Il y a peu, se tenait à Libramont l’Assemblée générale des producteurs sur le thème des « Prix justes en agriculture ». Quelque 200 producteurs et acteurs des filières, de la recherche, de l’encadrement et de l’administration ont ainsi pu recueillir en primeur les résultats d’une enquête initiée par le Collège de producteurs et menée auprès de 800 consommateurs francophones de Bruxelles et de Wallonie.
Autour du juste prix
Confiée à la société Dedicated Research, cette enquête a permis de mieux cerner dans quelle mesure les consommateurs sont sensibles à la rémunération des producteurs et conscients des prix des produits alimentaires du quotidien. Elle a également mis en lumière jusqu’à quel point nos concitoyens consentiraient à payer davantage pour des denrées assurant une rémunération plus juste des producteurs.
Conscients de la situation…
Un chiffre à retenir est que 3 personnes interrogées sur 4 jugent que les producteurs sont assez mal ou très mal rémunérés. Davantage encore (84 %) sont préoccupés par ce niveau de rémunération et 58 % des répondants se disent conscients que la situation peut mener à une fermeture d’exploitations.
… mais assez superficiellement
Ces résultats sont-ils surprenants ? À chacun de juger, mais force est de constater que les prix sont perçus par le consommateur comme quelque chose de relatif (plus ou moins cher que) plutôt que comme une valeur effective. En effet, 45 % des répondants ne connaissent pas spontanément le prix d’achat des produits alimentaires frais du quotidien, et ce malgré qu’ils soient responsables des achats !
Seuls 3 consommateurs sur 10 ont une idée de la rémunération des producteurs et ces mêmes 30 % estiment que les producteurs ne touchent que 13 % du prix de vente des produits alimentaires.
Selon les répondants, les producteurs devraient « idéalement » toucher 40 % du prix final de vente des denrées.
On est bien loin de la réalité, mais une chose semble certaine : il y a bien là une opportunité réelle à renforcer les ponts entre consommateurs et producteurs.
Le passage à l’acte ?
Si l’empathie des consommateurs semble bien réelle, peut-elle ou non se transformer en actes d’achat plus justes vis-à-vis des producteurs ?
À cette question, la majorité des répondants s’engagent à agir positivement si une offre de produits « Prix juste au producteur » se présente. On observe toutefois des différences en fonction des produits : 60 % des consommateurs interrogés se disent prêts pour les produits végétaux dont le prix absolu est plus faible et 48 % pour les produits animaux. Notons encore que 21 % des répondants assurent qu’ils passeraient à l’acte avec certitude.
Quels prix ? Plus 7 %, disent les « plus ouverts »
Pour assurer un prix plus juste au producteur, les consommateurs prêts à passer à l’acte accepteraient sans problème un supplément moyen de 7 % du prix final, voire 15 à 20 % pour 10 % des répondants. Ce « surprix » varie également selon les produits.
Vers un label « Prix Juste au Producteur » ?
Quelque 90 % des consommateurs interrogés jugent important de mettre en avant les produits garantissant un « Prix Juste au Producteur » via un label spécifique qui les informerait et les guiderait dans leurs achats.
En prenant en compte les degrés d’incertitude propres à ce type d’enquête, on estime à 25 % la proportion des consommateurs qui choisiraient un produit avec ce type de label. L’attente est d’autant plus forte chez les personnes plus âgées.
En outre, pour en améliorer la promotion, les consommateurs proposent d’associer ce label à une mention « produit local ».
Trois actions à court terme
Constatant cette empathie réelle des consommateurs et des opportunités à saisir pour améliorer la valeur du travail des producteurs, l’Assemblée générale a également attiré l’attention sur de formidables réussites mises en place par des coopératives françaises dans les filières du lait et du blé. Objectif : insuffler des idées et analyser dans quelle mesure ces modèles français pourraient prendre forme en Wallonie.
Il y a certes encore du chemin à parcourir pour développer les meilleures solutions en faveur d’une rémunération plus juste des producteurs, mais les pistes de travail s’éclaircissent.
À très court terme, le Collège des producteurs agira de 3 manières :
– un soutien aux initiatives individuelles et collectives des producteurs et de leurs organisations qui œuvrent dans le sens de prix plus justes et d’un rapprochement avec les consommateurs ;
– la création d’un référentiel de critères de prix justes ainsi que l’information au grand public sur les produits respectant ces critères ;
– des échanges avec les autorités et les filières sur la mise en place d’actions d’information et de promotions spécifiques.
Plus d’infos
Les résultats détaillés de l’enquête sont disponibles sur www.collegedesproducteurs.be. Pour toute demande de soutien à vos initiatives en matière de Prix Justes, n’hésitez pas à contacter ledit collège : info.socopro@collegedesproducteurs.be.
D’après Emmanuel Grosjean, Collège des producteurs
