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Les approches de la prévention des dommages causés par le loup en Allemagne

Dans le cadre du projet de démonstration « Attention au loup », qui s’est achevé fin 2022, nous avons eu l’occasion de visiter quatre exploitations ovines et bovines en Allemagne au cours du mois de novembre, dont trois étaient situées en Basse-Saxe et une en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. La Basse-Saxe abrite 43 meutes de loups, chacune comptant une douzaine de loups.

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Comme chez nous, le loup bénéficie également d’une protection absolue en Allemagne (réglementation européenne).

Le loup en Allemagne

Les loups sont entrés en Allemagne par la Pologne. La chute du rideau de fer en 198 leur ouvrait la voie de l’ancienne Allemagne de l’Est dans toute l’Allemagne et plus loin aux Pays-Bas et en Belgique.

Nous assistons à une croissance annuelle de plus de 20 à 30 % de loups, pour atteindre plus de 200 territoires à ce jour. Parmi ceux-ci, on compte plus de 160 meutes établies et une trentaine de couples qui ont également des projets d’installation. S’il y a en moyenne 6 à 8 loups par meute, on peut rapidement dénombrer plus de 1.000 loups en liberté en Allemagne. En France, sur une période de 30 ans, cette croissance est de 20 %. La question fondamentale : cette situation est-elle encore durable et socialement défendable à long terme ?

À partir de ces résultats, nous pouvons d’ailleurs commencer à faire des projections pour la Belgique dans le futur afin de savoir ce qui attend le secteur de l’élevage si aucune action n’est ou ne peut être entreprise. D’autant que l’Europe commence à envisager le statut de protection absolue du loup.

En Allemagne, les dispositions en matière de réglementation, mais aussi en matière de réparation des dommages et de prévention, sont fixées par Land et diffèrent entre eux. Nous y reviendrons plus en détail.

Des Kangal en plus des clôtures

La première ferme visitée est située sur la Weser, compte 850 brebis et pratique le pâturage sur digue. Les clôtures sont à l’épreuve des loups, avec des fils électriques allant jusqu’à 1,20 m, et pourtant 34 animaux ont été tués ici en une seule nuit. Désormais, l’exploitation combine les clôtures électriques avec au moins deux chiens de protection des troupeaux Kangal (ou Berger d’Anatolie) par troupeau. L’on y dénombre 12 chiens ans cette ferme. Le coût de la clôture anti-loup (30 km) et de l’étable spacieuse est pris en charge par un groupement local. Trois meutes sont en activité dans la région.

Une certification de chiens de troupeaux

La deuxième exploitation ovine est située à Scheessel. Il y a 1.000 mères d’une race landaise. Les troupeaux paissent sur une distance de 20 km dans la région et il y a 7 ou 8 troupeaux en activité dans la région. Les Kangal sont utilisés depuis 10 ans. Normalement, 2 chiens sont placés par troupeau. Dans les cheptels plus grands, on est davantage sur 3 ou 4 chiens. La bergère est active dans l’un des systèmes de certification des chiens de protection des troupeaux. Les chiens savent détecter la présence de courant sur le fil, en irait-il de même pour le loup ? Ce qui est sûr c’est que canidé vient s’en assurer à l’avance.

Une pression des loups de plus en plus forte

Nous avons également visité une grande ferme d’élevage, où les animaux suivants étaient présents : 4.000 brebis, 300 vaches, mais aussi des buffles, répartis sur 3 fermes. l’exploitation visitée est entourée de digues, car l’Elbe inonde régulièrement 2.000 ha tout autour (2002, 2006, 2011). La ferme est située à 1 km de l’ancienne Allemagne de l’Est (Mecklembourg).

Les sites sont dans un rayon de 60 km où 4-5 meutes sont actives. L’une d’elle couvre une zone (limitée) de 100km² et pose problème. Deux loups y ont été abattus jusqu’à présent. Le premier loup y est apparu en 2006, 5 meutes y vivent aujourd’hui. Or, seules trois d’entre elles sont acceptables ; chaque groupe de loups a son propre caractère. Certaines hordes comptent jusqu’à 18 loups. Plus celles-ci s’établissent, plus la zone d’action par meute se réduit, et plus la pression sur les exploitations bovines augmente.

Outre les moutons, les loups s’attaquent également aux vaches, aux sangliers et autre gros gibier. En raison de la pression des loups, le gibier commence à se regrouper davantage, on voit la même chose avec les vaches. La plupart des dégâts se produisent à partir de septembre. Pour protéger les troupeaux, l’exploitation déploie des chiens. Plusieurs races ont déjà été essayées, dont notamment le berger d’Anatolie, le Kuvash et le chien de montagne des Pyrénées…

Selon un éleveur, les loups qui arrivent en Belgique ont en fait été formés en Allemagne au sein de leur meute et apportent donc avec eux le comportement appris là-bas. Le loup est très intelligent, parfois il ne mord pas un mouton à mort, mais perce un petit trou dans l’artère du cou, de sorte que l’animal vit quelques jours de plus avec une perte de sang limitée. Ainsi, il s’affaiblit et devient la proie du loup quelques jours plus tard. Nous devons décider nous-mêmes quels loups nous voulons. Ceux dont nous ne voulons pas en raison des dommages (trop importants) devraient être abattus.

