Accueil Archive

Sur base de 2017,

quelles perspectives pour l’avenir ?

Le nombre de participants au programme agroenvironnemental est en baisse quasi constante depuis 2013. La proportion d’agriculteurs engagés, en chute un peu moins forte au vu de la diminution du nombre total d’agriculteur, n’indique pas de reprise. Par contre, les agriculteurs fidèles au programme ont plutôt tendance à augmenter les superficies engagées.

Temps de lecture : 8 min

Les mesures agroenvironnementales et climatiques ou Maec (tableau 1) sont l’outil de la politique agricole commune qui incite financièrement les agriculteurs à adopter volontairement des pratiques reconnues comme les meilleures pour l’environnement.

Ces pratiques doivent avoir un effet important sur la biodiversité, le paysage, la qualité des eaux, le sol et le climat. Cet effet doit aller bien au-delà de celui produit par le respect des législations de protection de l’environnement qui limitent la pollution, la destruction des milieux naturels et toutes autres nuisances qu’on pourrait imputer à l’exploitation agricole.

Les Maec complètent donc les législations environnementales contraignantes comme celle du Programme de gestion durable de l’azote qui devraient, de leur côté, assurer un minimum de qualité à l’environnement agricole (« niveau de base »).

En 25 ans, les Maec ont progressivement pris une place essentielle dans la gestion des questions environnementales liées à l’agriculture. En Wallonie elles représentent d’ailleurs un peu plus d’un quart du budget du Développement rural pour la période 2014 – 2020, soit environ 145 millions d’euros. Les budgets et les montants perçus par les agriculteurs par ce biais restent cependant modestes par rapport à ceux affectés au soutien direct au revenu. En effet, en 2012, apogée de l’agroenvironnement wallon, en moyenne, un producteur engagé volontairement dans le programme a été rémunéré 3.000 €/an par l’agroenvironnement. Pour mémoire les paiements directs moyens dits « du premier pilier » s’élevaient cette année-là à 23.000 € par producteur (436 €/ha).

Quelle situation en 2017 ?

Les données utilisées pour cette analyse sont les dernières disponibles fin 2017. De petits ajustements à la hausse pourraient encore devoir être réalisés une fois les chiffres définitifs disponibles mais sans changement sur les constats fondamentaux tirés ici. Ces chiffres ne tiennent notamment pas compte pour 2017 des agriculteurs qui ne seraient engagés que dans la méthode « races menacées ».

À l’exception remarquable de la mesure « prairie de haute valeur biologique » et de quelques rebonds récents d’autres mesures, les Maec ont donc reculé ou stagné assez longuement depuis 2012 et même depuis 2010 pour les « bandes aménagées ».

La baisse après 2012 s’explique principalement par le « moratoire » fermant l’accès à la plupart des mesures pour deux ans, à l’exception, fort heureuse, des mesures ciblées à forte valeur environnementale. Les mesures « couverture du sol » et « bande de prairies extensive » ont été supprimées à partir de 2015, ce qui explique une bonne part de la chute de participation entre 2012 et 2015. Celle-ci se poursuit cependant pour d’autres raisons évoquées ci-après.

Une reprise récente est notée pour certaines mesures. Elle reste cependant globalement modeste et on est loin des résultats de 2012. On en reste presque toujours aux niveaux atteints il y a 10 ans ou même en dessous. Cette reprise ne permet qu’exceptionnellement d’espérer d’atteindre les objectifs fixés.

Plusieurs constats s’imposent

Le succès de la mesure de conservation des haies semble reprendre. Ce constat est toutefois à confirmer lors des renouvellements de contrat à venir eu égard à la forte réduction de son attractivité financière notamment (passage en 2015 d’un paiement de 50 à 25 €/an et par longueur de 200 m).

On note aussi une progression faible pour les « prairies naturelles », faiblesse explicable en partie par le passage d’une partie de celles-ci en « prairies de haute valeur biologique ». La progression est faible mais nette et à confirmer pour les tournières ; un frémissement favorable concerne les « bandes aménagées » ainsi que les « arbres, arbustes et buissons ». La reprise est plus franche pour « l’autonomie fourragère » (ex « faible charge en bétail ») qui bénéficie un peu, mais moins que prévu, de l’introduction d’une variante permettant d’y adhérer dès que la charge est inférieure à 1,8 UGB/ha fourrager.

Une apparente atonie est constatée pour la mesure relative aux mares, pourtant très loin d’atteindre les objectifs du Programme de développement rural. Après le feu de paille de 2016, on peut espérer une forte reprise de la croissance dans les deux ans à venir.

La progression constante et jamais interrompue de la demande pour les contrats relatifs aux « prairies de haute valeur biologique », qui pourrait s’accentuer encore maintenant que tous les sites Natura 2000 sont désignés.

La mesure « culture favorable à l’environnement » a actuellement un succès anecdotique avec 225 ha concernés. Les nouvelles méthodes proposées en 2015 (prairies inondables, parcelles aménagées) ne rencontrent aucun succès. La première s’avère très difficilement applicable car nécessitant la mobilisation de moyens techniques et financiers, hors agroenvironnement et non prévus par ailleurs pour des aménagements de terrain préliminaires. La seconde était pénalisée par une rémunération nettement trop basse.

Le « plan d’action » concerne quant à lui 130 exploitations engagées dans l’agroenvironnement. Maintenant que les incertitudes quant à son financement sont levées, les perspectives de relance et d’approfondissement s’ouvrent pour cette mesure appliquée par des exploitations modèles du point de vue environnemental.

