disparaissent, l’ensemble
de la filière en sera affecté »

Face à ce constat interpellant, voire inquiétant, les quatre acteurs du secteur que sont la Raffinerie Tirlemontoise, Iscal Sugar, la Confédération des betteraviers belges (Cbb) et l’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave (Irbab) ne restent pas les bras croisés. Ensemble, ils souhaitent chercher des solutions économiques, agronomiques et sociétales en vue d’assurer la pérennité de l’ensemble de la filière.
Cela s’est traduit par l’organisation de la conférence « Plan B(etterave) » le 14 décembre dernier, lors de laquelle l’importance de garantir les revenus de tous les acteurs, qu’ils soient betteraviers ou industriels, a été abordée par Jean-Paul Vanelderen, président du Verbond van Vlaamse Suikerbietplanters et du CoCo Hesbaye, Robert Torck, Ceo d’Iscal Sugar, Bruno De Wulf, secrétaire général de la Cbb, et Marine Raffray, économiste auprès des Chambres d’agriculture françaises.
Assurer l’avenir, grâce à la demande et aux prix
Et Robert Torck d’entamer les discussions en posant que « le futur du secteur betteravier dépendra fortement de l’avenir qui se présentera au sucre lui-même ». Il se veut néanmoins confiant. En effet, en tant que patron d’une sucrerie, il constate que les besoins en sucre des chocolatiers et biscuitiers progressent, ce qui est de bon augure pour la filière.
Le contexte financier actuel leur serait également favorable. « Entre 2017, année marquée par la fin des quotas, et 2020, le climat n’était pas porteur en Europe, en témoignent les prix du sucre. Ceux-ci remontent depuis plusieurs mois, laissant présager un avenir meilleur », enchaîne Marine Raffray.
Cependant, une inconnue demeure : quel sera le comportement des agriculteurs ? Si les prix du sucre sont en
Par ailleurs, le conflit russo-ukrainien rappelle l’importance d’assurer notre indépendance alimentaire. « La betterave est, à ce titre, une culture d’importance stratégique car l’Europe n’est actuellement pas autosuffisante en sucre. 100.000 t d’« or blanc » doivent être importées chaque année et ce chiffre progresse. » Les surfaces betteravières devront nécessairement croître si l’on souhaite tendre vers l’indépendance totale. Alors que des opportunités se dessinent, celles-ci reculent en Belgique…
Des payements trop tardifs ?
En tant que représentant des planteurs, Jean-Paul Vanelderen apporte quelques nuances. « Pour nous, la culture de la betterave est particulière. Le prix définitif qui sera payé aux agriculteurs n’est connu que plusieurs mois après les derniers arrachages, alors que les semis de la campagne suivante ont déjà eu lieu. Il est toujours difficile d’envisager l’avenir et de s’engager à accroître les emblavements quand la rétribution exacte qui nous sera versée demeure inconnue… », déplore-t-il. De ce fait, la betterave souffre d’une certaine concurrence : des agriculteurs s’orientent vers des cultures rémunérées plus rapidement.
M. Vanelderen est donc convaincu qu’un prix minimum doit être fixé, avec une possible correction à la hausse selon le prix du sucre. « Fonctionner de la sorte est nécessaire. Cela permet aux planteurs d’avoir une vision à plus long terme sur leurs finances mais aussi de couvrir leurs investissements et engagements. »
Bruno De Wulf, pour sa part, va plus loin : « Les risques sont trop importants pour les planteurs, pour qui la culture perd également en rentabilité. Si l’on s’intéresse aux céréales, le recours au marché à terme peut être un gage de sécurité… Il devient nécessaire de réfléchir à une nouvelle manière de contractualiser les relations entre les agriculteurs et les usines, tout en gardant le prix du sucre comme référence ».
