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Le pois protéagineux, la féverole et le lupin: les stars de la nouvelle Pac?

Le protéagineux, la féverole et le lupin sont des légumineuses à graines qui vont prendre place avec la nouvelle PAC 2023-2027. Mais quel est le potentiel de ces cultures et quelle est la protection phytosanitaire autorisée en Belgique ?

Temps de lecture : 11 min

Depuis le 1er janvier 2023, une nouvelle politique agricole est d’application en Wallonie. L’application de celle-ci verra de grandes différences entre pays européens et également par rapport à la Flandre.

Le Plan Stratégique Wallon prévoit une aide aux protéagineux. Ce nouveau soutien couplé aux cultures de protéines végétales concernera le pois protéagineux d’hiver et de printemps, la féverole d’hiver et de printemps, le lupin, le soja, la lentille, le pois chiche et le fénugrec, en culture pure ou en association avec une céréale. L’enveloppe prévue en Région Wallonne pour ce soutien aux cultures de protéines végétales sera de 16.685.625 € pour les 5 années de cette nouvelle PAC, jusqu’en 2027. Le montant attribué sera de 375 €/ha en Région Wallonne.

Le verdissement avec les surfaces d’intérêt écologique (SIE) n’existe plus. Il est remplacé par de nouveaux éco-régimes dont l’engagement est annuel.

Le pois protéagineux d’hiver et la féverole d’hiver, implantés à l’automne, entreront en ligne de compte au niveau de l’éco-régime « Couverture longue du sol », avec un paiement de 15, 30 ou 45 €/ha selon le taux de couverture des terres de l’exploitation entre le 1er janvier et le 15 février (min. 70, 80 ou 90 %).

L’éco-régime « Cultures favorables à l’environnement », avec une aide de 380 €/ha peut notamment être activé avec des cultures en mélange : pois protéagineux, féverole, lentille, vesce avec une céréale. Dans ce cas, aucun traitement insecticide n’est autorisé. Il faut souligner que cette aide n’est pas cumulable avec le soutien couplé aux cultures de protéines végétales.

L’éco-régime « Réduction d’intrants » avec une aide de 80 €/ha prévoit que les cultures ne seront pas traitées avec différentes matières actives mentionnées dans une longue liste d’herbicides, de fongicides et d’insecticides. L’impact de l’interdiction de plusieurs molécules rendra plus aléatoire la réussite de ces cultures de protéagineux car la maîtrise des mauvaises herbes, des maladies et des insectes ravageurs sera plus compliquée. Cette aide n’est pas cumulable avec l’aide bio et donc ne concerne que l’agriculture conventionnelle.

Quelles variétés d’hiver et de printemps ?

Depuis 20 ans, la culture du pois protéagineux d’hiver est testée chaque année, dans les essais menés à Gembloux. L’évolution génétique est telle qu’aujourd’hui, il y a de nombreuses variétés françaises de pois protéagineux d’hiver. Cela a également permis de mettre au point et de développer à Gembloux les cultures associées de froment d’hiver avec le pois protéagineux d’hiver.

La féverole d’hiver connaît depuis peu un renouvellement variétal intéressant. Les variétés les plus anciennes, comme Diva et Irena, sont toujours commercialisées. Depuis 4 ans, les nouveautés en féverole d’hiver en provenance de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni sont testées à Gembloux.

Au total, 32 variétés de pois protéagineux dont la moitié est du type hiver, ont été testées et récoltées en 2022. En féverole, il s’agissait de 23 variétés dont 10 féveroles d’hiver mises en essais.

La résistance au froid de ces variétés implantées à l’automne est un point très important pour la culture dans nos régions qui peuvent connaître des épisodes de gel intense avec ou sans neige, durant l’hiver. Les cultures d’hiver sont intéressantes car cela permet d’allonger la période de végétation et d’échapper, en principe, aux fortes chaleurs durant la floraison qui est un stade critique pour la fécondation et la production de graines, donc du rendement final de la culture.

Parmi les 32 variétés de pois protéagineux, on retrouve une majorité produisant des graines jaunes et 4 variétés à grains verts (Aviron, Faquir, Paddle en pois d’hiver et Greenway en pois de printemps). Ces dernières vont intéresser la casserie pour en faire des pois cassés, largement utilisés en alimentation humaine. Les variétés à grains jaunes sont destinées aussi bien à l’alimentation animale qu’humaine. La firme Cosucra basée à Warcoing, spécialisée dans les ingrédients alimentaires, n’utilise que des pois jaunes.

