les marchés ouverts

Face aux risques de pénurie alimentaire et à la forte hausse des prix des produits agricoles et des intrants (engrais) liés au conflit russo-ukrainien, les ministres de l’Agriculture du G7 (Allemagne, France, États-Unis, Japon, Canada, Royaume-Uni, Italie), ont appelé dans une déclaration commune mi-mars, à l’issue d’une réunion informelle extraordinaire (organisée d’urgence par la présidence allemande et à laquelle était invité le ministre ukrainien de l’Agriculture, Roman Leshchenko), « tous les pays à maintenir ouverts leurs marchés alimentaires et agricoles et à se prémunir contre toute mesure restrictive injustifiée sur leurs exportations ».
Ils soulignent qu’« une nouvelle augmentation des niveaux de prix des denrées alimentaires et de la volatilité des marchés internationaux pourrait menacer la sécurité alimentaire et la nutrition à l’échelle mondiale » et préviennent qu’« ils ne toléreront pas des prix artificiellement gonflés qui pourraient diminuer la disponibilité des produits alimentaires et agricoles ».
Assurer l’aide alimentaire
À l’issue de la réunion, le ministre allemand de l’Agriculture, Cem Özdemir, a déclaré lors d’un point de presse que « l’autre objectif est de soutenir les agriculteurs, afin qu’ils puissent produire de la nourriture. Nous travaillons ensemble sur le problème du transport des céréales et des intrants ».
Sur ce point, les ministres de l’Agriculture ont appelé « les organisations internationales à soutenir la production alimentaire en Ukraine et à assurer la sécurité alimentaire dans les zones touchées ». Ils demandent également à « la Fao tout comme au G20 via le Système d’information sur les marchés agricoles (Amis) de procéder à une mise à jour régulière des données sur l’évolution des marchés alimentaires mondiaux ». Enfin, les ministres ont assuré qu’« ils s’efforceront de coordonner les mesures qu’ils prendront afin d’assurer la sécurité alimentaire et la stabilité des marchés ».
Concernant l’Union européenne, Cem Özdemir a rappelé qu’« il n’y avait aucune menace de pénurie alimentaire, ni en Allemagne ni dans les autres pays de l’UE puisque des mesures sont prises pour stabiliser les marchés et faire en sorte que les aliments restent abordables ». Par ailleurs, il a également souligné que « l’aide à l’Ukraine ne signifierait pas l’abandon des ambitions en matière de climat et de biodiversité, la catastrophe climatique et l’extinction des espèces sont des problèmes réels que nous devons résoudre ».
« Et quiconque se soucie réellement de la sécurité alimentaire protège les ressources dont l’agriculture a besoin pour pouvoir produire bien et en quantité suffisante », a-t-il insisté. Avant de prévenir que « les famines déclenchées par l’impact des crises climatiques et des conflits violents, sont déjà fréquentes dans de nombreuses régions du monde. Il est donc important que nous ne jouions pas une crise contre une autre, ce n’est ni sage ni efficace ».
« Éviter des réponses politiques au cas par cas »
Présent également lors de cette réunion informelle, le directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao), Qu Dongyu a, lui aussi, appelé « à maintenir le commerce mondial des aliments et des engrais ouverts. À cette fin, les chaînes d’approvisionnement doivent rester actives, ce qui veut dire préserver les cultures sur pied, les animaux d’élevage, les infrastructures de transformation des aliments et tous les dispositifs logistiques ».
Avant d’ajouter qu’« il était important d’éviter des réponses politiques au cas par cas ». « La réduction des droits de douane à l’importation ou le recours à des restrictions à l’exportation, pourraient aider à résoudre les problèmes de sécurité alimentaire d’un pays donné à court terme, mais ces mesures ne manqueraient pas d’entraîner une hausse des prix sur les marchés mondiaux », a-t-il prévenu.
Il invite également « les pays tributaires d’importations de denrées alimentaires en provenance de Russie et d’Ukraine à trouver de nouveaux fournisseurs et plus diversifiés en vue d’assurer à leur population l’accès à une alimentation saine ».
En réponse à la demande des ministres sur le besoin de renforcer la transparence du marché et le dialogue, le directeur de la Fao a indiqué que « le Forum de réponse rapide de l’Amis constitue une excellente plateforme pour le dialogue politique et la coordination des réponses en période d’incertitude des marchés agricoles ».
Guerre en Ukraine : les propositions du CCFD pour éviter les famines
« Nous nous dirigeons vers l’une des pires crises alimentaires », prévient Valentin Brochard, chargé de plaidoyer souveraineté alimentaire au CCFD-Terre solidaire. Comme il le rappelle, la guerre lancée par la Russie intervient dans un contexte de hausse continue du nombre de personnes en insécurité alimentaire depuis plusieurs années. Un phénomène aggravé depuis 2020 par les turbulences économiques créées par la pandémie de Covid-19 et par la hausse des matières première liée à la crise sanitaire ou à des événements climatiques extrêmes.
Pour éviter la catastrophe au Liban, en Égypte ou en Érythrée – qui dépendent tous à plus de 70 % du blé russe ou ukrainien selon la Fao –, le CCFD souhaiterait que la communauté internationale s’accorde pour offrir « une réponse politique orchestrée ». Sécurité alimentaire pour la zone de conflit, évaluation des stocks publics et privés de céréales, réactivation de la suspension de dette pour les pays les plus pauvres : « La France doit de toute urgence saisir le Comité sur la sécurité alimentaire mondiale », alerte Valentin Brochard. Cette instance internationale, rappelle-t-il, n’a aucun pouvoir de décision, mais elle pourrait faciliter la coordination des mesures entre États et entreprises.
