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Une vingtaine d’étudiants ont approché quelques-unes des réalités de la Chine rurale et urbaine

Sous la conduite des professeurs François Serneels et Matthias Gosselin, et de responsables chinois des Services agricoles et de l’Education, des étudiants de la Haute Ecole Condorcet à Ath se sont rendus au cœur de la Chine – municipalité autonome de Chongqing et province de Hubei – dans le cadre d’un voyage d’études et d’échanges. La rédaction du Sillon Belge faisait partie du voyage.

Temps de lecture : 8 min

Pour ces étudiants en agronomie des régions chaudes, agro-industries et environnement, ce voyage fut une extraordinaire ouverture sur le cœur battant de ce géant asiatique, 2e puissance économique mondiale derrière les États-Unis. Fruit d’une collaboration fructueuse, soutenue et nourrie de contacts constants et précieux depuis 1999, il les a emmenés à la découverte d’une agriculture subtropicale diversifiée – riz, soja, thé, pommes de terre, agrumes, légumes, plantes médicinales… –, et leur a donné l’opportunité d’approcher en direct des techniques de transformation traditionnelles : distillerie, fabrication de jus de fruits, tofu, nouilles, condiments. Cette visite dans le plus grand pays d’Asie comportait également un volet lié à la recherche et développement par le biais de visites d’Institutions et de laboratoires, de même que des visites aux champs.

« La Chine est une destination idéale pour appréhender les défis liés à un développement économique, industriel et urbain spectaculaire, mais aussi les contrastes avec un sous-développement rural objet d’une intense volonté de modernisation », souligne François Serneels, expert passionné de cette République aux dimensions XXL.

Mais outre ce volet technico-économique, l’aspect humain, culturel et social contribue également à l’originalité de cette immersion qui permet à ces futur(e)s diplômé(e)s de faire connaissance avec les richesses culturelles, artisanales et culinaires locales, mais aussi d’aller à la rencontre d’agronomes, agriculteurs et étudiants chinois dans un esprit d’ouverture solidaire.

Trois étapes pour autant de facettes

À l’invitation de l’Académie des Sciences agronomiques de la préfecture d’Enshi, le groupe a commencé son périple par une étape de quelques jours dans une zone rurale très pauvre de la province du Hubei, à la frontière avec la municipalité autonome de Chongqing (voir la carte). Les étudiants ont ensuite découvert quelques aspects d’une grande ville industrielle et sa campagne dans le district de Fuling, avant de rejoindre pour quelques jours le district universitaire assez moderne de Beibei et la métropole de Chongqing.

Ci-après, nous relatons quelques aspects de cette immersion épinglés au gré de ces trois grandes étapes.

Thé, pommes de terre et sélénium dans la province agricole du Hubei

Hubei est une des grandes provinces agricoles du géant d’Asie, connue comme celle « du riz et du poisson » dans sa partie centrale et orientale. Elle fait partie des régions très pauvres : le revenu moyen y est de l’ordre de 3 € par jour et par personne en zone rurale, contre 5 € pour la moyenne rurale en Chine et plus du triple pour la Chine urbaine, relève François Serneels.

Les étudiants de la haute Ecole Condorcet y découvrent un relief montagneux – les Monts Wuling – ponctué de petites plantations de thé en terrasses et de parcelles de pommes de terre baignées dans un climat subtropical humide influencé par la mousson. Le thé est une véritable institution. La Ruibom Tea Factory transforme 8 tonnes de feuilles brutes/jour en quelque 1.500 kg de thé sec de type Enshi Yulu, parmi les plus renommés du pays. Elle traite le thé récolté sur ses plantations par plus de mille cueilleuses. Sept étapes se succèdent : étuvage à 150ºC, malaxage, déshydratation à 100-120ºC, redressage, dépoussiérage, calibrage et triage.

Le colza est également bien présent dans certains villages révélant un paysage dominé par la floraison jaune éblouissante couvrant la plupart des terrasses. Autre particularité : la présence de nombreuses ruches, jusque sur les balcons ou dans les cours des maisons.

Revenons un instant à la pomme de terre, qui dans le cadre de son élévation de statut institutionnel, de « légume » à celui de 4e culture alimentaire de base – après le riz, le blé et le maïs –, fait l’objet de toutes les attentions d’une entreprise établie dans la ville d’Enshi. La Yamai Foodstuff Ltd s’emploie en effet à incorporer de l’amidon de pomme de terre dans une large gamme de produits alimentaires : biscuits, pains, pâtisseries…

Épinglons encore la visite à l’Académie des Sciences agronomiques de Enshi dont les principales activités portent sur la pomme de terre, le thé et les produits alimentaires riches en sélénium (les sols de la région sont particulièrement riches en cet élément). Les étudiants ont découvert dans les serres de cette institution hautement renommée de nombreuses techniques de production en hydroponie, en aéroponie ou sur substrat dans des supports variés permettant une organisation en « jardins verticaux ». Ils ont également pu visiter des bâtiments consacrés à la multiplication in vitro de pommes de terre, gingembre et d’autres cultures.

