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Des mesures d’urgence prévues

et réclamées en cas de scénario catastrophe

Face à un éventuel Brexit sans accord fin mars, l’UE dit avoir les moyens de dédommager les agriculteurs des Vingt-sept dont les ventes sur le marché britannique seraient fortement affectées. Et l’industrie agroalimentaire de l’UE réclame des mesures temporaires pour éviter les perturbations inévitablement engendrées aux douanes et à l’étiquetage des produits.

Temps de lecture : 5 min

Même s’ils espèrent que le « pire » pourra être évité, les Vingt-sept continuent de se préparer à l’éventualité d’une sortie du Royaume-Uni sans accord le 30 mars, donc sans période transitoire, le Royaume-Uni devenant brutalement un pays tiers avec lequel les échanges seront soumis à des droits de douane.

L’approvisionnement alimentaire en première ligne

Afin d’atténuer les dommages qu’un tel cas de figure causerait à la chaîne d’approvisionnement alimentaire, les représentants des organisations et coopératives agricoles (Copa-Cogeca), de l’industrie (FoodDrinkEurope) et du commerce (Celcaa) agroalimentaires de l’UE ont adressé le 6 février au négociateur en chef de l’Union, Michel Barnier, deux jours après l’avoir rencontré, un courrier commun appelant les institutions européennes à « adopter des mesures d’urgence unilatérales spécifiques pour ces secteurs. Bien entendu, saper le marché unique ne saurait être envisagé, même si des procédures pragmatiques et temporaires doivent être préparées », soulignent les signataires, rappelant que l’agroalimentaire est l’un des activités de l’économie les plus impactées par le Brexit.

En 2017, les exportations agroalimentaires des Vingt-sept vers le Royaume-Uni ont atteint 41 milliards € et les exportations britanniques vers les Vingt-sept 17 Mrd €.

Un budget suffisant pour réagir rapidement

Face aux perturbations des marchés que pourrait provoquer un départ du Royaume-Uni sans accord, le courrier adressé à Michel Barnier demande que l’UE « rende disponibles des fonds structurels et d’ajustement pour les opérateurs et développe des politiques de soutien, instaure un Fonds d’urgence Brexit avec un budget suffisant pour réagir rapidement à tout événement imprévu, et prévoie la possibilité d’utiliser des outils de gestion des marchés, en particulier des aides au stockage privé pour certains produits.

Le commissaire européen à l’Agriculture Phil Hogan a, selon la presse irlandaise, déjà assuré que, si le scénario catastrophe redouté devait se concrétiser, l’UE serait en mesure de dédommager les agriculteurs irlandais pour les pertes à l’exportation et la chute des prix auxquelles ils seraient confrontés. Des pertes particulièrement importantes pour la viande bovine dont les exportations irlandaises sur le marché britannique devraient acquitter des droits de douane de quelque 700 millions €, d’après les estimations du ministre irlandais de l’Agriculture, Michael Creed, qui parle de « défi existentiel » et évalue à 1,7 milliard € les droits que l’ensemble du secteur agroalimentaire de son pays devrait acquitter à la frontière avec le Royaume-Uni.

Un éventail d’instruments

Les compensations du budget européen seraient comparables à celles décidées lorsque la Russie a décrété en 2014 son embargo sur les produits agroalimentaires européens. Elles pourraient aussi bénéficier aux producteurs des autres États membres exportant le plus sur le marché britannique : Pays-Bas (fleurs notamment), Belgique (légumes surgelés…), Danemark (œufs, bacon…).

Dans une communication de novembre dernier sur un « plan d’action d’urgence » en vue du Brexit le 30 mars prochain, la Commission avait déjà souligné que, dans le secteur de l’agriculture, le droit de l’Union prévoit un éventail d’instruments pour réagir aux effets les plus immédiats du retrait britannique, notamment en cas de scénario sans accord.

Des procédures temporaires pour l’agroalimentaire

Le courrier adressé au négociateur en chef de l’UE reprend également des demandes formulées le 31 janvier par l’industrie agroalimentaire auprès de Jean-Claude Juncker. Trois types de dispositions sont notamment réclamés par FoodDrinkEurope : des procédures temporaires pour les produits agroalimentaires permettant que ceux-ci soient dédouanés dans les locaux de l’opérateur afin d’éviter les encombrements à la frontière ; un « délai de grâce » d’au moins 18 mois pour la mise en œuvre des adaptations nécessaires en matière d’étiquetage des denrées ; une coordination et un échange d’informations adéquats entre le Royaume-Uni et l’UE dans le domaine de la sécurité alimentaire, en maintenant le plein accès de l’administration britannique aux systèmes d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF) et de lutte contre les fraudes.

Le gouvernement britannique a publié pour sa part, les 4 et 5 novembre, des notices sur la création d’un registre pour une procédure simplifiée d’importation et sur la protection des indications géographiques si le Royaume-Uni quitte l’UE sans accord.

Évoquer l’argument de « l’état d’urgence » à l’OMC

Il existe une option pour éviter les graves perturbations commerciales que créerait un Brexit sans accord, suggère le think tank Farm Europe. Pour ne pas devoir instaurer des droits de douane dans les échanges entre l’UE et le Royaume-Uni, il est possible, selon lui, d’évoquer à l’OMC l’article XXI du Gatt, qui permet à un pays « de prendre toute mesure qu’il juge nécessaire pour la protection de ses intérêts essentiels en matière de sécurité […] en temps de guerre ou dans un autre état d’urgence dans les relations internationales ». Or, explique Farm Europe, une sortie brutale du Royaume-Uni de l’UE créerait sans aucun doute une situation d’urgence qui devrait être évitée à tout prix la sécurité des pays touchés étant mise en cause pendant un certain temps.

Cette solution « ne maintiendrait que pendant une période limitée les termes de l’échange existants entre l’UE et le Royaume-Uni » jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé sur les relations futures entre les deux parties, dit encore ce groupe de réflexion.

Poursuivre les paiements aux bénéficiaires britanniques en 2019

Face au risque d’un Brexit sans accord, la Commission européenne a présenté le 30 janvier une nouvelle série de propositions d’urgence. L’un de ces textes permet à l’UE d’honorer, dans ce cas de figure, ses engagements et de continuer à effectuer des paiements en 2019 en faveur de bénéficiaires britanniques au titre des contrats signés et des décisions prises avant le 30 mars 2019. À condition toutefois que le Royaume-Uni respecte les obligations qui lui incombent au titre du budget communautaire 2019, et accepte les audits et les contrôles nécessaires. Parmi les secteurs concernés, l’agriculture et la recherche-innovation.

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