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La prescription trentenaire : encore possible mais ...

Dans notre édition du 1er mars 2019, nous publions un avis concernant les chemins pédestres. Maîtres Louise et Henry Van Malleghem, Avocats au Barreau de Tournai,

nous livrent des réflexions supplémentaires sur le sujet.

Temps de lecture : 4 min

L’article 80 abroge la loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux. L’article 12 de cette loi stipulait que les chemins vicinaux, tels que reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public. On pouvait donc en déduire, qu’indépendamment de toute décision administrative, il était possible de faire constater devant la juridiction judiciaire la prescription extinctive du droit de passage sur le chemin pour non-usage public trentenaire.

Condition temporelle supprimée

Le décret Wallon du 3 juin 2011 a supprimé la condition temporelle de l’imprescriptibilité des chemins vicinaux.

Ceci étant, les chemins vicinaux tels que reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public sans préjudice des droits acquis antérieurement à la présente loi.

Cette modification n’a pas d’effet rétroactif et dès lors, l’entrée en vigueur du décret n’aura pas pour effet, conformément au droit commun, de remettre en cause les droits acquis antérieurement à l’entrée en vigueur du 3 juin 2011.

Voirie communale ?

Le Décret du 6 février 2014 précise ce qu’il faut entendre par « voirie communale », à savoir une communication par terre affectée à la circulation du public, indépendamment de la propriété de son assiette.

Par passage du public, on entend un passage continu, non interrompu, non équivoque à des fins de circulation publique.

À nouveau, ce décret rappelle l’imprescriptibilité des voiries communales sans préjudice des droits acquis antérieurement.

Toute décision relative à la voirie communale suite à l’entrée en vigueur du décret du 6 février 2014 est purement administrative et il n’appartient plus aux tribunaux de constater une éventuelle prescription, tout recours ressortissant du Gouvernement Wallon, autorité administrative ne dépendant pas du pouvoir judiciaire.

La doctrine en secours

Le cas nous ayant été soumis pose néanmoins problème puisque la jurisprudence et la doctrine viennent au secours du propriétaire du champ traversé par un sentier qui a disparu depuis plus de trente ans.

En effet, un article de doctrine a été publié dans le Journal des Juges de Paix, Éditions La Charte, juillet et août 2018 par Maître Ariane SALVE, Assistante et Maître De Conférences à l’Université de Liège.

Dans cet article, il était rappelé qu’une loi qui modifie une règle de prescription civile ne peut pas s’appliquer aux prescriptions déjà acquises avant son entrée en vigueur et le constat de l’extinction d’un droit de passage par prescription peut être sollicité et effectué judiciairement sur base de la disposition ancienne et ce même après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

En conséquence, le nouvel article 12 de la loi du 10 avril 1841 tel que modifié par le décret régional wallon du 3 juin 2011, entré en vigueur le 1er septembre 2012 n’est pas applicable à un chemin vicinal dont la perte par non-usage pendant 30 ans a été acquise antérieurement.

Jurisprudence récente

Une décision a été rendue également par la justice de paix de Braine l’Alleud où le magistrat cantonal confirme la disparition par prescription extinctive d’un chemin vicinal en précisant que la disparition a joué bien avant l’entrée en vigueur du décret wallon du 3 juin 2011, même si la citation en constat d’extinction en l’espèce datait de 2017.

Enfin, un jugement a été rendu par Madame le Juge de Paix du canton de Tubize dans lequel il est énoncé qu’une loi qui modifie une règle de prescription civile ne peut pas s’appliquer aux prescriptions acquises avant son entrée en vigueur et le constat de l’extinction d’un droit de passage par prescription peut être sollicité et effectué judiciairement sur la base de la disposition ancienne après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

En vertu de cette décision, le nouvel article 12 de la loi du 10 avril 1841 tel que modifié par le décret régional wallon du 3 juin 2011 n’est pas applicable à un chemin vicinal dont la perte par non-usage est acquise depuis 1996.

Relevons enfin, pour être tout à fait objectif, que le tribunal de première instance de Charleroi siégeant en degré d’appel d’une décision rendue par le juge de paix de Binche avait estimé, contrairement aux avis précédents, que le constat de prescription ne pouvait plus être demandé au pouvoir judiciaire mais était de la compétence uniquement des autorités administratives.

Non-usage acquis avant le 3 juin 2011

La question de la suppression des sentiers pédestres par prescription trentenaire reste ouverte et l’intéressé doit demander la suppression par voie de prescription de ce sentier pour autant bien évidemment que le non-usage trentenaire de ce sentier soit déjà acquis avant le 3 juin 2011. Le non-usage trentenaire d’un sentier peut être attesté par témoins ou toute autre forme de preuve.

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