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Les records de production font fléchir les prix

Après avoir atteint un niveau record en 2017/2018 en raison de la suppression des quotas,

la production de sucre devrait

se tasser durant les campagnes 2018/2019 et 2019/2020, en raison de la baisse des cours

sur les marchés internationaux. Notons toutefois que les prix européens restent nettement supérieurs aux prix mondiaux.

Temps de lecture : 6 min

La culture de la betterave, venant de clôturer sa première saison depuis l’abolition des quotas sucriers, et le marché du sucre sont au cœur de ce second volet consacré aux perspectives européennes à court terme pour les marchés agricoles. Publiées par la Direction générale de l’Agriculture de la Commission européenne, celles-ci nous éclairent sur l’évolution future des marchés, tant mondiaux qu’européens.

À noter qu’une année commerciale « grandes cultures » débute lors de la récolte et couvre, pour la betterave, la période allant d’octobre à septembre de l’année suivant.

Production record en 2017/2018…

La campagne sucrière 2017/2018 a été marquée par d’importants changements résultant de l’abolition des quotas sucriers. Le premier d’entre eux concerne la production betteravière européenne. En effet, celle-ci a culminé à 142 millions de tonnes (Mt) – un niveau jamais atteint ces 15 dernières années ! – soit un boom de 27 % par rapport à la moyenne des cinq dernières campagnes.

Derrière cette récolte exceptionnelle se cachent deux explications. D’une part, la surface consacrée à la betterave a augmenté de 17 %, s’établissant à 1,75 million d’hectares. D’autre part, avec 81,6 t/ha, les rendements étaient excellents, progressant même de 13 % par rapport à la moyenne des cinq dernières saisons. Au terme de la récolte, la production de sucre a, pour sa part, atteint 21,1 Mt. Un véritable bon de 26 % par rapport à 2016/2017 !

L’abolition des quotas a également entraîné la levée des restrictions à l’exportation imposées par l’Organisation mondiale du commerce. Et vu l’abondance de la production, les exportations s’affichent, en toute logique, en hausse à 3,3 Mt. Néanmoins, l’importance de cette progression est impressionnante : 149 % (par rapport aux cinq dernières campagnes) ! En parallèle, en raison de faibles prix sur le marché intérieur, les importations ont chuté à 1,3 Mt, se fixant ainsi juste au-dessus de la moitié de la moyenne des années précédents.

Sur la même période, la production mondiale est estimée à 185 Mt, soit au-dessus du niveau de consommation estimé à 176 Mt. Cet excédent de l’offre pèse lourdement sur les prix mondiaux, en baisse régulière depuis deux ans. Ils ont ainsi dégringolé de 540 €/t en octobre 2016 à 274 €/t en août 2018, leur plus bas niveau depuis 2007.

Notons néanmoins qu’en juillet 2018, les prix européens s’élevaient à 346 €/t contre 284 €/t pour les prix mondiaux.

… suivie d’un recul en 2018/2019

Selon les estimations, la surface européenne consacrée à la betterave sucrière ne devrait se tasser que très légèrement (-29.000 ha, soit -1,7 %). Pour diverses raisons, notamment contractuelles, les planteurs européens n’ont en effet pas réduit leur surface et la baisse des prix est survenue trop tardivement que pour influencer les décisions en matière de semis.

À l’échelle européenne, les semis printaniers ont débuté avec un certain retard, en raison de conditions climatiques peu engageantes, ce qui a été source d’inquiétude. Les mois qui ont suivi, chauds et ensoleillés, ont partiellement compensé ce retard. Toutefois, jusqu’à ce que la sécheresse frappe l’Europe. Se prolongeant durant tout l’été, celle-ci a sévèrement affecté la croissance des betteraves. Même les pluies qui ont sévi fin août dans plusieurs états n’ont pas permis de rattraper la situation. Aussi, alors que les arrachages ont débuté en septembre dans la plupart des pays, d’autres, comme le Royaume-Uni, ne les ont commencés qu’en octobre afin de laisser le temps aux racines d’arriver à maturité.

Pour cette saison, le rendement betteravier moyen devrait, selon les estimations, atteindre 73,3 t/ha, soit un niveau bien inférieur à celui de la campagne précédente et 3 % sous la moyenne des cinq dernières campagnes. La récolte 2018/2019 est dès lors évaluée à 126,2 Mt. La teneur en sucre devrait, quant à elle, être en légère hausse, en raison d’une météo chaude et ensoleillée. Cela devra se confirmer dans les mois à venir, et dépendra notamment des conditions dans lesquelles sont stockées les betteraves avant expédition vers les sucreries.

Tenant compte de ces divers paramètres, les experts européens évaluent la production sucrière 2018/2019 à 19,2 Mt, en recul de 9 % par rapport à la campagne écoulée. Cela reste toutefois supérieur à la moyenne des cinq dernières campagnes (+8 %). Commercialement parlant, les importations se maintiendraient au même niveau tandis que les exportations se tasseraient en raison, d’une part, de la baisse de la production interne et, d’autre part, de la faiblesse des prix mondiaux.

L’Inde, premier producteur mondial de sucre ?

Après les sommets atteints en 2017/2018, la production mondiale devrait elle aussi fléchir en 2018/2019. Cela soulagera quelque peu la pression pesant actuellement sur les prix, bien que les stocks mondiaux restent élevés.

Les conditions météorologiques très sèches qui ont sévi sur le Brésil ont contribué à y réduire la production. Mais, comme en Europe, ces mêmes conditions ont eu un impact positif sur la teneur en sucre. On y observe également une redirection massive des cannes à sucre vers la production d’éthanol, pour des raisons de politique intérieure et de programmes gouvernementaux. Ainsi, mi-septembre, seuls 36,5 % de la production de canne étaient aiguillés vers l’industrie sucrière, contre 48,5 % en septembre 2017. Par rapport à 2017/2018 (41,5 Mt), la production brésilienne de sucre pourrait fondre de 20 % durant cette campagne.

En Inde, grâce à diverses mesures de soutien mise en place par les autorités, la surface consacrée à la canne à sucre a une nouvelle fois augmenté. Avec une production estimée à 37 Mt, l’Inde pourrait ainsi ravir au Brésil sa place de premier producteur mondial de sucre. Toutefois, de nombreuses incertitudes demeurent, notamment quant à l’utilisation qui sera faite des importants stocks accumulés, à savoir les transformer en éthanol ou les commercialiser sur les marchés mondiaux.

A contrario, la production devrait reculer en Thaïlande et au Pakistan, où la baisse des prix a entraîné un tassement des surfaces, au profit d’autres cultures.

En baisse, aussi en 2019/2020 ?

Le temps de latence entre une baisse des prix du sucre et un recul des surfaces betteravières en Europe est relativement long : au-delà d’une saison. Ainsi, le fléchissement des prix observé en 2017/2018 ne devrait tirer la production vers le bas qu’en 2019/2020. Mais, certains signaux confirment déjà cette tendance.Aux Pays-Bas, Royal Cosun a annoncé son intention de réduire la production de 10 à 15 %. Au Royaume-Uni, British Sugar a annoncé qu’elle ne proposerait plus que des contrats annuels dès 2019/2020, chose à laquelle les planteurs belges sont habitués.

De même, à l’échelle mondiale, de nombreux producteurs de cannes à sucre seraient tentés d’abandonner cette culture au profit d’autres spéculations.

J.V.

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