La « New rural construction » du côté de Fuling

Deuxième grande étape : la ville de Fuling, capitale d’un district industriel situé au bord du célèbre fleuve Yangzi, et la campagne environnante. L’agglomération urbaine y connaît une expansion effrénée. Au début des années 2000, lors de la mise en eau du barrage des Trois Gorges, la ville originale, située au bord du Yangzi a été en grande partie démontée, et ce qui ne l’était pas a été rasé puis englouti sous les eaux du réservoir. Le niveau de l’eau est monté de 175 mètres et une nouvelle ville a été érigée sur les flancs de la vallée.

Juché à une trentaine de km de Fuling, dans une région célèbre pour ses plantations de litchis depuis le Moyen-Âge, le village de Muhe s’est modernisé et s’érige en témoin de la nouvelle politique agricole chinoise, la « New rural construction ». Le secrétaire local du parti Liu Jiaqi en dresse les contours sous 4 grands axes : la rénovation des maisons, la construction de nouvelles infrastructures (routes, égouts, eau courante), l’amélioration de la gestion environnementale (récolte des déchets, panneaux thermiques et photovoltaïques) et la mise en œuvre de nouvelles pratiques agricoles visant à combiner agriculture et tourisme (plantation d’espaces verts…).

Dans ce village récemment cité en exemple par le président de la République Xi Jinping, le revenu moyen par personne est passé de 1.700 euros à 2.300 euros, grâce au remplacement « encouragé » d’une grande partie des cultures vivrières traditionnelles (riz, colza, pomme de terre, patate douce) par des vergers de longanes – fruits assez proches des litchis –, néfliers du Japon, litchis et surtout oranges navels, dont la production est destinée à la vente sur les marchés. Certaines variétés d’orange navel donnent des fruits pouvant être conservés très longtemps sur l’arbre, ce qui permet d’alimenter le marché en fruits frais pendant plusieurs mois et limite les coûts de stockage en frigos.

Jusqu’il y a tout récemment, la politique de répartition des cultures dans les villages était de tendre vers un rapport de 60 % de la SAU en cultures alimentaires et 40 % en cultures de rente (vergers notamment), de manière à assurer la sécurité alimentaire de la population. Aujourd’hui, la nouvelle politique vise à inverser ce rapport, avec un nouvel objectif : assurer un revenu suffisant pour les agriculteurs !

Chongqing, une mégapole presque inconnue hors frontières, et pourtant !

Située au centre géographique de la Chine, sur le cours du fleuve Yangzi juste en amont du controversé barrage des Trois Gorges, la mégapole industrielle de Chongqing (plus de 8 millions d’habitants urbains) constitue véritablement le pôle principal de développement économique de la région qualifiée d’« Ouest de la Chine », englobant une série de provinces démographiquement importantes mais peu développées par rapport à celles de la côte orientale.

C’est dans cette immense agglomération et dans le district universitaire assez moderne de Beibei que les étudiants ont terminé leur immersion contrastée, riche en rencontres, surprises et émotions.

Chongqing demeure la province de Chine qui présente la plus forte croissance grâce notamment à des choix industriels judicieux dans les secteurs de l’électronique, l’automobile, et l’électro-mécanique.

« L’agriculture concerne encore la moitié de la population de cette municipalité de plus de 80.000 km2 et fait l’objet d’une attention soutenue également pour des raisons de sécurité alimentaire nationale malgré la diminution relative de son poids économique. Le revenu des agriculteurs, qui exploitent en moyenne 0,5 ha par famille, est de l’ordre du tiers de celui des urbains, ce qui engendre un exode rural massif des jeunes et adultes en âge de travailler. Ce phénomène est encouragé par les autorités afin d’augmenter les surfaces agricoles disponibles par location (12 ans) pour les agriculteurs qui restent en activité et que les autorités souhaitent voir se professionnaliser et se moderniser (mécanisation) sur des surfaces de l’ordre de 5 à 10 ha afin d’arriver à un revenu raisonnablement équivalent à celui des urbains », poursuit le professeur Serneels.

Le développement des infrastructures routières et ferroviaires constitue un élément clé de l’activité actuelle, avec la construction de milliers de ponts et tunnels en raison du relief montagneux.

La croissance immobilière s’y poursuit également de façon spectaculaire. En 2015, la population urbaine atteignait déjà la proportion de 50 % et le programme d’urbanisation prévoyait d’arriver à 60 voire 70 % de citadins d’ici 2020. Chongqing-ville concentre une partie importante de la population avec 13 millions de personnes habitant l’intérieur du grand ring de 160 km qui ceinture la ville.

Enfin, Chongqing est aussi un pôle éducatif et notamment universitaire de première importance qui dessert tout l’Ouest de la Chine. Dans le domaine agronomique, le district de Beibei, juste au nord de ladite agglomération héberge la prestigieuse South West China Agricultural University, une des principales institutions académiques dans ce domaine en Chine..

Marc de Neuville,

avec François Serneels

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