Parmi les 23 variétés de féverole testées, 3 présentaient des fleurs blanches : Organdi en féverole d’hiver et LG Banquise, GL Sunrise en féverole de printemps. Les fleurs de féverole sont le plus souvent colorées. Les graines issues des variétés à fleurs blanches ne contiennent pas de tanin et sont recommandées dans l’alimentation des porcs et des volailles (monogastriques). Les ruminants (bovins et ovins) digèrent aussi bien les graines de féverole à fleurs colorées que blanches.

Un autre critère de qualité concerne la faible teneur en vicine-convicine qui diminue la digestibilité de l’énergie et des protéines. 6 variétés de féverole de printemps à faible teneur en vicine-convicine et à fleurs colorées ont été testées : Allison, Bolivia, Dosis, Nakka, Tiffany et Victus. Ces variétés sont intéressantes pour les poules pondeuses. Il n’y a actuellement aucune variété de féverole d’hiver à faible teneur en vicine-convicine.

Le lupin a été testé uniquement avec des variétés de printemps car les variétés d’hiver actuelles sont trop sensibles au gel et ne résistent pas à l’hiver. Le renouvellement variétal y est moins rapide car il y a moins de sélectionneurs en Europe. Il faut noter l’arrivée récente de 2 variétés allemandes de lupin blanc, résistantes à l’anthracnose, principale maladie dommageable en lupin. Il s’agit de Celina et Frieda.

Le potentiel agronomique des protéagineux

La sélection végétale améliore les performances des cultures de pois protéagineux, de féverole et de lupin. Comme pour d’autres cultures, le climat joue un rôle important dans l’expression du potentiel génétique. Les années climatiques sont parfois très contrastées d’une année à l’autre, ce qui donne des résultats de rendement souvent instables pour les légumineuses à graines. Ainsi, l’année 2020 qui avait déjà été marquée par une importante sécheresse et des canicules, a été suivie par une année 2021 avec une très forte pluviométrie surtout en été, et par une année 2022 à nouveau très exceptionnelle par la sécheresse et les fortes températures.

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Le déficit hydrique a été très marqué en 2022, surtout pour les protéagineux de printemps qui ont manqué d’eau dès le printemps, au démarrage de la culture, lors de la formation des nodosités racinaires qui permettent aux plantes de capter l’azote de l’air. Le retour de la pluie en juin est arrivé en retard pour rattraper la végétation.

Le temps très sec et très chaud en 2022 a entraîné l’arrivée précoce de nombreux pucerons ayant transmis des viroses aux plantes, et l’apparition spectaculaire de rouille en féverole d’hiver et de printemps. La pluviométrie cumulée du mois de mars au mois d’août a été de 179 l/m² en 2022 à Ernage (Gembloux), soit près de 60 % en moins que la normale (420 l/m²). En 2020, autre année de sécheresse, il s’agissait de 242 l/m² ; et en 2021, après un mois d’avril sec, les cultures ont été copieusement arrosées avec un total de 600 l/m² en 6 mois.

Les rendements et la teneur en protéines des graines récoltées ont fortement été impactés par ces conditions climatiques extrêmes.

Le lupin a connu un stress hydrique tellement intense que les plantes sont restées chétives et que le retour des pluies en juin a contribué à un ressalissement important de la culture. La récolte des essais a dû être abandonnée. L’année 2021 avait, par contre, été très favorable à cette culture mettant bien en lumière le potentiel des nouvelles variétés de lupin résistantes à l’anthracnose avec des rendements supérieurs à 3 tonnes par ha.

Au cours des quatre dernières années, les rendements des cultures d’hiver (tableau 01) ont également bien fluctué. Le meilleur rendement obtenu en 2022 en pois protéagineux d’hiver a dépassé 6 t/ha. Il faut remonter à 2015 pour les résultats de rendements qui avaient dépassé les 7-8 t/ha et même atteint 9 t/ha pour la variété Fresnel toujours présente dans les essais et en culture pure ou associée avec du froment d’hiver.

La féverole d’hiver a manqué d’eau pour exprimer son potentiel de rendement. La sécheresse extrême a eu un impact important sur le poids de mille grains (PMG) des graines à la récolte.

Les cultures de printemps ont un cycle de végétation plus court et sont également très soumises aux conditions climatiques, déjà très extrêmes à partir du printemps au cours de ces dernières années de sécheresse.

La lutte contre les pucerons est déterminante

L’arrivée très précoce des pucerons au printemps 2022 a fortement affecté la culture de la féverole. Un essai en féverole d’hiver a permis de mesurer l’impact de ces pucerons sur le rendement. Sans protection insecticide, le rendement moyen mesuré sur plusieurs variétés était de 1.857 kg/ha, alors qu’un seul traitement insecticide visant les pucerons a permis d’atteindre un rendement moyen de 3.623 kg/ha, soit près de 1.750 kg/ha pour un seul traitement bien positionné. Des viroses ont également été transmises par ces pucerons, entraînant un nanisme des plantes et une moindre production de graines.

