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Nature & Progrès propose des solutions

À travers le projet « Échangeons sur notre agriculture », l’association Nature & Progrès rassemble citoyens et producteurs autour de différentes problématiques agricoles. Durant l’année écoulée, la crise du secteur laitier a fait l’objet de débats au cours d’une quinzaine de rencontres et visites de fermes, partout en Wallonie. Les différentes pistes abordées mettent en avant la nécessité de revoir notre modèle wallon de production et de transformation laitière.

Temps de lecture : 6 min

De tout temps, le secteur laitier a subi l’influence de la Politique Agricole Commune (PAC). Si cette dernière avait pour mission initiale de stimuler la production après la seconde guerre mondiale afin de subvenir aux besoins alimentaires de la population européenne, elle a rapidement dépassé ses objectifs, menant, entre autres, à une surproduction du lait. Au travers de ses « aides », la PAC a orienté les laiteries vers la transformation du lait en matières premières pour l’industrie telles que le lait en poudre ou le beurre industriel qui sont des produits à faible plus-value. À l’heure actuelle, la Belgique et l’Europe produisent le double de leur consommation de lait en poudre. Une surproduction qui n’a dès lors d’autre issue que le marché mondial où la concurrence et la spéculation tirent les prix vers le bas, grevant le prix donné aux éleveurs laitiers pour leur lait. Pour réduire la dépendance au marché mondial, il faudrait donc réduire la production laitière belge et européenne de 15 à 20 %.

Dépendance au marché mondial

Par ailleurs, la PAC s’est fixé de nouveaux objectifs dont celui de nourrir la population, non plus européenne, mais mondiale. C’est oublier la volonté et la nécessité pour les autres pays de produire leur propre alimentation. L’export de poudre de lait à bas prix nuit aux agricultures du monde. Elle met, par exemple en difficultés les éleveurs africains qui ne peuvent atteindre des coûts de production aussi faibles. Ne devrions-nous pas arrêter de vouloir exporter nos excédents de lait à tout prix ? « C’est déplacer le problème » soulignent les participants au projet.

Une autre menace plane sur les éleveurs wallons : l’évolution de la PAC – et de l’OMC – vers le libre-échange. Ce dernier stipule que pour accroître la « richesse » des différents pays, ces derniers doivent se spécialiser dans la production économique dans laquelle ils sont les plus efficaces. Cette meilleure efficacité peut être due à de meilleures compétences, à une localisation dans un climat plus favorable, près d’une source d’énergie ou de matières premières… Mais aussi à des normes environnementales, sanitaires ou sociales plus « avantageuses » ! Le libre-échange, s’il est appliqué à l’alimentation, mènerait à sa délocalisation et à la rupture totale du lien entre consommateurs et producteurs.

Pour les participants aux débats, il semble indispensable de réduire notre dépendance au marché mondiale. « Agriculteurs et citoyens devraient unir leurs forces afin de sortir, au minimum, l’alimentation des accords de libre-échange », disent-ils.

Quel élevage laitier demain en Wallonie ?

Au cours des débats, agriculteurs et consommateurs s’accordent sur la nécessité de développer des élevages plus autonomes, utilisant moins d’intrants et reposant davantage sur l’herbe et un complément éventuel de céréales cultivées sur la ferme. Le secteur bio le montre particulièrement : les techniques de pâturage s’affinent tandis que les mélanges fourragers et céréaliers associant les légumineuses se développent, permettant une excellente valorisation des surfaces fourragères.

Ce type d’élevage possède plusieurs avantages : un lait d’une meilleure qualité nutritionnelle et fromagère, des vaches en bonne santé et profitant de l’herbe riche des pâturages, des économies pour la ferme mais aussi un moindre impact sur le climat et la biodiversité, la possibilité de se passer des intrants chimiques, l’absence de transports inutiles d’aliments pour bétail issu d’autres continents… Bref, une meilleure concordance avec les attentes de la société. Les vaches nourries avec l’herbe, les fourrages et céréales de la ferme n’atteindront pas les 10.0000 litres de lait… Mais c’est loin d’être un problème car ce système offre quand même une meilleure rentabilité. Renforcer l’autonomie des fermes laitières est une solution élégante pour sortir de la surproduction laitière tout en améliorant encore la qualité du lait et en préservant l’emploi agricole.

