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PAC : un sprint final plein de suspense

À quelques heures d’un nouveau « super trilogue » crucial, et, dans la foulée, du Conseil des Ministres européens de l’Agriculture des 28 et 29 juin, le dernier sous Présidence portugaise, l’eurodéputé social-démocrate français Éric Andrieu, rapporteur de la PAC sur l’Organisation Commune des Marchés (OCM),

a passé en revue les principaux points de friction entre le Parlement et le Conseil empêchant encore la finalisation d’un accord politique sur une réforme très attendue. Mais au-delà de ces différents dossiers,

le parlementaire plaide en faveur d’une PAC qui soit en cohérence avec les ambitions environnementales du Pacte Vert tout en égratignant le modèle de Présidence tournante de l’UE.

Temps de lecture : 7 min

Souvenez-vous, au niveau de l’architecture verte, la Commission et le Parlement avaient soumis une proposition comprenant deux options pour l’enveloppe des éco-régimes : la première suggérait de leur consacrer 25 % du premier pilier sur toute la période 2023-2027, la seconde avançait le chiffre de 22 % en 2023 suivie d’une hausse allant jusqu’à 30 % en 2027. La Commission proposait quant à elle un seuil minimum de 20 %, avec la possibilité de transférer les fonds non dépensés vers d’autres paiements du premier pilier durant la « phase d’apprentissage » de deux ans. L’Exécutif proposait également de consacrer 40 % du budget du second pilier aux mesures agroenvironnementales avec une pondération de 40 % pour les dépenses en faveur des zones à handicap naturel et du bien-être animal.

L’écologisation rabotée

La Présidence portugaise, soutenue par les États membres, a mis une contre-proposition sur la table prévoyant 22 % par an pour les éco-régimes en 2023-2024 et 25 % à partir de 2025. Sauf que le Conseil a proposé d’établir un plancher à 18 % durant la « phase d’apprentissage », permettant ainsi aux pays de transférer les fonds non utilisés vers d’autres paiements directs. Irrecevable pour Éric Andrieu qui a toujours espéré que les éco-régimes ne descendraient pas en deçà des 30 % du budget alloué au 1er pilier. Comme nombre de ses collègues du Parlement, il s’inscrit par conséquent en faux contre une proposition qui verrait l’enveloppe dédiée à l’écologisation de l’agriculture passer de 30 % à 18 %.

Tensions autour des BCAE 8 et 9

Le débat se cristallise également autour des Bonnes pratiques agricoles et environnementales (BCAE), principalement la BCAE 8 qui, en l’état, exclut la diversification dans la rotation des cultures. Les eurodéputés veulent de leur côté y inclure les légumineuses et exempter les exploitations de moins de cinq hectares, tandis que les États membres veulent y réintégrer la diversification et des pratiques comme les cultures intermédiaires, et exempter les exploitations de moins de 10 hectares. La BCAE 9, qui concerne la part d’éléments non productifs sur une exploitation, tend également les débats. La Commission propose deux taux : 4 % minimum, ou 3 % pour les agriculteurs engagés pour au moins 5 % dans un éco-régime. Les ministres demandent un pourcentage minimal de 3 % des terres arables consacrées à des zones et éléments non productifs au niveau de chaque exploitation, ou 5 % si les cultures dérobées sont incluses. Pour les eurodéputés, ce sont 5 % des terres arables qui doivent être consacrées à des éléments non productifs, sur chaque exploitation mais également au niveau national.

Réserve de crise et article 188 bis

Au niveau du Règlement horizontal, la notion de réserve de crise fait également l’objet d’âpres discussions entre les différentes Institutions. Son montant devrait être d’au moins 250 millions € avec la possibilité d’y recourir avec davantage de flexibilité développe Éric Andrieu qui évoque dans la foulée le dossier de l’OCM et l’article 188 bis, soutenu par le Parlement, qui vise à refuser ou taxer les importations de produits agricoles ne respectant pas les exigences sanitaires et environnementales de l’UE. Il faut, indique-t-il, une harmonisation des règles environnementales et de santé concernant les importations.

Progrès sur la régulation des marchés

Le Parlement, se réjouit Éric Andrieu, a en revanche obtenu d’importantes concessions en matière de régulation des marchés avec l’élargissement des Observatoires à tous les secteurs permettant ainsi de déclencher des outils d’intervention en cas de crise dans l’un d’eux. Une satisfaction pour celui qui a toujours prôné un retrait obligatoire des produits en cas de crise grave. Avec ses collègues, le social-démocrate réclame l’intervention publique pour le secteur du sucre en élargissant le filet de sécurité et regrette que cela demeure un point de blocage avec le Conseil. Toujours au rayon des avancées positives, l’eurodéputé socialiste évoque enfin le renforcement des organisations (inter)professionnelles pour que l’amont soit moins atomisé face à un aval organisé.

