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«Nous avons les meilleures terres du monde»

La nouvelle Pac, l’urgence climatique et les enjeux géopolitiques rebattent les cartes pour les agriculteurs belges et l’évolution de leurs activités. De nouveaux horizons qui ont été explorés par Jan de Keyser, Directeur du secteur Agriculture chez BNP Paribas Fortis.

Temps de lecture : 5 min

Une intervention qui s’inscrit dans le cadre de la 35ème Journée d’étude de Remouchamps organisée le 24 janvier dernier par le Comice agricole et l’Association Régionale des Éleveurs de Bétail d’Ourthe-Amblève et de Theux-Verviers (Aredb).

De l’impermanence des choses

« Rien n’est permanent, sauf le changement » posait Héraclite d’Éphèse au VIème siècle avant notre ère. Une maxime que Jan de Keyser a faite sienne pour expliquer toute l’importance de considérer l’évolution des entreprises agricoles à la lumière des tendances, notamment sociétales, en perpétuelle mouvance.

M. de Keyser explique que s’ils ont choisi ce métier qui les amène à travailler sept jours sur sept, 24 heures sur 24 et 365 jours par an, les clients agriculteurs de la banque avouent que c’est parce qu’ils sont animés par un esprit de liberté et d’entreprise, le désir de travailler dans et avec la nature, la volonté d’être connecté à l’environnement et l’envie de participer à la production alimentaire du pays.

Mais pas que. En 2050, la planète comptera entre 9,1 et 10,6 milliards d’habitants avec une croissance démographique qui s’opérera principalement hors de l’UE.

Mais c’est surtout parce qu’ils souhaitent construire un avenir qui puiserait sa force et sa solidité des générations antérieures, leur travail, leur fierté.

Les inquiétudes et les sujets de préoccupations ne manquent toutefois pas dans le secteur agricole. BNP Paribas Fortis en a cerné plusieurs lors des échanges menés avec ses clients.

Cela commence par les incertitudes au niveau politique et juridique, l’accroissement des normes, la question du revenu et de la rentabilité et, enfin, le manque de reconnaissance citoyenne, voire la stigmatisation de leur métier.

« L’Europe veut être le continent le plus vert du monde »

Ce secteur stratégique fournit près de 4/5 des besoins du continent européen qui met l’accent sur la qualité plutôt que la quantité.

Les agriculteurs européens doivent néanmoins faire face à la volatilité des prix mais aussi aux conséquences des enjeux géopolitiques plus que jamais d’actualité depuis le début du conflit russo-ukrainien.

L’UE a choisi de s’orienter vers un verdissement des politiques communautaires, au premier rang desquelles la Pac « qui se concentre davantage sur l’environnement que sur le revenu avec une complexification des réglementations, un accroissement et un durcissement des contrôles » précise Jan de Keyser, évoquant aussi un risque de « démotivation » pour les agriculteurs.

Il y a pourtant, en Belgique, un véritable engouement de certains acteurs économiques pour l’achat de terres. Le banquier n’hésite pas à parler de « faim de terre » en ce qui concerne la Flandre, un phénomène qui fait tache d’huile en Wallonie avec une accélération de la pression foncière.

Les quatre types d’exploitations du futur

Si les agriculteurs sont les gestionnaires de la nature et des paysages, leur métier a également une vocation économique qui participe à la robustesse du secteur agroalimentaire.

Mais quel sera le profil des exploitations agricoles en 2030 ? Jan de Keyser en envisage quatre.

Selon lui, notre pays devrait voir s’accélérer l’émergence d’exploitations d’élevage intensif (surtout en Flandre) qui feront la part belle à une robitisation et une automatisation maximales (traite, alimentation, médication, paillage.).

Ce seront aussi des exploitations de grandes cultures avec une généralisation du recours à l’agriculture de précision et aux nouvelles technologies (capteurs, drones, images satellites) pour analyser en détail les parcelles et des outils d’aide à la décision (OAD) pour collecter et traiter les données.

Le futur s’écrira par ailleurs avec des exploitations orientées vers une agriculture biologique ou raisonnée, plus proche de la nature, en circuit court, avec des agriculteurs en recherche de valeur ajoutée, également synonyme de… « coûts ajoutés » a glissé non sans malice Jan de Keyser

Enfin, notre pays comptera davantage d’exploitations qui élargiront le champ de leurs activités en se tournant vers l’accueil de personnes en difficulté sociale, familiale ou de santé, leur permettant d’apprendre et de contribuer à toutes les tâches et activités d’une ferme.

Pour le représentant bancaire, ce sont là les quatre modèles vers lesquels les agriculteurs devront s’orienter en fonction de leur environnement et outil de travail, de leur vécu, stratégie, ambition.

Le changement climatique, débat des 10 prochaines années

« Quel que soit le secteur, les plus grosses entreprises belges ont désormais intégré la dimension climatique, que ce soit dans chacun de leurs investissements ou dans leur stratégie globale » avance Jan de Keyser.

Et de préciser que BNP Paribas, qui s’inscrit dans la continuité de son engagement pris dans le sillage de la COP21 en 2015 d’aligner son portefeuille de crédit sur les objectifs de l’Accord de Paris, a adhéré, comme 42 autres banques issues de 23 pays pour un total d’actifs représentés s’élevant à 28,5 trillions de dollars, à la « Net-Zero Banking Alliance » lancée en avril 2021 par l’Onu.

Autant d’établissements qui s’engagent ainsi à aligner leurs investissements et portefeuilles sur l’objectif zéro émission nette d’ici 2050. Combinant l’action à court terme et la responsabilisation, cet engagement voit les banques fixer un objectif intermédiaire pour 2030 ou plus tôt, en utilisant des lignes directrices solides.

La « Net Zero Banking Alliance » entend accélérer la mise en œuvre des stratégies de décarbonation tout en fournissant un cadre international au sein duquel opérer la transition écologique du secteur financier.

Les crédits carbone, le revenu et l’image du secteur

« Cela nécessitera un accompagnement de l’ensemble du secteur agricole et des agriculteurs au niveau de leurs crédits, investissements et projets futurs » a déroulé Jan de Keyser qui voit s’ouvrir de nouvelles opportunités pour ces derniers.

Cette nouvelle orientation peut en effet permettre aux agriculteurs de mettre en place un projet global d’exploitation associant la mise en œuvre d’une ou plusieurs pratiques bas carbone (gestion du troupeau, alimentation, gestion des surfaces et des intrants…), de faire certifier les réductions d’émission de gaz à effet de serre et d’augmentation du stockage de carbone.

Cela leur offrira l’occasion de communiquer positivement sur leurs engagements tout en étant rémunérés pour la réduction de vos émissions de gaz à effet de serre.

Marie-France Vienne

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