Apports azotés en froment: on raisonne à la parcelle, en considérant notamment le précédent








Une saison hivernale douce...
... et humide
Du côté de la pluviométrie, si le mois d’août et le mois de septembre ont été moins arrosés par rapport à la norme climatique observée, octobre s’est distingué par des précipitations abondantes: de l’ordre de 105,1 mm, plutôt que les 69,2 mm normalement attendus. Les mois de novembre et de décembre qui ont suivi ont connu une pluviométrie proche de la normale. Enfin, le mois de janvier s’est avéré plus doux qu’à l’habitude (5,3°C en moyenne).
En conclusion, jusqu’ici, la saison hivernale peut être considérée comme chaude et humide, par rapport aux dernières années.
Les premiers semis au «plein tallage»
On l’aura compris et observé, ces conditions climatiques ont permis un bon dévelopement des cultures de froment, enchaîne Remy Blanchard, du Cepicop. «Dans la majorité des emblavements, les cultures sont en bon état».
C’est ainsi que, par exemple, dans les semis de la plateforme expérimentale sise à Lonzée (Gembloux), à la mi février, les semis de froment du 24 octobre étaient au stade «plein tallage», ceux du 20 novembre au «début tallage» et les semis tardifs (22 janvier car il n’était pas aisé d’accéder aux champs et de faire un bon travail en décembre) se trouvaient entre la levée et la première feuille.
Une richesse «normale» du profil en azote minéral du sol...
A la mi-février, pas moins de 196 parcelles avaient été échantillonnées par les services provinciaux (Ath et Tinlot), le Cra-w et Gembloux Agro-Bio Tech ULiège, sur une grande partie de la Région wallonne en veillant à l’étendre à des situations culturales suffisamment contrastées, notamment en fonction des précédents culturaux. L’échantillonnage de ces profils a été réalisé sur 90 cm de profondeur.
Le tableau 2 révèle que le profil azoté moyen, en sortie d’hiver, est moins riche par rapport à l’an dernier. Il est, avec les données récoltées jusqu’à la mi-février de 57 kg/ha sur les 90 premiers cm explorés. La teneur moyenne en azote minéral est donc plus faible que l’an dernier (réserve moyenne élevée: 85 kg/ha) et peut être qualifiée de normale; puisqu’elle se situe dans la moyenne de ces dix dernières années. «Cette richesse s’explique par les températures élevées des sols durant la fin de l’été et l’automne qui ont stimulé la minéralisation», relève Rémy Blanchard.
Il est également très intéressant de s’attarder sur la répartition de cet azote en profondeur. La zone supérieure du profil (de 0 à 30 cm) contient en moyenne 13 kg N/ha, soit un peu moins de 25% de l’azote présent dans les 90 cm de profondeur. La zone comprise entre 30 et 60 cm comporte 19 kg N/ha et la zone inférieure du profil (entre 60 et 90 cm de profondeur) est riche puisqu’on y observe en moyenne 25 kg N/ha (plus de 40% de l’azote total sur 90 cm).
Quid de l’évolution de la quantité d’azote présente dans le profil du sol au fil du temps ? Entre les mois d’octobre 2019 et de janvier dernier, l’azote présent initialement dans l’horizon superficiel a migré vers les 2e et 3e horizons plus profonds. «Cette migration significative de l’azote est due à la lixiviation résultant des précipitations importantes survenues ces derniers mois.»
... mais une grande variabilité selon les précédents
La physionomie des profils azotés pour les différents précédents à la culture du froment est présenté dans le tableau 3. Celui-ci met en lumière de grandes variations entre les précédents. Les profils les plus riches en azote minéral correspondent aux précédents culturaux de pomme de terre ainsi que des légumineuses. Dans ces deux situations, on retrouve en moyenne entre 75 et 81 kg N/ha dans l’horizon de 0 à 90 cm. Les précédents froment, lin, betteraves, chicorée et colza montrent des profils azotés compris entre 40 et 53 kg N/ha. Enfin, après une culture de maïs, on observe un profil azoté moyen de 63 kg N/ha.
Les fumures de référence pour cette nouvelle saison
La fumure de référence pour cette anneé culturale est basée sur les résultats d’une analyse pluriannuelle des essais consacrés à la fumure et sur la base des observations de ce début de saison. Elle s’élève à un total de 185 N/ha.
Le type de fractionnement (3 ou 2 doses) sera raisonné en fonction de chaque parcelle et du précédent concerné. «Dans tous les cas, le Livre blanc vous recommand de calquer votre schéma d’apport sur la base des prévisions de précipitations et d’apporter votre fertilisation avant une pluie afin de maximiser l’efficacité du prélèvement d’engrais par les plantes».
Fumure en trois fractions: tallage (60 N), redressement (60 N), dernière feuille (65 N).
La fertilisation en trois apports sera préférée dans la majorité des situations. Elle est en outre indispensable dans les circonstances suivantes: structure de sol abîmée par des récoltes tardives ou en mauvaises conditions; terre à mauvais drainage naturel; sol complètement glacé ou refermé, dégâts d’hiver, de traitements herbicides, de parasites, déchaussements; sol avec de faibles disponibilités en azote en sortie hiver; besoin en paille élevé sur l’exploitation; semis tardif (après le 15 novembre); précédent froment, afin de favoriser la progression racinaire et compenser l’effet néfaste des maladies du système racinaire; végétation trop claire ou densité de végétation faible en sortie d’hiver.
A fortiori, les trois fractions seront recommandées dans toutes les situations culturales où l’on soupçonne que le système racinaire du froment se développera difficilement et ne permettra pas à la culture de trouver dans le sol les quantités minimales d’azote dont elle a besoin pour assurer le développement d’un nombre suffisant de tiges.
Fumure en deux fractions: tallage-redressement (90 N) et dernière feuille (95 N).
La fertilisation en deux apports sera réservée aux situations les plus favorables. Plus concrètement, une fertilisation en deux fractions sera encouragée dans les situations suivantes: précédents culturaux laissant des reliquats élevés, tels qu’après une culture de légumineuse, légumes ou pomme de terre; précédent betterave dont l’arrachage a été effectué précocement (avant le 15 octobre) dont le profil n’aurait pas été épuisé (voir analyse de sol); semis précoces et/ou si la végétation est fortement avancée (la culture a déjà produit beaucoup de talles); parcelles où les restitutions de matières organiques sont importantes et/ou fréquentes; froment destinées à une valorisation en meunerie.
Le raisonnement et les adaptations
Au sein d’une même exploitation, chaque parcelle doit être considérée individuellement ; les conditions culturales varient souvent entre parcelles (passé cultural, évolution de la culture, impact de l’environnement avoisinant).
Par ailleurs, la dose de chacune des fractions est déterminée juste avant son application. La fumure totale d'azote résulte, au moment du dernier apport, de l'addition des fractions définies les unes après les autres.
Ces deux principes, via des correctifs - liés aux conditions pédoclimatiques, à la richesse en matière organique, au précédent et à l’état du sol de la parcelle – appliqués aux doses de référence, permettent de prendre en compte les variabilités de fourniture d'azote par le sol et l'évolution en cours de saison de la culture (potentiel de rendement, enracinement, maladies, stress ou accident éventuel). à la nature du précédent (lien avec la richesse des profils azotés), etc...
Et en saison?
Le conseil pourra évoluer en cours de saison en fonction des conditions de développement et de croissance des cultures. Pour ce faire, restez attentifs aux communiqués du Cepicop.