Entretien, ventilation, irrigation

et protection… conseils pour

une gestion économe et efficace

Nous pouvons appréhender cette question sous deux aspects : améliorer la croissance des plantes et éviter les blocages ou incidents liés à la gestion de la serre tunnel.

La croissance est en lien avec l’activité photosynthétique. Pour que celle-ci puisse être optimale, il faut répondre au moins aux exigences de base dictées par la formule simplifiée : eau + CO2 avec lumière => sucres + oxygène.

Ce métabolisme du carbone lié à la photosynthèse dépend de facteurs propres à la plante (espèce, variété, stade, âge physiologique…) et d’éléments liés au climat dans la serre tunnel (température et humidité relative de l’air, taux de CO2 dans l’air…)

Bien sûr, les autres exigences en facteurs de production doivent aussi être rencontrées. Ce sera notamment le cas des éléments fertilisants qui seront abordés ultérieurement dans les colonnes du Sillon Belge.

Les blocages ou incidents que l’on peut observer pendant la croissance et le développement des légumes sont déterminés par des manques ou des excès dans les facteurs de gestion de la serre tunnel, comme la température ou l’irrigation.

L’activité photosynthétique, clé de la croissance

L’ouverture des stomates – micro-ouvertures à la surface des feuilles permettant les échanges gazeux – est un élément déterminant de l’activité photosynthétique des plantes. Il est lié à la plante et indirectement au climat « ennvironnant » celle-ci. Tous les facteurs entraînant la fermeture totale des stomates réduisent l’activité photosynthétique ; parmi ceux-ci, citons une humidité relative faible, des teneurs faibles en azote dans le sol et la salinité.

Lorsque l’humidité relative est faible, les stomates se ferment et les échanges gazeux diminuent, comme la photosynthèse. L’humidité relative étant en lien direct avec la température, ce sera sur celle-ci que le maraîcher pourra agir.

Des faibles disponibilités en azote dans le sol nuisent à la synthèse du saccharose et sur le transfert de sucres complexes dans la plante. Les sols maraîchers sont généralement bien fumés, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Des compactions du sol, des déficits hydriques prononcés du sol peuvent entraîner des problèmes de minéralisation des matières organiques du sol. Au contraire, l’apport de grande quantité de masse carbonée peut mobiliser l’azote et le rendre trop disponible pour les plantes. La prudence est nécessaire, notamment dans l’emploi de bois raméal fragmenté.

La problématique de la salinité a été abordée longuement dans notre édition du 21 novembre 2014. Ce souci est fréquent en gestion de serres tunnels maraîchères et a des conséquences sur les rendements, la qualité des légumes, leur sensibilité aux maladies et sur la fertilité des sols.

La température et l’hygrométrie : délicates à contrôler

En ces matières, il existe des différences entre espèces végétales. Mais dans la pratique des légumes couramment cultivés dans nos régions en serres tunnel, l’activité photosynthétique est très faible lorsque la température ne dépasse pas 5ºC. Elle est la plus élevée vers 15ºC pour des plantes comme les laitues, vers 20 ou 25ºC pour la tomate et entre 25 et 35 ºC pour les plantes comme le melon, l’aubergine, le poivron. La photosynthèse diminue ensuite pour des températures plus élevées encore, avec des nuances importantes d’une situation à l’autre. Lorsque la température est trop élevée, la croissance des plantes est tout simplement inhibée. Dans les cas extrêmes, on ne pourra que constater la destruction de composantes cellulaires des plantes.

La température a une incidence directe sur l’humidité de l’air ou hygrométrie. On a coutume de retenir que l’hygrométrie de l’air influence directement l’importance des échanges gazeux par les stomates des plantes et donc la photosynthèse. Mais des études précises démontrent que cette relation n’est pas aussi simple. La salinité de la solution du sol intervient dans une grande mesure. De même, les mouvements d’air dans la serre sont indispensables pour les échanges gazeux au niveau des stomates.

Les installations relativement sommaires qui permettent de réguler le climat d’une serre tunnel maraîchère ne permettent pas une maîtrise aussi précise que dans une serre horticole bien équipée. Ce n’est pas l’objectif d’ailleurs.

En cas de mise en place d’un chauffage d’appoint dans la serre tunnel, au début du printemps ou en fin d’automne, des réglages sont recommandés pour les températures de mise en route. Avant toute chose, il convient de vérifier la rentabilité de tels investissements.

