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Quand les pucerons

des racines menacent

les chicorées witloof

En proie à un déficit hydrique important, parcelles de production des racines de chicon souffrent du développement de fortes colonies de pucerons des racines, avec des pertes économiques significatives. Analyse et moyens d’action !

Temps de lecture : 6 min

Les colonies de pucerons des racines affaiblissent les radicelles et aggravent le déficit d’alimentation en eau de la plante. La conséquence est bien connue, ce sont des racines insuffisamment dotées de réserves à leur récolte. Ces racines sont nettement moins aptes au forçage pour la production des chicons en hiver.

De plus, les attaques de pucerons des racines aggravent la situation au point de rendre des lots pratiquement impropres au forçage ou dans des délais incompatibles avec un calendrier conventionnel de production. Le poids des racines peut être réduit de 25 ou 30 % lors d’invasions massives. Pour faire suite aux levées irrégulières dues à la sécheresse de mai et juin, cela devient vite très compliqué à gérer.

Les pucerons sont de couleur jaune et sont camouflés dans de la cire blanche. À l’observation au champ en été, les racines de chicon sont couvertes d’une sécrétion cireuse blanchâtre, à quelques centimètres sous le niveau du sol.

Un peu de biologie

Également appelé puceron gallicole des pétioles de peuplier, le puceron des racines (Pemphigus bursarius L., notamment) est de nouveau bien présent, cette année, en production de racines de chicon. Certaines parcelles en sont naturellement indemnes, d’autres sont envahies. Nous devons arracher quelques racines, au moins une vingtaine par ha, de façon aléatoire au sein de la parcelle. Nous soulevons les racines avec précaution pour que les éventuelles colonies de pucerons présentes ne soient pas arrachées de leur support.

Lors de fortes pullulations, le feuillage prend une teinte rougeâtre et tend à se dessécher. Les pucerons se nourrissent de la sève des racines. Ils sont facilement repérés par la cire blanche sur le sol et dans les cavernes du sol contre les racines. Les dégâts sont d’autant plus marqués que la saison est sèche comme en cette période.

Un cycle de vie complexe

Les œufs sont présents sur des peupliers durant l’hiver. Ils éclosent au printemps donnant naissance à des individus aptères, les femelles fondatrices. Celles-ci recherchent un pétiole d’une feuille naissante du peuplier et le piquent. Une galle se forme au départ de la piqûre et elle finira par entourer complètement la jeune femelle. Après une douzaine de jours, la femelle commence à se reproduire et donnera après quelques semaines une ou plusieurs centaines de fondatrice ailées.

Plusieurs générations d’individus ailés leur succéderont et vers la mi-juin, les migrations vers d’autres hôtes se font à la faveur de températures plus douces. Les repérages de ces migrations ont été constatés un peu plus tôt cette année. C’est alors que les laitues et les cultures de racines de chicons sont colonisées, comme d’autres plantes de la famille des astéracées.

Vivant sur le feuillage, elles vont se multiplier durant les semaines estivales en donnant des virgines aptères qui coloniseront les racines. En automne, des formes ailées seront formées, elles gagneront les peupliers. Après fécondations, les femelles y pondront les œufs dans les anfractuosités des écorces. Lors d’hivers cléments, presque tous les œufs survivent. En cas de conditions rigoureuses, la mortalité peut être presque totale. Et le cycle annuel recommence. On se souvient que l’hiver dernier fut clément.

Prévenir les risques

Il est possible de suivre l’évolution des risques en début et en cours de saison de production des racines. Des séries de bacs attractifs de couleur jaune sont installées dans des champs de référence. Les observations se font deux fois par semaine de début juin à mi-juillet. Par la suite, des observations sur les racines se font de juillet à septembre.

Des modèles de prévision permettent de lancer des messages d’alertes en fonction de la température, avec confirmation par les observations de terrain et en bacs de piégeage.

La proximité de peupliers et de parcelles de racines de chicon est un facteur très important. Les parcelles en situations à risques doivent être observées individuellement.

Des conséquences multiples

Affaiblies, les racines conviennent nettement moins bien, voire plus du tout pour le forçage et ne sont plus aptes pour une conservation de longue durée en frigos. L’arrêt de la végétation provoqué lors de la période normale de croissance des racines perturbe leur valeur de forçage, en particulier pour les variétés hâtives.

Dans les parcelles attaquées, les racines ne sont pas mûres aux dates attendues sur la base des planifications au semis en fonction des variétés. L’examen des racines et du point de croissance dans un premier temps, la confirmation par analyse au laboratoire ensuite, permettent d’ajuster les récoltes aux circonstances de la pratique. Du moins pour les parcelles les moins atteintes.

Les variétés plutôt précoces ont normalement besoin d’environ 130 à 140 jours de végétation et les plus tardives de 160 à 180 jours. Cette année, l’effet conjugué de levées aléatoires, du manque d’eau en parcelles non irriguées dès juin et des invasions de colonies de pucerons des racines risquent de provoquer des retards importants, de plus de 30 jours.

Inspection des racines

L’examen des racines permet d’évaluer la présence ou pas de colonies. Si des auxiliaires ont pu maîtriser les colonies des pucerons des racines, cela se constate déjà maintenant à coup sûr, il n’y a plus ou presque plus de colonies.

Avec la réponse contraire, il y a lieu de prendre des mesures correctives à court et à moyen terme.

Plusieurs moyens de lutte

La lutte biologique est encore mal connue, des recherches progressent.

Les avertissements peuvent se baser sur le suivi de la période de vol par piégeage ou par relevé des températures et l’interprétation suivant un modèle (East Malling Research par exemple).

L’irrigation réduit l’effet de la sécheresse, et tend à réduire les populations de puceron des racines par l’effet de battance de surface du sol qui est de ce fait moins aéré. Au contraire, un sol caverneux facilite la colonisation et le développement des colonies de pucerons des racines.

Des espoirs se focalisent sur des diptères de la famille des Chloropidae et du genre Thaumatomyia qui sont des prédateurs (Fredon, Loos-en-Gohelle). Actuellement, la lutte ne peut pas encore s’organiser, mais leur intervention peut expliquer des différences d’une parcelle à l’autre selon qu’ils sont présents ou pas.

Les auxiliaires dans la lutte contre les pucerons, comme les syrphes, les coccinelles, les micro-hyménoptères, les chrysopes, sont précieux et peuvent expliquer la situation de certaines parcelles.

La résistance variétale est une piste explorée par les sélectionneurs, s’inspirant de la meilleure résistance de chicorées botaniquement voisines comme des chicorées italiennes de type foliosum.

Pour la lutte chimique, il est possible d’employer un des produits à base de spirotetramate, selon les avertissements, dans 300 à 400 l d’eau/ha, très tôt le matin ou très tard le soir, sur un feuillage sec. Un second traitement peut être envisagé 14 jours plus tard. Il ne peut y avoir qu’au maximum deux traitements par an. Voir https ://fytoweb.be/fr/

Le délai avant récolte est de 50 jours. Ces produits – systémiques ascendants et descendants – peuvent s’employer du stade 3 feuilles jusqu’à l’apparition complète des feuilles (stade BBCH 19). Avec un pulvérisateur classique, la zone tampon est de 1 m avec une technique réduisant la dérive de 50 %.

F.

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