Caractérisation de Stb16q,
un gène de résistance
à large spectre
L’annonce, en janvier dernier, de l’identification et de la caractérisation d’un deuxième gène de résistance – à large spectre,
dans ce cas-ci – à la septoriose du blé renforce les perspectives pour le développement de variétés résistantes à cette maladie bien connue et très préjudiciable aux rendements.
La septoriose est l’une des principales maladies qui s’attaque aux cultures de froment dans le monde. La filière française, par exemple, estime qu’elle provoque chaque année entre 350 et 700 millions d’euros de perte pour ses intervenants.
Une maladie foliaire très préjudiciable
Causée par le champignon pathogène Zymoseptoria tritici et causant des nécroses au niveau des feuilles, la septoriose du blé est effectivement l’une des principales maladies dans le monde à s’attaquer aux cultures de blé tendre. Dans les cas les plus extrêmes, elle peut causer 40 % à 55 % de perte de rendement.
Aujourd’hui, cette maladie est principalement combattue à l’aide de fongicides. Mais le développement de résistances à ces produits phytosanitaires par le champignon et la nécessité de réduire l’usage des pesticides (directive de certains pays de l’Union européenne de réduire de 50 % l’usage des pesticides) pour développer une agriculture durable, requièrent la recherche de moyens de protection alternatifs comme la lutte biologique et le développement de variétés résistantes (voir aplat).
Plus ou moins rapidement, cependant, la capacité d’adaptation des populations pathogènes aboutit au contournement des résistances variétales, limitant ainsi l’efficacité de ces dernières.
La connaissance et la caractérisation des gènes impliqués dans la résistance aux agents pathogènes, et de leurs fonctions, sont donc primordiales pour envisager des stratégies d’utilisation raisonnée des résistances.
On estime qu’en 2016, une vingtaine de gènes majeurs de résistance à Zymoseptoria tritici (Stb) avaient déjà été identifiés chez le blé, sans toutefois qu’aucun de ceux-ci n’ait été cloné ni caractérisé.
Parmi ceux-ci, le gène de résistance baptisé « Stb6 », bien connu de la communauté scientifique, est fréquent dans les variétés anciennes et modernes de blés. Bien que contourné, ce gène confère toujours une résistance au champ contre une partie de la population du champignon.
En 2018, un premier gène de résistance – Stb6 – est bien identifié…
Utilisant les techniques les plus performantes et les outils et ressources les plus récents de la génétique et génomique du blé, des chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae, France), et leurs collègues du centre de recherche de Rothamsted (GB) ont, pour la première fois, en 2018, identifié et isolé ce gène de résistance Stb6 évoqué ci-avant.
Localisé sur le bras court du chromosome 3A du blé, il code pour une protéine de 647 acides aminés, un récepteur à activité kinase de la famille des kinases associées à la paroi cellulaire (WAK). Comme ses consœurs WAK impliquées dans la défense contre les agents pathogènes, la protéine de résistance Stb6 possède un domaine extracellulaire qui contrôle les modifications au sein de la paroi cellulaire et un domaine intracellulaire à l’origine de l’induction de la cascade des voies de défense.
… et caractérisé fonctionnellement
Dans un deuxième temps, les scientifiques ont validé fonctionnellement ce gène. Son introduction chez une variété sensible de blé confère à celui-ci une résistance à la septoriose.
Le gène Stb6 est par ailleurs remarquablement conservé chez le blé tendre, Triticum aestivum.
Seules huit formes alternatives (ou allèles) de ce gène ont été identifiées parmi les 98 accessions de blé – c’est-à-dire des blés ancestraux ou des variétés cultivées aujourd’hui et conservées en collection – analysées.
Parmi ces huit allèles, on compte notamment un allèle majeur de résistance, présent dans la moitié des variétés de blés cultivées en France et en Grande-Bretagne et plusieurs allèles de sensibilité. L’un de ces allèles de sensibilité diffère de l’allèle de résistance par un seul nucléotide. Celui-ci, localisé dans le site actif de la partie kinase de la protéine de résistance, entraîne une perte d’activité, ce qui est vraisemblablement à l’origine de la sensibilité des individus portant cet allèle.
La prévalence de l’allèle de résistance chez l’amidonnier, Triticum dicoccum – une des plus anciennes espèces de blé cultivée et à l’origine des blés tendres actuels –, suggère que le gène Stb6 ait été introduit en agriculture dès la domestication du blé, ce qui expliquerait sa prévalence actuelle chez le blé.
Stb6 est le premier gène de résistance à Zymoseptoria tritici à être identifié et validé fonctionnellement chez le blé.
Cette avancée majeure vis-à-vis d’un champignon responsable d’une maladie d’importance mondiale, permettra à terme de mieux comprendre les mécanismes moléculaires de l’interaction entre le pathogène et sa plante hôte, d’autant que le gène d’avirulence AvrStb6, dont le produit est reconnu directement ou indirectement par Stb6, a été récemment identifié et validé fonctionnellement chez Zymoseptoria tritici par une autre équipe de l’Inrae, et d’améliorer les stratégies de déploiements des résistances du blé à la septoriose.
Découverte d’un nouveau gène de résistance – Stb16q – à large spectre
Après cette première avancée essentielle, un autre gène de résistance « à large spectre » cette fois, a été identifié et caractérisé par un consortium international composé de l’Inrae, de l’Université de Wageningen (Pays-Bas) et du Département de l’Agriculture des États-Unis, en collaboration avec la maison de sélection Florimond-Desprez.
L’identification et la caractérisation de ce gène majeur baptisé Stb16q, qui procure au blé une résistance à de nombreuses souches de Zymoseptoria tritici, vient de faire l’objet d’une publication dans la revue Nature Communications, le 19 janvier dernier. Cela ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de variétés de blé résistantes à la septoriose.
Ce gène – codant pour un récepteur à activité kinase riche en cystéine (CRK) situé sur la membrane plasmique des cellules végétales – permet de stopper la croissance du champignon dès le début de l’infection, au moment où il pénètre dans le tissu végétal.
Présent dans seulement 6 variétés de blé sur les 805 soumises à criblage, il offre peu de chances de contournement des défenses observées chez certaines plantes.
« L’introduction de ce gène de résistance dans les variétés de blé doit se faire prudemment et être associée à d’autres facteurs de résistance à la maladie », estime l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
En parallèle, les chercheurs ont également développé des marqueurs diagnostiques pour suivre ce Stb16q dans les différentes étapes des programmes de sélection variétale du blé et qui sont à disposition des sélectionneurs.