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Le tournesol wallon,

davantage de soleil encore

dans nos campagnes !

La Scam, Cultures d’avenir et le Cra-w ont mis en place, l’an dernier, un premier essai visant à explorer la faisabilité de la culture de tournesol en Wallonie, dans un contexte climatique en pleine mutation. Et à un moment où s’impose la nécessité de répondre à la diversification des rotations agricoles, la résilience des fermes, le développement de circuits courts et de filières locales, l’amélioration de l’autonomie protéique de nos élevages…

Voici un éclairage sur les premières observations de terrain…

et sur le projet baptisé Sunwall soutenu par la Wallonie.

Temps de lecture : 9 min

Après des décennies de présence ininterrompue dans nos assolements, certaines cultures, pour des raisons diverses, perdent de leur attractivité. Sans préjuger de leur avenir, il est intéressant d’explorer dès à présent les potentialités de têtes de rotation supplémentaires. Parmi celles-ci, on trouve une plante oléagineuse : le tournesol.

Les heureux vacanciers « juillettistes » auront certainement remarqué la migration progressive vers le nord de ces beaux champs aux grandes fleurs jaunes. Lyon, Dijon, Nancy, Metz, Luxembourg… Les tournesols sont désormais aux portes de notre pays.

Une plante d’origine américaine riche en huiles diverses

Le tournesol est originaire d’Amérique du Nord. Les Amérindiens et les Mexicains l’ont domestiqué et cultivé pour ses propriétés alimentaires, médicinales et tinctoriales. Il s’agit de la troisième grande culture américaine après la pomme de terre et le maïs, à avoir franchi l’Atlantique mais son extension est longtemps restée limitée.

Sa culture comme plante oléagineuse s’est développée au 19e siècle en Russie où l’amélioration variétale a permis d’atteindre des teneurs en huile de 40 %.

La production annuelle mondiale de graines s’élevait à 56 millions de tonnes en 2019 ; 62 % de ce tournesol sont produits en Europe. Après la Russie et l’Ukraine (6,5 millions de tonnes chacun), la France est le quatrième producteur mondial devant la Roumanie, la Hongrie et la Bulgarie. Il constitue avec le colza et l’olive, la principale source d’huile alimentaire européenne.

Huile de table, de friture… des débouchés variés à la recherche de filières en Wallonie

L’huile est évidemment la principale production de la culture de tournesol. Huile de table depuis bien longtemps, mais aussi huile de cuisson depuis une dizaine d’années avec le développement de nouvelles variétés dites « oléiques ».

Celles-ci contiennent plus de 80 % d’acides gras oléiques pour 15-20 % dans les variétés classiques. Ce profil en acides gras conférant une grande résistance aux hautes températures, rend possible son utilisation comme huile de friture. Cette caractéristique permet un nouvel essor de la culture en lui ouvrant d’importants marchés industriels.

Les graines peuvent également rentrer dans les rations de nombreux élevages mais, sur ce plan, ce sont les tourteaux issus des huileries qui constituent le meilleur aliment. Ces tourteaux, dépourvus de facteurs « antinutritionnels », sont de très bonnes sources de protéines.

Lorsqu’ils sont obtenus à partir de la trituration des graines entières, ils sont majoritairement destinés aux bovins. Si les tourteaux proviennent de la trituration de graines décortiquées, leur richesse en protéines dépasse 35 % et ils sont très bien valorisés par les volailles.

Par ailleurs, de nombreux marchés de niche coexistent tels que l’oisellerie, la savonnerie, la production de détergent ou de bougies, et certaines utilisations des graines en boulangerie et dans la préparation de salades.

Pourquoi s’y intéresser aujourd’hui ?

Des essais phytotechniques ont été menés dans notre pays à la fin des années ‘90… sans issue favorable. Le tournesol ne parvenait pas à boucler son cycle avant l’arrivée des premiers froids et des pluies d’automne. Dans les pires situations, des maladies de fin de cycle tels que le sclérotinia des capitules (inflorescence des plantes de la famille des astéraceae) entraînaient la pourriture des graines.

Les circonstances évoluent. Deux éléments plus favorables rendent aujourd’hui la culture du tournesol en Belgique nettement moins risquée que précédemment.