La qualité des protéagineux impactée en 2022

L’année 2022, avec les stress hydrique et thermique en cours de végétation, a également eu un impact sur la qualité des graines récoltées en protéagineux (tableau 02). Avec une variabilité importante selon les variétés, les cultures d’hiver ont obtenu de moins bons résultats que les variétés de printemps, en ce qui concerne la teneur en protéines. Une analyse des graines récoltées est indispensable chaque année pour une bonne valorisation en alimentation animale.

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La protection phytosanitaire en Belgique : menacée par la nouvelle PAC ?

Les produits phytosanitaires autorisés en Belgique dans les cultures de pois protéagineux, féverole et lupin doux sont repris dans les tableaux ci-contre (tableaux 03 à 09).

Sur le site www.phytoweb.be, une distinction est faite entre les pois fourragers récoltés secs et les pois récoltés secs. Les produits autorisés dans la culture de féverole sont ceux autorisés en fèves et féveroles récoltées sèches.

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À partir de 2023, avec l’application de la nouvelle PAC, plusieurs matières actives ne pourront plus être utilisées lorsque l’on active l’éco-régime « Réduction des intrants » en agriculture conventionnelle. Ces matières actives interdites (tableau 10) sont mentionnées en rouge dans les différents tableaux. Cela signifie que la culture ne peut être traitée avec aucune de ces 9 matières actives, même si elles sont agréées dans ces cultures.

On constate donc une diminution drastique des possibilités de lutte chimique contre les mauvaises herbes, les maladies et les insectes ravageurs en protéagineux.

Si les conditions météo et de sol le permettent, le désherbage mécanique pourra être envisagé dans les stades jeunes de la culture, pour ne pas faire de dégâts mécaniques aux plantes, notamment avec les vrilles dans le cas du pois protéagineux.

La liste des matières actives à prohiber dans le cadre de l’éco-régime « Réduction d’intrants » sera publiée chaque année par la Région Wallonne et pourra être différente d’une année à l’autre. Il conviendra donc de réactualiser la liste des produits utilisables dans chacune des cultures.

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Les conditions climatiques auront une forte influence sur l’apparition des insectes et des maladies. En année sèche, les insectes seront plus présents tandis qu’en année plus humide, les maladies seront plutôt favorisées. Cependant, en année très sèche et très chaude, la rouille peut rapidement faire son apparition en féverole d’hiver et de printemps, comme en 2020 et 2022. Les dégâts d’insectes ravageurs et de maladies peuvent fortement impacter les rendements ainsi que la qualité des graines récoltées.

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Quoi de neuf en 2023 ?

Les variétés de protéagineux qui seront proposées au printemps 2023 en Belgique sont reprises dans le tableau 11.

Il faut noter que les disponibilités en semences de protéagineux, venant essentiellement de l’étranger, sont limitées cette année, à cause des volumes réduits de production de semences, fortement impactés en 2022 par la sécheresse extrême en Europe. Il conviendra donc de réserver le plus rapidement possible les semences pour le printemps 2023.

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La désinfection de semences est également en évolution en protéagineux. La désinfection fongicide classique avec du Wakil, à base de cymoxanil, fludioxonyl et metalaxyl-M, a été retirée en 2022. Elle reste autorisée en Belgique, uniquement sous protection, et donc pas en plein champ (cfr. Phytoweb). La France a obtenu une autorisation en 2022 pour pouvoir l’utiliser sur les semences de protéagineux.

Aujourd’hui, seul le fludioxonyl reste autorisé sur les semences de protéagineux. Il s’agit des produits Celest ou Beret Gold qui accompagnent les semences importées.

Il n’y a pas de désinfection insecticide des semences de protéagineux.

La majorité des semences de protéagineux disponibles cette année sont non traitées, ce qui conviendra également pour l’agriculture biologique et pour l’activation de l’éco-régime « Réduction d’intrants » en agriculture conventionnelle, dans le cadre de l’application de la nouvelle PAC 2023-2027. Pour le soutien couplé aux protéines végétales, il n’y a pas de restriction d’usage des produits phytosanitaires autorisés en Belgique (en agriculture conventionnelle). Pour l’éco-régime « Cultures favorables à l’environnement », les insecticides sont interdits d’utilisation.

Enfin, en agriculture biologique, aucun produit phytosanitaire n’est autorisé, ni sur les semences ni en culture.

Christine Cartrysse

, CePiCOP

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