Approvisionnement et transformation : l’un ne va pas sans l’autre
La Cbb, par la voix de son secrétaire général, estime encore que les outils industriels présents en Belgique doivent y rester en vue d’assurer un avenir à la filière. Mais, pour ce faire, il faut que l’approvisionnement en racines demeure suffisant. On le voit, l’un ne va pas sans l’autre…
« Les planteurs investissent dans les sucreries et garantissent la livraison d’une quantité de betteraves préalablement concertée. La participation des planteurs, et les droits de livraison qui y sont associés, assure la stabilité de la filière. Il ne faut pas oublier le rôle majeur que jouent les agriculteurs. »
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Faire table rase du passé
Un appel qu’entend Robert Torck et qui semble légitime, tant le marché du sucre a évolué en l’espace d’une décennie. Ce dernier laisse même entrevoir une ouverture, estimant qu’il est temps de réfléchir à une révision du mode de fixation des contrats et des prix. À une condition : faire table rase du passé, regarder vers l’avenir et convier l’ensemble des acteurs autour de la table pour discuter des solutions envisageables.
« Pour avoir travaillé dans le monde de la biscuiterie, je peux affirmer que l’industrie a besoin du sucre. Les recettes actuelles ne donnent pas satisfaction lorsqu’elles sont réalisées sans sucre ou à l’aide de sucres alternatifs. Si demain les planteurs disparaissent, l’ensemble de la filière en sera affecté », complète-t-il. C’est dire le rôle majeur que joue le premier maillon de la chaîne.
Des importations seraient toujours possibles, que ce soit en provenance d’Inde ou du Brésil, qui sont respectivement les premier et second producteurs mondiaux de sucre. « Mais à quel coût ? Et avec quel impact sur notre environnement ? », interroge-t-il encore. Et d’affirmer : « L’industrie ne peut se passer des betteraviers. Le temps des prix bas est révolu ; une rémunération correcte doit s’inscrire dans le temps. »
Face à l’ascension des coûts de production
La hausse des prix maintes fois évoquée est toutefois contrebalancée par l’ascension fulgurante des coûts de production. Produits de protection des plantes, engrais, carburant, salaire, gaz, électricité… Aucun poste n’est épargné ! « Je préfère ne pas imaginer quelle serait la situation si les prix du sucre et de la betterave n’avaient pas suivi la même tendance… », commente Jean-Paul Vanelderen.
Il déplore cependant que l’industrie sollicite les betteraviers de manière accrue, par le biais d’une contribution énergétique impossible à répercuter. Résultat : ils la prennent à leur charge. Avant de relativiser : « Ce n’est pas la première crise que nous traversons… Les planteurs sont inventifs et s’en sortiront une nouvelle fois… pour autant que tous les maillons travaillent main dans la main ».
M. Torck lui répond : « Indéniablement, le coût de l’énergie est un problème. Mais c’est aussi une opportunité de réfléchir à notre consommation énergétique et d’envisager tous les moyens de la réduire ». Voire de diminuer la dépendance aux énergies fossiles, en ayant recours à des alternatives. L’industrie sucrière y voit également une possibilité de réduire ses émissions de CO2.
La pulpe, un atout énergétique ?
« Les prix de l’énergie devraient rester élevés durant les prochains mois. Cependant, la filière pourrait gagner en autonomie en valorisant les pulpes en biométhanisation. D’une part, il y aurait production de gaz à destination de la sucrerie ; d’autre part, le digestat constituerait un amendement intéressant au moment où les prix des engrais azotés s’envolent », ajoute Marine Raffray. Cela, au côté des écumes de sucrerie déjà valorisées au champ.
Se pose néanmoins la question d’une éventuelle concurrence avec les besoins des éleveurs pour qui les pulpes demeurent un aliment indispensable. Ainsi, si les betteraviers ne s’opposent pas à l’utilisation de ce coproduit par les sucreries, ils souhaitent qu’il reste disponible pour les éleveurs. « Ou, au minimum, pour ceux qui sont également planteurs », insiste Bruno de Wulf.
Avec fierté !