Pour la température de l’air, un gradient de quelques degrés (environ 2 à 4 ºC) entre la nuit et le jour est généralement communiqué pour les réglages des chauffages artificiels, avec une moyenne de l’ordre de 21ºC pour les aubergines, concombres, poivrons, un ou deux degrés de moins en tomates, environ 10ºC pour les laitues. Les serres froides ne reçoivent guère d’apport de chaleur, si ce n’est un antigel. Les cultures plus exigeantes ne sont donc pas possibles lors des mois d’hiver.

Les tablettes chauffantes permettent la production des plants à repiquer sans devoir chauffer toute l’ambiance (voir Le Sillon Belge du 13 mars dernier).

Concernant l’hygrométrie, nous tentons d’éviter les niveaux proches de 100 % : ils favorisent les condensations sur les parois et les plantes, ils sont propices à plusieurs maladies épidémiques.

A l’autre extrême, il convient d’éviter des hygrométries faibles et se rapprochant des 40 % : les plantes encore mal enracinées ou qui ne sont pas endurcies en souffriraient.

Notons qu’au printemps et en automne, il peut être intéressant de placer une double protection des cultures. Le bâchage et les petits tunnels de type nantais permettent de profiter d’un chauffage du sol avec plus d’efficacité.

Appareils de mesure

Il faut pouvoir mesurer la température au niveau des plantes, avec une protection des senseurs des thermomètres vis-à-vis de l’ensoleillement direct (cape ajourée de couleur blanche).

Un hygromètre donne une indication intéressante, à condition qu’il soit bien réglé. Ces appareils de mesures doivent être régulièrement vérifiés et ré-étalonnés, surtout qu’en serre, ils subissent de forts écarts thermiques et hygrométriques.

Veiller à une bonne luminosité

La luminosité dans la serre tunnel dépend de la situation (inclinaison du terrain, ombre de bâtiments, d’arbres…), de la couverture plastique (qualité, âge, propreté…), de la structure (obstacles, arceaux…). Pour chaque plante, ses voisines sont aussi des obstacles, la densité de plantation a donc ses limites.

Le site d’implantation de la serre tunnel doit être réfléchi en connaissance des obstacles élevés comme les murs voisins ou comme les arbres. La présence de ceux-ci sera plus particulièrement perceptible en début et en fin d’hiver, alors que le soleil est naturellement bas.

La structure de la serre tunnel (arceaux, renforts, tuyauteries aériennes…) constitue autant d’obstacles à la pénétration de la lumière. La propreté du plastique et son âge interviennent sur les performances globales de la serre tunnel.

La ventilation

Dans une serre tunnel maraîchère, la ventilation est le plus souvent statique, c’est-à-dire sans le recours à des ventilateurs mus par des moteurs. Des ouvrants sont aménagés au faîtage, aux pignons, latéralement. Plusieurs dispositifs sont proposés par les fournisseurs ou adaptés par les utilisateurs.

Les manipulations sont manuelles ou motorisées, automatisées ou non. Il est intéressant d’avoir une automatisation de l’ouverture d’une partie des ouvrants ; cela permet d’éviter des catastrophes à cause de températures extrêmes en l’absence du maraîcher par période ensoleillée. Dans nos conditions, l’automatisation d’un quart ou d’un tiers des ouvrants permet une gestion confortable de l’aération des serres tunnels pour l’entre-saison.

Au faîte, des ouvrants insérés dans la structure s’ouvrent et se ferment comme dans le cas de serres en verre. Plus sommaire, mais efficace également, l’écartement des laizes de plastique permet d’aérer les serres tunnels.

Les ouvertures aux pignons sont économiques, mais leur efficacité est insuffisante lorsque le tunnel mesure plus d’une trentaine de mètres et qu’il est occupé de plantes tuteurées en hauteur qui limitent l’évacuation de l’air par leur propre présence.

Les aérations latérales sur toute la longueur du tunnel sont efficaces et simples d’emploi. Pour éviter une trop forte prise au vent en cas de tempête, un filet brise-vent peut limiter la vitesse du vent dans le tunnel.

Si la serre doit être fermée, par exemple à cause de vents forts, il faut pouvoir agir rapidement pour aérer de nouveau avant que le soleil ne provoque une rapide montée de température, sous peine de pertes qualitatives et quantitatives importantes dans les cultures en place.

Certaines serres sont très bien équipées, mais la plupart d’entre elles sont pauvres en équipement automatisé. La logique économique l’impose.