1. L’impact positif du changement climatique

Pour la croissance du tournesol, les températures sont dites efficaces lorsqu’elles dépassent 6ºC. Les variétés précoces actuelles nécessitent des sommes de température en base 6ºC de 1.500 degrés-jours entre le semis et la récolte. Avant 2015, rares étaient les années où ces sommes étaient capitalisées. L’évolution récente du climat change la donne et ces situations sont actuellement de plus en plus fréquentes (figure 1).

2. L’amélioration variétale

Par ailleurs, la sélection variétale crée aujourd’hui des variétés « très précoces » qui se contentent de 1.450º jours en base 6.

Cette précocité des nouvelles variétés peut en outre s’accompagner d’un accroissement de la tolérance aux maladies et en particulier au Sclérotinia.

Un semis de qualité…

Le tournesol se cultive généralement en tête de rotation. C’est une culture sarclée, de printemps, qui s’intègre parfaitement dans des rotations céréalières en permettant une bonne gestion des adventices et un maintien de la structure du sol.

La préparation du sol doit permettre à la jeune plantule de lever facilement et de se développer rapidement. La vigueur juvénile des variétés est un critère important (voir tableau 1).

La phase la plus sensible de la culture réside dans les deux premières semaines qui suivent la levée. À ce stade, les plantes sont vulnérables aux oiseaux (corvidés), aux limaces et aux coups de froid.

Une bonne implantation permet de limiter ces risques en favorisant un développement rapide et optimum des jeunes plantules. Pour cela, il convient de semer lorsque la terre est suffisamment réchauffée (7-10ºC). On veille à placer la graine dans l’humidité et à la plomber suffisamment pour assurer un bon contact entre la graine et le sol. Les graines de tournesol disposent de réserves et supportent parfaitement des profondeurs de semis entre 5 et 8 cm.

Les graines doivent être semées une à une (semoir pneumatique) à des distances qui permettent leur développement. Les variétés les plus hautes atteignent facilement deux mètres et les écarts entre les lignes doivent être de minimum 30 cm.

La densité de plante par mètre carré est généralement de 7-9 plantes. Cependant, dans nos sols riches et bien pourvus en eau, la densité peut, semble-t-il, être augmentée jusqu’à 10 plantes par m², ce qui a pour effet favorable d’accélérer la maturité avant récolte.

… permet un suivi aisé

Le respect de ces trois paramètres du semis – régularité de la profondeur, de la répartition, et bon contact entre le sol et les graines –, réduit considérablement les risques, et facilite la suite de la conduite culturale.

Bien implantée, la culture est vigoureuse et très compétitive face aux adventices. Le binage entre les lignes est une pratique courante en conduite bio, comme conventionnelle.

À l’exception du sclérotinia (Sclerotinia sclerotiorum) auquel le colza, le pois et le soja sont également sensibles, les maladies du tournesol lui sont spécifiques. Des variétés tolérantes aux différentes maladies sont disponibles sur le marché.

Une culture peu exigeante, écologique et esthétique

Le tournesol est une plante sobre, économe en eau et engrais. Sa culture est possible dans la grande majorité des terres.

Concrètement, le tournesol peut se satisfaire de 80 mm. Lors des pluies, la position de ses feuilles et la forme de ses pétioles ressemblant à des gouttières ramènent l’eau au pied de chaque plante. Si elle dispose d’eau en plus grande quantité, la culture est capable de la valoriser.

Quant aux engrais, le tournesol se satisfait par ha de 60 unités d’azote, 50 kg P2O5 et 60 kg K20. Une attention particulière doit être portée au bore dont il peut souffrir de carence.

Par ailleurs, Le tournesol n’est pas la cible d’insectes ravageurs. Il attire bien des pucerons verts du prunier (Brachycaudus helichrysi) mais n’est pas sensible aux virus que celui-ci pourrait transmettre. La culture ne nécessite donc pas d’insecticide.

Par ailleurs, la floraison du tournesol est très appréciée par les insectes butineurs. Ils sont nombreux les abeilles, bourdons et syrphes à se ravitailler en juillet sur les grandes fleurs jaunes.

Dernier point mais qui prend de plus en plus d’importance aujourd’hui, les champs de tournesols en fleurs sont un ravissement pour les yeux et contribuent à embellir l’image de notre agriculture.

Equipements spécifiques ?

Les investissements en matériel sont limités. Pour le semis, un semoir monograine à maïs dont on peut réduire l’écartement ou un semoir à betterave capable de semer à plus de 5 cm de profondeur peuvent être utilisés à condition qu’ils acceptent des disques disposant d’une dizaine trous de 2,1-2,5 mm. Si on opte pour un écartement de 45 cm, il faudra par exemple une graine tous les 22 cm.