L’exploitant indique encore que les « verts » font appel auprès des décisions d’abattage, et ils obtiennent souvent gain de cause. Les approches innovantes pour chasser les loups, comme les ultrasons et autres, fonctionnent pendant un certain temps, mais le loup s’y habitue et l’ignore dans la phase suivante. Les prédateurs affamés vont partout. Les éleveurs et les chasseurs étaient autrefois ennemis, ils sont aujourd’hui alliés. Le chasseur doit veiller à ce que le gibier reste présent en quantité suffisante, afin que les loups n’attaquent pas les troupeaux.

Selon lui, les éleveurs ovins amateurs disparaissent en raison de la pression exercée par les loups. Le loup chasse principalement le gibier, ce qui modifie ensuite la biodiversité d’une région.

« Lorsque les loups de Pologne sont entrés en Allemagne de l’Est, la population a été laissée sous l’influence du régime, qui n’a pas fixé de normes concernant le loup, mais l’a laissé dégénérer. Tant qu’il n’y avait pas de loups en Allemagne de l’Ouest, l’opinion publique était positive. C’est maintenant à l’éleveur de moutons de montrer ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas », soutient-il.

Deux chiens Kangal surveillent le troupeau sur la digue.
Deux chiens Kangal surveillent le troupeau sur la digue. - André Calus

Le lynx en plus du loup ?

La quatrième ferme compte 400 moutons des landes. Ils ne sont pas de très grande taille et les agneaux ne sont pas abattus avant 17-18 mois ; leur poids carcasse est de 16-20 kg. Un agneau par portée étant souhaité, les brebis sont parfois soumises à une cure d’amaigrissement pendant la saison des chaleurs. De décembre à avril, les animaux sont en stabulation pour une période d’agnelage au mois de mars.

L’élevage n’était pas gêné par les loups, mais plutôt par les lynx depuis 2010. Ces animaux tuent les mêmes animaux que le loup : sangliers, cerfs, chevreuils et aussi des moutons. Un lynx ne peut pas être arrêté par une clôture, il passe par-dessus tout. C’est pourquoi, depuis 2011, la bergerie travaille avec des chiens de protection des troupeaux.

Trois loups solitaires sont également arrivés ces dernières années dans la région.

Des normes nécessaires

Les 4 exploitations visitées sont de taille importantes et la pression du loup y est élevée. Toutes sont protégées par des clôtures électriques à l’épreuve desdits prédateurs. En outre, des chiens de protection sont également présents dans chacune de celles-ci à raison d’un minimum de 2 par troupeaux. Lorsque la pression du loup est élevée, la combinaison de ces deux moyens de défense est une nécessité. Toutefois, ceux-ci ne sont pas infaillibles.

Les normes relatives pour une « clôture à l’épreuve des loups » ne sont pas uniformes dans les Länder. En Basse-Saxe, par exemple, les interventions de l’État fédéral pour les mesures préventives et les chiens (ou/et l’achat/l’entretien) sont d’un maximum de 30.000 euros par exploitation et par an, et donc généreuses. Ce n’est évidemment pas le cas partout.

Une méthodologie d’élevage spécifique

Lors de notre visite, nous nous sommes particulièrement intéressés à l’expérience des chiens de protection. Quelle que soit la race, de nombreuses exigences sont posées au chien pour qu’il soit à la hauteur de son rôle : il doit rester à l’intérieur de la clôture électrique, il doit pouvoir vivre jour et nuit avec les moutons, avec les autres chiens de protection, mais aussi avec les chiens de berger (border collies) présents. En même temps, il ne doit pas être agressif envers les humains, que ce soit son maître ou le promeneur ou le cycliste de passage. Pour répondre à tous ces critères, leur méthode d’élevage est importante. Il existe d’ailleurs environ quatre systèmes de certification en Allemagne, pour tester les capacités desdits chiens. Les financements publics sont également généralement liés à la certification.

Afin de donner aux chiots une bonne éducation dès le premier jour, il est recommandé de les faire naître dans la bergerie et de les habituer progressivement aux moutons, aux autres chiens et aux humains ; entre-temps, ils doivent également apprendre à respecter le courant électrique. Ils peuvent ensuite rejoindre le troupeau avec leurs parents en tant que chiots, mais ce n’est qu’à l’âge de 2 à 3 ans qu’ils peuvent être utilisés de manière indépendante.

Certification des chiens de protection des troupeaux

Deux systèmes de certification des chiens de protection des troupeaux nous ont intéressés. Il existe un certain nombre de points d’essai différents. Tout d’abord, il faut évaluer l’état de santé général du chien. Ensuite, le chien est amené seul dans son propre troupeau. Il convient de vérifier si le chien marque son territoire et d’évaluer l’interaction du chien avec les ovins.

Ensuite, il faut surveiller l’attitude du chien envers les autres chiens, observer sa réaction lorsque l’on s’approche de lui de front et comment il réagit lorsque l’on repart. Enfin, il est également important d’observer son comportement lorsqu’il est tenu en laisse et lorsqu’un chien étranger est introduit dans le troupeau. Un chien qui mord n’a pas d’avenir.

La certification est en cours de développement en Allemagne, et en Basse-Saxe, par exemple. Elle est considérée comme une condition prioritaire pour subventionner l’achat de chiens. Les 2 systèmes qui nous ont été expliqués vont dans le même sens, mais l’autocertification, l’élevage et la vente de chiens par l’éleveur devraient être séparés. Le consensus sur une méthodologie de test unique devrait également être un objectif. Si nous voulons également soutenir l’achat de chiens de protection du troupeau en Belgique, un label de qualité devrait être mis en place.

D’après André Calus

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