D’autres systèmes de refroidissement sont utilisés en serres horticoles, mais leur coût limite leur emploi en maraîchage. Mais pour la production de plants à repiquer ou pour des cultures à haute valeur par unité de surface, une étude économique peut nous orienter vers ces choix. La ventilation forcée (ventilateurs) peut facilement être commandée automatiquement. Elle est énergivore, mais fonctionne aussi en conditions ensoleillées et absence de vent (situation critique en ventilation naturelle). Les systèmes de cooling (échangeurs refroidis par un écoulement d’eau), l’ombrage des serres, les systèmes d’évaporation d’eau sur graviers, la microbrumisation sont autant de systèmes complémentaires améliorant la maîtrise du climat. Tout est une question de rentabilité.

Les températures élevées par forte luminosité, l’été, sont à l’origine de perturbations des cultures. L’enroulement des feuilles, l’avortement de fleurs, la brûlure de fruits sont des maladies physiologiques fréquentes, en production de tomates, par exemple.

Lutte contre les ravageurs

La maîtrise de la température et de l’hygrométrie est un des piliers de la lutte raisonnée. Le second pilier est l’hygiène d’exploitation dans et autour du tunnel. L’objectif est d’éviter la condensation à l’intérieur de la serre tunnel par une bonne aération et d’éviter les températures extrêmes.

Les arrosages doivent permettre de ne pas éclabousser les feuilles de la plante cultivée avec de l’eau souillée de terre. La maîtrise de l’enherbement permet aussi de limiter l’humidité au niveau de la culture : ce sera vrai dans la serre, mais aussi à proximité de celle-ci. C’est également une bonne méthode pour éviter l’entretien de plants semenciers susceptibles de propager des graines d’adventices dans la serre.

La prophylaxie est aussi de rigueur lors de l’introduction de plants ou de matières organiques imparfaitement compostées dans la serre.

L’eau et l’irrigation

Dans une serre tunnel, l’irrigation doit apporter presque la totalité des quantités d’eau dont la culture aura besoin. Nous avons déjà abordé indirectement la question de l’irrigation lors de la présentation des problèmes de salinité, dans notre édition du 21 novembre 2014.

L’eau de qualité convenable doit être apportée en quantité suffisante, de manière homogène sur l’ensemble de la surface de la serre tunnel,. Cela paraît évident, pourtant la pratique démontre que trop souvent ce n’est pas le cas.

La qualité de l’eau est liée à sa source et éventuellement aux caractéristiques des réservoirs d’attente. Nous n’avons que peu de latitude pour corriger d’éventuelles faiblesses minérales. Par contre, l’hygiène d’exploitation permet d’éviter des pollutions chimiques ou bactériologiques.

La quantité d’eau apportée est trop souvent insuffisante pour satisfaire les besoins du système serre tunnel. La conséquence sera une remontée importante d’eau par capillarité et sa conséquence directe, l’accumulation de sels solubles en surface de sols. C’est une cause importante de salinité.

En première approche, les besoins sont de l’ordre de 4 mm par jour en été et 2 mm par jour au printemps et en automne. Mais de fortes variations sont induites par l’état de drainage du sol, l’orientation de la parcelle, le niveau de protection du sol (paillage…), l’aération de la serre tunnel, la culture et son stade, et bien sûr le climat de la saison. Les besoins varient ainsi de 0 à 7 mm/jour, dans des situations de serre tunnel maraîchère en Wallonie. L’emploi d’un tensiomètre aide à la décision pour le pilotage de l’irrigation et est vivement recommandé.

La répartition de l’eau distribuée sur l’ensemble de la surface cultivée est une autre source de déconvenues. Pour s’assurer de la bonne répartition, l’emploi de plusieurs bacs témoins glissés sous les rampes de goutte-à-goutte ou de plusieurs pluviomètres témoins pour les dispositions d’aspersion permet un contrôle rapide et peu coûteux. De plus, ces mesures peuvent être réalisées avant que le constat de mauvaise répartition de l’eau ne soit déploré sur cultures ou par la salinité. L’origine des mauvaises répartitions est souvent facile à détecter : tuyauteries coudées ou tordues, diamètre des conduites inadapté.

Pour les serres tunnels maraîchères, deux systèmes d’irrigation peuvent cohabiter. Le système de goutte-à-goutte sera installé pour les cultures palissées comme la tomate, le melon, le concombre. Le système par aspersion sera employé pour les cultures d’hiver et les légumes de petite taille. Les irrégularités des deux systèmes ont peu de chance de se répéter de la même manière aux mêmes endroits.

F.

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