
Il a rappelé les deux priorités politiques de la présidence française. La première concerne la réciprocité des normes d’une part pour s’inscrire dans la transition agroécologique, de l’autre « pour assurer la sécurité alimentaire de nos propres États membres dès lors que les producteurs européens font face à la concurrence de ceux qui ne respectent pas les normes de production définis en Europe ».
« C’est la pérennité même de nos agriculteurs qui est questionnée »
Agriculture bas carbone, une opportunité qui questionne
La seconde priorité politique recouvre « l’agriculture bas carbone » partagée par l’ensemble des États membres. Il s’agira, au travers de la PAC, mais aussi d’un dispositif de certification de la séquestration de carbone agricole, d’inciter les agriculteurs et forestiers à s’y engager. Sachant que les détails ne seront connus qu’en fin d’année, la France entend donc faire adopter en mars ou avril des conclusions des ministres européens de l’Agriculture… qui se posent beaucoup de questions sur la mise en œuvre concrète du futur dispositif. Et ce, même si sur le principe tout le monde est d’accord : l’agriculture bas carbone est une opportunité pour les agriculteurs européens. Mais plusieurs ministres ont exprimé leurs inquiétudes pour la production alimentaire. D’autres ont évoqué les risques de surcharge administrative. Et beaucoup s’interrogent sur la méthode de comptabilisation : comment prendre en compte les spécificités locales, comment valoriser les actions déjà entreprises quand certains évoquent également la vente de crédits carbone. « C’est le secteur agricole qui doit profiter de ces crédits, pas les grandes entreprises qui viendraient compenser leurs émissions » a d’ailleurs prévenu notre pays.
Pour le commissaire Wojciechowki, « la nouvelle PAC pourra favoriser l’accès aux services de conseil et financer plusieurs coûts inhérents aux programmes et pratiques d’agriculture bas carbone, réduisant ainsi les risques pour les agriculteurs », même s’il a admis que la communication n’était « qu’une ébauche générale ». Il a promis d’apporter prochainement des éléments de réponse détaillés à ces interrogations, tout d’abord dans le cadre d’une conférence qui se tiendra le 31 janvier, ensuite lors de la réunion informelle des ministres de l’Agriculture du 6 au 8 février à Strasbourg. Des éclaircissements qui seront les bienvenus en vue de l’adoption de conclusions par le conseil d’ici le mois d’avril.
Secteur porcin : la commission se positionne timidement
Cela fait de longs mois que les États membres alertent la commission quant à la difficile situation que traverse le secteur porcin, et, dans une mesure moindre, celui de la volaille.
Le commissaire Wojciechowski, fidèle à lui-même, a fait savoir que des signes de reprise se faisaient sentir avec une « évolution positive des prix de la viande de porc en Europe, en particulier pour les porcelets. La demande de porcelets montre la confiance des producteurs dans l’avenir ». Et de rajouter que « les prix des carcasses de porcs ont atteint leur plus bas niveau en novembre et ont commencé à augmenter juste avant Noël, et cette tendance s’est poursuivie en janvier. C’est encourageant, car dans le cycle normal de production, les prix chutent à cette période de l’année avant de remonter au printemps », veut-il croire.
Il a rappelé les mesures nationales qui pouvaient déjà être mises en place : programmes de développement rural, aides au titre du règlement de minimis, aides d’État… Et lorsque les difficultés peuvent être liées à la pandémie de Covid-19, le cadre temporaire d’aides exceptionnelles récemment prolongé peut également offrir des possibilités, a conclu M. Wojciechowski.
S’il reconnaît du bout des lèvres les difficultés du secteur, il a fait savoir que l’intervention n’était pas la solution appropriée compte tenu de la concentration du secteur européen : 30.000 des 500.000 éleveurs de porc de l’UE sont à l’origine à eux seuls de 75 % de la production. Il a néanmoins décidé de proposer, d’ici la fin de ce mois, un catalogue de mesures possibles.
La question épineuse du prix de l’énergie et des engrais
Concernant les autres secteurs, la commission a estimé que les tendances générales des marchés agricoles étaient positives avec des prix à la production à des niveaux globalement rentables pour les producteurs de céréales, fruits et légumes et de viande bovine. Le commissaire Wojciechowski a néanmoins avoué que la question des prix et de la disponibilité des engrais « préoccupait beaucoup la commission ». L’énergie et les engrais représentent en moyenne environ 20 % des coûts des agriculteurs de l’UE. Or, leur prix a bondi ces derniers mois : l’indice des engrais de la Banque mondiale pour novembre 2021 était supérieur de 165 % à celui de novembre 2020. Et l’augmentation des coûts de fret, notamment en ce qui concerne les conteneurs, a aussi un impact indirect sur les agriculteurs. « Tôt ou tard, ces coûts supplémentaires pourraient être répercutés sur les consommateurs lesquels sont déjà mis à mal par les prix élevés de l’énergie. Ajouter à cela des prix alimentaires plus élevés pourrait conduire à une situation délicate », souligne le commissaire qui a indiqué avoir « déjà demandé que la situation des engrais soit le premier sujet de discussion de notre nouveau groupe d’experts du mécanisme européen de crise de la sécurité alimentaire, que nous avons convenu d’établir en décembre ».