Des filières locales et de qualité

« Le lait issu d’élevages autonomes à l’herbe est de meilleure qualité et mérite d’être valorisé à sa juste valeur ! » assurent les participants. Le lait de boisson pourrait ainsi porter un label local, équitable, à l’herbe… de manière à être connu et reconnu des consommateurs. De plus, ce lait peut aussi être transformé en produits à plus-value tels que les fromages. La Belgique ne produit aujourd’hui que 38 % de sa consommation de fromages. La dernière assemblée sectorielle du secteur laitier a mis en évidence que, lors des campagnes de promotion sur les fromages wallons de l’APAQ-W, les crémiers tombent régulièrement à court de stock. La valorisation du lait en fromage permettrait une meilleure rémunération des producteurs, sans parler de leur fierté de participer à l’élaboration de produits bien plus valorisants que la poudre de lait dont on ne connaît ni la destination géographique, ni le produit fini.

Aujourd’hui, 3 % du lait belge part dans les filières courtes. Ce créneau, souvent qualifié de niche, accueille néanmoins 514 producteurs fermiers wallons, soit un éleveur laitier sur sept. D’après les producteurs rencontrés, le circuit court est loin d’être saturé : la demande en produits laitiers locaux ne cesse de croître, et les canaux de distribution connaissent un développement fort offrant ainsi une meilleure accessibilité logistique.

Coopération et transparence

D’autres possibilités existent pour ceux qui ne souhaitent pas se lancer dans la transformation laitière à la ferme. Le développement de fromageries coopératives récoltant leur lait dans des fermes wallonnes en autonomie, est une réelle opportunité pour le secteur laitier wallon. Deux modèles inspirants sont la Fromagerie du Gros Chêne à Méan et la Fromagerie du Bairsoû à Trois Ponts, travaillant toutes deux avec une coopérative de producteurs laitiers bio, Biomelk-Biolait, qui assure, via un transporteur, le ravitaillement en lait des fromagers.

Des solutions existent aussi pour les filières longues. Si actuellement, les différents maillons poussent les prix vers le bas afin de fournir aux consommateurs des produits bon marché, une initiative française vient renverser l’idée reçue que le consommateur opte avant tout pour le prix le plus bas. « C’est qui le patron – La marque des consommateurs » a démontré avec brio que les consommateurs sont prêts à acheter plus cher les produits alimentaires à condition d’avoir davantage de transparence sur le mode de production et de transformation, et même mieux, de décider de leur filière.

Deux enjeux majeurs se dessinent donc pour l’avenir de l’agriculture wallonne : impliquer le consommateur en tant que réel partenaire de son développement et favoriser la collaboration des producteurs et consommateurs au sein de coopératives permettant de développer les outils de relocalisation des filières. Ensemble, producteurs et consommateurs souhaitent reprendre en mains leurs filières : il reste à développer les outils leur permettant de travailler ensemble à l’avenir de l’agriculture wallonne.

La Wallonie, le cadre idéal

La Wallonie offre un terreau idéal pour le développement de filières laitières autonomes. Elle possède des herbages de qualité et une technicité importante avec l’existence de centres de formation, de recherche et d’encadrement reconnus. De nombreux producteurs et artisans ont mis en place des modèles innovants, source d’inspiration pour le secteur laitier. Les consommateurs sont demandeurs de produits de qualité et aujourd’hui, le secteur fromager wallon présente de réelles opportunités de développement.

Les résultats complets de l’étude « Pistes d’avenir pour le secteur laitier wallon » de Nature & Progrès sont disponibles sur www.agriculture-natpro.be

Sylvie La Spina

, Nature & Progrès

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