Les limites de la Présidence tournante

Alors que se referme le chapitre portugais, Eric Andrieu porte un regard mitigé sur le système de la Présidence tournante. Les députés, explique-t-il, travaillent sur la réforme de la PAC depuis 2018 alors que le Conseil se renouvelle tous les six mois sans avoir parfois le temps de pleinement mesurer les enjeux d’un dossier aussi crucial que celui de la PAC pour lequel le Parlement a quant à lui élaboré une proposition solidement construite. Si les travaux ont grandement avancé sur le volet OCM lorsque que Maria do Ceu Antunes, la ministre portugaise de l’Agriculture a présidé les deux derniers trilogues, il en a été tout autrement lorsque c’est une personne issue de l’Administration représentant le Conseil qui est venue au-devant des députés regrette le social-démocrate français qui y voit là un problème de respect démocratique. Un administratif n’aura jamais la même légitimité qu’un politique insiste-t-il.

Une envie d’optimisme

Au moment où se dessine la ligne d’arrivée, l’eurodéputé originaire du Sud-Ouest cultive un certain optimisme, du moins, explique-t-il, si le Conseil arrive avec une proposition offrant une latitude à la négociation, notamment sur l’article 188 bis qu’il considère comme emblématique de la réforme. Il s’agit en effet de réciprocité, déroule Éric Andrieu, souhaitant que les agriculteurs européens, contraints de respecter certaines règles, puissent être respectés. Les produits qui leur sont interdits doivent également l’être pour ceux qui importent leurs productions sur le sol européen afin d’éviter toute concurrence déloyale. Ce dossier concerne également au premier chef les citoyens européens qui ne seront pas exposés aux denrées produites avec des pesticides bannis en Europe ponctue le social-démocrate en appelant à la justice et au respect du travail des agriculteurs. Et d’évoquer une nécessaire cohérence entre santé et biodiversité.

La conditionnalité sociale

Eric Andrieu aborde enfin la conditionnalité sociale, ligne rouge dessinée par le Groupe politique des sociaux-démocrates pour laquelle elle revêt une grande importance. Dans la mesure où l’on conditionne l’aide publique de la PAC à des mesures environnementales, il est légitime de la conditionner également au respect des droits des travailleurs dans les 27 Etats membres développe l’eurodéputé français en se félicitant que le Parlement ait pu faire plier le Conseil qui s’est même montré prêt à accompagner cette transition.

Une dernière PAC ?

Cette PAC-ci sera la dernière … On a encore en mémoire cette déclaration forte de l’eurodéputé socialiste faite en octobre 2020. Un an et demi plus tard, Eric Andrieu reste toujours extrêmement critique quant à la réforme qui est actuellement menée, lui qui regrette une déresponsabilisation européenne qui mènera inexorablement à une renationalisation de la politique agricole dont il faut désormais reconquérir le « c » de commune. L’issue dépendra du compromis final qui sera trouvé avec le Conseil, mais pour l’heure, elle offre aux Etats membres, par le biais des plans stratégiques nationaux, la possibilité de renationaliser cette politique phare de l’UE.

Le problème, pose Eric Andrieu, c’est que chaque ministre a sa propre lecture de la réforme. Et de prendre l’exemple du réchauffement climatique contre lequel l’UE a décidé de lutter en fixant un objectif de neutralité carbone en 2050. Sauf que pour y parvenir, explique le député, il faut un engagement de toutes les politiques publiques en faveur d’une réduction des gaz à effet de serre. Or la PAC, qui est l’une des principales, n’arrive pas à mettre en adéquation les moyens et les objectifs pour y parvenir. Pire, certains Etats membres refusent de mettre en lien leurs plans stratégiques avec les composantes du Pacte Vert.

Plus généralement explique Eric Andrieu, il faut des règles communes pour discuter avec la Chine, la Russie ou les Etats -Unis. Aller au front en ordre dispersé nous fragilisera au sein de l’OMC conclut l’eurodéputé français dont le discours est toujours empreint de doute quant à l’avenir commun de la politique agricole européenne.

Marie-France Vienne

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