Les staphylocoques à coagulase négative, ou SCN, sont en pratique régulièrement sous-estimés. Pourtant, c’est un grand groupe de bactéries qui contient plus de 50 espèces différentes. Il s’agit en fait d’un nom collectif pour différents types de staphylocoques qui ne sont pas Staphylococcus aureus, germe responsable de la mammite, lui bien connu et redouté. En pratique, les différentes espèces sont rarement distinguées les unes des autres.
    
Les SCN se rencontrent presque partout sur le corps et dans l’environnement. Ils se trouvent sur la peau des animaux (même sains), dans l’air, dans le sol, etc. Certaines souches sont même délibérément utilisées dans la production de viande ou de produits laitiers.
Intérêt clinique
Les SCN sont souvent inoffensifs parce que les vaches peuvent transporter ces bactéries sur leur pis sans dommages. Mais quand le germe pénètre dans les sphincters, ils peuvent alors provoquer une inflammation.
Habituellement, ces germes provoquent seulement une augmentation légère à modérée du nombre de cellules, ou une petite mammite clinique, c’est-à-dire quelques grumeaux dans le lait, et aucun symptôme de la maladie chez la vache. Souvent, le système immunitaire de l’animal suffit à lutter contre l’inflammation, et aucun traitement antibiotique n’est requis.
Néanmoins, ce groupe de bactéries ne doit pas être sous-estimé. Après tout, ce sont les germes causant des mammites les plus communs chez nous. Environ un tiers de tous les germes comptés chez les vaches mammiteuses sont des SCN. Dans les fermes ayant un nombre relativement faible de cellules dans les réservoirs (moins de 200.000 cellules/ml), ce sont même les plus récurrents.
    
Des différences  entre les espèces
Au cours des dernières années, grâce à l’émergence de meilleures techniques de laboratoire, on a découvert que certaines espèces sont plus néfastes que d’autres. Par exemple, Staphylococcus chromogenes peut provoquer une très forte augmentation du nombre de cellules, similaire à celle due à une infection par staphylocoque doré. Ce germe se cache dans le tissu de la glande mammaire et, de cette façon, peut donc induire l’augmentation du nombre de cellules pendant une période prolongée, parfois plusieurs mois.
D’un autre côté, il existe également des souches présentes dans l’environnement de la vache, comme la litière, qui provoquent rarement des problèmes chez les bovins laitiers. C’est ce qu’on appelle les SCN « liés à l’environnement ».
De tous les types de SCN, Staphylococcus chromogenes peut avoir le plus grand impact sur la santé mammaire. Ce dernier se trouve dans la plupart des fermes laitières. Il fait partie des bactéries « liées à la vache » car elles se développent sur la peau, sur le pelage et dans le lait. Alors que certaines sont plus susceptibles de se trouver sur les trayons, d’autres souches se sentent plus à l’aise dans la mamelle. Même au sein des mêmes espèces bactériennes, toutes les souches ne sont pas pareillement nocives. En résumé, la famille des staphylocoques est beaucoup plus complexe qu’on ne le pensait à l’origine.
Du lait supplémentaire  en cas d’infection ?!
De manière surprenante, les SCN sont également associés à des effets protecteurs positifs. Par exemple, il semble que certaines souches peuvent produire des anticorps inhibant les autres bactéries. Les vaches infectées par ces souches sont donc moins susceptibles d’être infectées par d’autres germes de mammite plus dangereux. Contre toute attente, il existe même un certain nombre d’études qui montrent que les vaches infectées par les SCN produisent encore plus de lait (jusqu’à 3 kg supplémentaires par jour !) Que les vaches non infectées. La cause sous-jacente de cette découverte surprenante n’est cependant pas encore connue.
Le microbiome du pis
Aujourd’hui, on sait qu’une mamelle en bonne santé n’est pas du tout stérile, mais qu’elle est pleine de bactéries bonnes ou neutres, comme dans les intestins, sur la peau, etc. Les staphylocoques et de nombreuses autres bactéries se retrouvent en grand nombre dans les pis sains. Cette collection de germes est appelée le « microbiome du pis ». Certains scientifiques suggèrent que la mammite est le résultat d’un déséquilibre bactérien, dans lequel les mauvaises bactéries prennent le dessus.
    
Comme certaines souches produisent elles-mêmes des substances antibactériennes, elles offrent des perspectives intéressantes pour le traitement et la prévention de la mammite. L’idée de probiotiques protecteurs pour le pis n’est pas nouvelle, mais reste pour le moment inaccessible. En tout cas, les SCN semblent pouvoir aider à faire un pas de plus dans cette direction.
  D’après Kristine Piccart