
S’interroger sur le devenir de ce secteur, c’est nous positionner sur notre propre avenir. Si trop de produits chimiques sont répandus sur les terres, n’est-ce pas pour obtenir de meilleurs rendements ? En 1961, le prix de la tonne de froment à la ferme s’élevait à 138,82 euros, contre 127,67 euros cinquante ans plus tard. Si le prix du lait est passé de 16 cents en 1963 à 35 cents en 2013, cela ne représente qu’une augmentation de moins de 2 % l’an. Alors que le prix du beurre dans le commerce a progressé de plus de 50 % en un an… Ne parlons pas du prix du bétail qui stagne, voire régresse depuis plus de 30 ans. Ajoutons à cela la flambée du prix des terres due à des financiers peu scrupuleux et nous pouvons comprendre qu’il faut augmenter la production.
Si l’agriculture intensive a été privilégiée durant ces cinquante dernières années, n’est-ce pas sous l’impulsion et les conseils des sociétés comme le Boerenbond qui, très proches de certains partis politiques, influençaient considérablement la politique agricole pour en retirer les plus grands profits ?
Si des élevages à grande échelle, voire industriels, émaillent nos campagnes, n’est ce pas pour mieux répondre à l’attente des consommateurs que nous sommes ? Pour eux, il faut produire une viande tendre et surtout maigre, des œufs calibrés, des poulets qui ne goûtent pas trop le poulet, des pommes de terre ni trop grosses ni trop petites et sans défaut, des pommes sans tache… Aujourd’hui, l’agriculteur ne peut même plus engraisser un cochon pour son voisin sans se voir imposer des normes sanitaires à la limite du ridicule. Mais, l’Afsca laisse entrer de la viande avariée en provenance de l’étranger !
Aujourd’hui, l’agriculteur trouble la quiétude du touriste parce qu’il travaille pour sauver ses récoltes. Il gêne parce qu’il n’est pas parvenu à faire beugler son bétail à voix basse le soir et les week-ends. C’est un bourreau parce qu’il utilise un bâton au lieu d’expliquer clairement à ses vaches par où elles doivent se rendre au champ… Depuis des décennies, nos villages vivaient en quasi-quiétude et convivialité mais voilà qu’une nouvelle population de néoruraux s’y installe avec ses gros souliers. Pour leur petit confort égoïste, ces nouveaux habitants commencent à rouspéter et faire des pétitions… sur l’agriculteur qui fait son travail, pour un coq qui chante, une sonnerie de cloche… Le pire de tout, c’est bien souvent que les autorités communales, de peur de perdre un électeur, plient directement à leurs exigences.
Il serait peut-être grand temps que tout le monde redescende un peu sur terre, dans la réalité et le bon sens. Les gens doivent réapprendre qu’à côté de leurs droits, il y a aussi des devoirs et qu’à chaque médaille, il y a deux faces distinctes. Quand il s’agit d’avoir besoin d’un agriculteur pour faire un terrassement, semer une pelouse… on est vite ami avec lui. Mais, une fois le service obtenu, la mémoire devient bien plus courte.
Il est loin le temps des petits villages où il régnait douceur de vie et convivialité. Nous nous retrouvons maintenant bien souvent dans des entités devenues des cités-dortoirs ou ne règne qu'individualisme, égoïsme et exigence.