Pour la récolte, une moissonneuse-batteuse classique laissera tomber sur le champ de nombreux capitules (fleurs) et ceci n’est envisageable que pour une petite surface sur laquelle un ramassage manuel peut suivre la batteuse.

En France, dans les zones de production, les barres de coupes des moissonneuses sont adaptées. Ces aménagements des plateaux sont réalisables à faibles coûts. Une alternative assez efficace consiste à utiliser une moissonneuse équipée de rallonges à colza.

Les enseignements de l’essai 2020 à Gembloux

Au printemps dernier, la Société coopérative agricole de la Meuse, Cultures d’avenir et le Centre wallon de recherches agronomiques se sont associés pour mettre en place un essai exploratoire comparant 9 variétés de tournesol a été implanté à Grand-Leez à 6 km de Gembloux (photo 2).

Le semis de cet essai en 4 répétitions a été réalisé le 27 avril 2020, quelques heures avant 3 jours de pluies. Un faux semis a été entrepris 3 semaines avant l’implantation de l’essai.

La fertilisation s’est résumée à l’apport de 60 unités d’azote sous forme solide (N27).

Vu la surface réduite de l’essai (12 ares) et la propreté de la terre, un simple désherbage manuel a suffi pour éliminer les adventices.

Hormis le traitement de semences (désinfection classique), aucun produit phytosanitaire n’a été employé sur l’essai afin d’évaluer le potentiel intrinsèque de chaque variété.

Les 9 variétés testées sont issues de maisons de sélection françaises :

– 4 variétés linoléiques : ES Bella, Durban, MAS 810b et LBS2323L ;

– 5 variétés oléiques : Toscana CS, LG 50418, SY Arco, SY Illico, Talento.

La précocité à la levée et la vigueur juvénile sont des caractères intéressants, mais le plus important à prendre en compte est la tolérance à la verse. La variété LBS2323L s’est révélée très sensible (photo 3) et ne sera pas reprise dans les futurs essais.

Des rendements élevés

Au moment de la récolte, étant donné les différences de maturité observées entre les variétés, des collectes distinctes ont été réalisées pour chacune des variétés ; elles se sont étirées entre le 16 et le 21 septembre.

Sept des neuf variétés avaient atteint une maturité suffisante. Les humidités des graines étaient inférieures à 9 %. Les rendements obtenus (tableau 2) sont élevés : entre 3,5 et 4,5 tonnes/ha.

En France, la moyenne nationale de ces dernières années est de 2,2 t/ha, mais nos sols sont profonds, riches et bien pourvus en eau. Par ailleurs, l’ensoleillement est en constante augmentation dans nos régions. Ces résultats ne sont donc pas étonnants.

Les variétés les plus performantes étaient ES Bella et Toscana CS, soit une variété classique et une variété « oléique ». Il ne semble plus y avoir d’écart entre les deux types de tournesol.

Les rendements obtenus pour Durban et SY Arco ne doivent pas être pris en considération car les parcelles de ces deux variétés très précoces aux capitules à forme convexe ont été la cible privilégiée des passereaux. Ces biais expérimentaux sont dus à la taille réduite des parcelles (15 m²) et ne se présentent pas en grande parcelle.

L’expérimentation continue

Cet essai exploratoire ne représentait qu’une situation et doit être analysé comme tel. D’autres essais seront nécessaires pour juger du potentiel de la culture de tournesol dans les différentes régions pédoclimatiques de Wallonie. Fort heureusement, les recherches vont prendre une autre dimension dès cette année et durant dans les prochaines saisons via le développement du projet Sunwall (Sunflower Wallonie).

Augustin, Adeline, Félix et Marie,

Cultures d’avenir

Alain Gérard,

Scam

Guillaume Jacquemin,

Cra-w

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Courrier des lecteurs : enrubannons en rose

Voix de la terre Pourquoi le rose me demanderez-vous ? Non pas parce que je suis une fille voyons, ce n’est pas fini ce temps où on genre encore cette couleur ? Le rose parce que c’est la couleur choisie par l’association de Think Pink, elle-même qui organise entre autres des campagnes d’information et de sensibilisation qui luttent contre le cancer du sein. Hep, hep, hep ! Restez bien attentifs, y compris vous messieurs, car vous pourriez apprendre des choses à ressortir au repas de famille dominical.
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