Les chiffres disponibles relatifs aux différentes races menacés sous contrat (Blanc-bleu mixte, Pie Rouge de l’Est pour les bovins, trait ardennais et belge pour les chevaux, mouton laitier belge, Entre-Sambre-et-Meuse, Mergelland, Ardennais tacheté et roux pour les moutons) sont ceux de 2016 mais sujets en général à des variations modérées d’une année à l’autre. Au total, 850 chevaux, 3.900 bovins et 4.500 moutons étaient engagés dans le programme qui concernait entre 500 et 600 producteurs.

Pourquoi une telle désaffection ?

Une forte amélioration globale de l’efficacité du programme et donc des exigences pour les agriculteurs a été mise en œuvre dès 2005 avec l’introduction des mesures ciblées encadrées par Natagriwal. Cette amélioration qualitative globale s’est poursuivie en 2015 dans le nouveau programme avec l’abandon de la « Couverture du sol ». Sa plus-value était très maigre par rapport à sa version obligatoire dans le cadre du Pgda, du verdissement ou des parcelles à très grand risque érosif.

L’abandon de la mesure d’extensification de prairie en bordure de cours d’eau relève de la même logique avec un renforcement continu des législations imposant une exploitation extensive en bordure des eaux de surface (interdiction de tout apport d’azote et de pesticides à moins de 6 m). En outre son succès trop limité (moins de 20 % des berges équipées), ne pouvait avoir d’effet déterminant.

L’offre moins large ou moins bien rémunérée pour les mesures du programme a priori attractives et relativement faciles d’accès est donc une cause majeure du fort tassement après 2012.

S’ajoute à cela le constat que, globalement, les paiements actuels liés aux Maec ne sont pas assez élevés pour couvrir les pertes de revenu, surcoûts et autres réticences pour suffisamment d’agriculteurs. C’est surtout le cas quand des mesures doivent être mises en œuvre sur les meilleures terres de culture puisque les indemnisations sont calculées sur base des revenus moyens des cultures à l’échelle wallonne. Sur ces terres il n’est pas évident de convaincre un agriculteur de ne pas produire, par exemple en aménageant une bande de culture pour favoriser la petite faune ou limiter les effets du ruissellement. Or, c’est souvent sur ces « bonnes terres » que cela peut être le plus utile et pertinent pour l’effet recherché.

Les paiements doivent donc être suffisants pour vaincre aussi, dans ces situations, le frein mental qui s’oppose à affecter la meilleure terre à autre chose qu’à la production classique.

Des freins non négligeables

Une première réaction de la Région à ces constats a été la revalorisation de certains paiements. La bande aménagée sera donc payée 1.500 €/ha et par an et la parcelle aménagée 1.200 €/ha dès cette année. Par ailleurs, une mesure spécifique techniquement peu contraignante et avec un dédommagement attractif sera aussi proposée dans les cultures en vue de renforcer l’effet des deux autres. Elle consiste à maintenir non récoltées de petites surfaces de champs de froment principalement. Le paiement, s’élève à 200 €/ha pour toute la surface de la parcelle dont 10 % ne sont pas récoltés, ce qui équivaut à 2.000 €/ha non récolté.

D’autres revalorisations sont à l’étude et pourraient aider à relancer le programme à partir de 2019.

En outre, certaines variantes de bandes aménagées et de parcelles aménagées sont fort techniques et ont conduit à des désillusions chez certains. Cela entraîne encore aujourd’hui un taux de non-renouvellement dépassant 20 %, taux nettement trop élevé pour cette mesure.

Ces aménagements, surtout ceux nécessitant un resemis comme certaines « bandes faunes », exigent un suivi simple mais à apprendre et maîtriser puis appliquer rigoureusement. Natagriwal assure de manière continue l’encadrement technique et l’information sur les meilleures pratiques et solutions. Cette approche devra continuer à faire l’objet de nouveaux progrès importants en cours de développement pour accroître la confiance des agriculteurs et les conserver dans le programme pour cette mesure.

Un bref retour en arrière s’impose également. La période entre 2013 et 2015 a été très difficile en raison d’une série de problèmes issus d’une gestion compliquée de la transition entre l’ancien et le nouveau programme Maec (fermetures temporaires de l’accès à certaines mesures principalement mais aussi valse-hésitation sur de nouvelles dispositions comme le plafonnement des paiements agroenvironnementaux qui n’ont rien fait pour maintenir la confiance).

La gestion administrative n’a pas non plus été un long fleuve tranquille pour les agriculteurs depuis cette époque. Une croissance très forte de l’agroenvironnemnent jusqu’en 2012 a forcé à l’adaptation des différents outils de gestion des Maec (paiement, contrôle…) avec une coordination entre services et un fonctionnement qui ont pu en pâtir. Même si la situation s’améliore (les paiements devraient maintenant être réalisés en temps et heure), dans la toute grosse majorité des situations, elle n’est pas encore totalement satisfaisante à ce point de vue.

Pour finir, une difficulté importante, freinant structurellement le développement de l’agroenvironnement, résulte aussi d’une intégration inégale de la préoccupation environnementale par les différentes composantes de l’administration.

D’après Thierri Walot

Ucl, Earth and Life Institute

La Une

Voir plus d'articles
Le choix des lecteurs