé à un colloque « Terre » avec les pépiniéristes et les producteurs de sapins de Noël (UAP). J’avoue être bien placé au Guinness Book des records pour remonter la même crèche à Noël depuis quasi sept décennies et de l’accompagner chaque année d’un nouveau sapin selon un rituel immuable : l’acheter, l’empoter et le décorer de boules et guirlandes qui, elles non plus, n’évoluent guère.

C’est la magie de Noël, avec ses rites, ses conventions, son atmosphère humaine, chaude et familiale.

Je savais que les sapins avaient « une ardeur d’avance », avec plus de 3.000 hectares dans une région plutôt économe en terres de culture. Je savais aussi que le secteur était dynamique et gagnait des points à l’exportation.

Je savais que les épicéas devaient se défendre contre un parasite de plus en plus virulent, le scolyte. Je savais aussi que les producteurs de sapins avaient un autre ennemi : le journalisme d’investigation que la télé adore mettre en avant quand il s’agit d’émission à charge sans décharge, mais rentable au niveau de l’audimat.

Je savais enfin que les naturalistes les plus intégristes adorent critiquer ce qui se fait dans la nature là où ils mettent volontiers le pied sans y mettre la main.

Bref, c’était l’occasion de réfléchir à la question et d’essayer de comprendre un peu mieux ce qu’il en est. Clairement, nous sommes en agriculture, pas en sylviculture. On produit ce que le marché attend. La vocation de l’agriculture n’est pas qu’alimentaire. La survie de l’humanité ne passe plus aujourd’hui par les seuls besoins en nourriture.

La vigne, l’orge et le houblon répondent à d’autres attentes. Le tabac, évidemment. Avec la mode, le lin et le coton visent le beau plus que le chaud. Les biocarburants sont prisés dans une recherche d’énergies renouvelables. Les magasins de fleurs participent aux plaisirs de la vie, pas à la survie. Et les sapins font partie du plaisir des yeux dans le décor de Noël.

Ils ont la réputation de rendre les sols acides. En deux clics sur internet, on comprend qu’ils poussent plus facilement en sol acide, certes, et que tout le problème vient de cette aptitude de rusticité mais n’en est pas la cause. Les Ardennes, comme les Vosges et la Forêt Noire, ont été le socle d’une ancienne chaîne de montagnes (le plissement hercynien, il y a 350 millions d’années) et n’ont jamais connu la mer pour se recharger en calcium.

Les analyses de terre réalisées au laboratoire de Michamps confirment l’état des lieux : les champs de sapins sont correctement pourvus pour deux tiers d’entre eux. Un tiers mériterait un ajustement, soit en chaulage, soit en phosphore, soit en potassium selon les cas.

Que dire des pertes en bonne terre ardennaise quand il est vendu en mottes ? Que c’est un faible pourcentage du marché et que, globalement, les teneurs en carbone, deux fois plus élevées qu’en région limoneuse, sont plutôt un frein à l’érosion. Ce critère (la teneur en humus), négligé au cours des siècles passés, est devenu une priorité pour la Wallonie et fut présenté par le CRA-W dans le cadre de ce colloque.

Inévitablement, toute activité dynamique génère une pression sur le prix des terres. C’est pareil au niveau des patatiers en bonne région. Ce débat est en train de se faire occulter par le rachat des terres à n’importe quel prix dans un but spéculatif. Les sociétés trop argentées investissent dans ce qui deviendra rare, donc cher, en tout cas plus cher que les actions boursières et trop cher dans le cadre de l’activité agricole.

Reste la question des traitements phytosanitaires : un kilo de matières actives/ha en sapins de Noël pour 2 en colza, un peu plus en céréales, 12 en betteraves et bien davantage en pommes de terre, selon les années.

Dernier point étudié : les reliquats azotés. Pas de péril en la demeure quand les sapins ont plus de 3 ans. Auparavant, ils consomment très peu, moins que la minéralisation.

En tant que « culture », le bilan carbone est plutôt avantageux : 8.000 pieds par hectare en croissance pendant 5 à 7 ans, c’est en moyenne 7 tonnes de matières sèches produites par an, soit 10 de CO2 immobilisé pendant 6 ans. C’est beaucoup moins longtemps que la forêt mais bien mieux qu’une culture annuelle. À plus forte raison si le sapin finit sa carrière en compostage.

Si pas, il reste deux alternatives : soit un sapin en plastique dont le bilan carbone est trois fois plus élevé que le sapin naturel (cfr Ellipsos), soit ne plus faire la fête à Noël et rester bougonner dans son coin.

JMP

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