Ces éléments sont ensuite introduits dans différents outils scientifiques élaborés par des structures indépendantes et externes au projet « C’Durable ».
Il s’agit de l’Asbl Natagriwal pour tout ce qui touche à l’impact de la ferme sur la biodiversité, des exigences du label néerlandais « Better Leven » qui a été adapté au contexte wallon pour ce qui a trait au bien-être animal.
Quant aux indicateurs relatifs au climat, Fannie Jenot se réfère à l’outil DECiDE développé par le Cra-w pour réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre de l’exploitation. Enfin, elle propose un indicateur de résilience économique qui se base sur la comptabilité de gestion des agriculteurs.
Une quarantaine d’éleveurs wallons passés sous la loupe
Tous les résultats leur sont fournis lors du second passage en ferme, et ce sont eux qui décident s’ils souhaitent communiquer, ou non, les résultats de leur score, « qui n’est pas un label » précise Fannie Jenot, « car on ne se base pas sur un cahier des charges ou une charte, mais bien sur les données techniques de l’exploitation ».
Au jour d’aujourd’hui, une quarantaine d’éleveurs, dont la moitié est en circuit court, ont été diagnostiqués. Quinze d’entre eux sont accompagnés dans l’affichage de leur score environnemental sur leurs produits.
L’exemple de la Ferme d’Esclaye à Beauraing
À Beauraing, Marc-André Henin, éleveur et producteur de beurre et de fromage, fait partie de ceux-là.
Sur les 110 hectares de la Ferme d’Esclaye, en bio depuis 2009, il travaille avec son frère, sa sœur et son père. L’exploitation compte une centaine de bovins, des Holstein et des Montbéliardes, produit 350.000 litres de lait et perçoit environ 55.000€ de primes par an.
Le site compte 8km de haies et de bandes boisées, cinq mares et 10 % de la surface cultivées sont en haute valeur biologique avec des milieux forestiers, des milieux secs, d’autres humides.
Marc-André se dit fier d’avoir intégré l’initiative « C’Durable » car les résultats obtenus lors du diagnostic reflètent quinze années de travail. Il est aussi le fruit du labeur fourni par les générations qui se sont succédé sur l’exploitation familiale.
« Nous avons obtenu une très bonne cote pour la biodiversité que nous projetons encore d’améliorer » déroule Marc-André qui vient de planter 56 arbres fruitiers et s’apprête à implanter 1.400 mètres de haies. Il envisage aussi de réduire la taille de ses parcelles tout en les diversifiant.
Après des panneaux solaires pour la production d’eau chaude, il prévoit l’installation, en 2023, de 132 panneaux photovoltaïques tandis qu’il a totalement modifié la gestion de la ferme pour l’adapter à la répétition des sécheresses.
« Selon nos estimations, nous devrions réduire cette année notre impact climat de 30 % à 50 % ».
En termes de bien-être animal, il aimerait encore améliorer les conditions de vie et d’élevage des veaux laitiers, et, surtout, de devenir l’une des premières exploitations wallonnes à expérimenter l’abattage à la ferme.
À terme, l’éleveur aimerait assurer à 100 % des animaux nés à la ferme d’y rester de leur naissance jusqu’à leur mort.
« Du point de vue humain, nous gagnons notre vie dont la qualité est acceptable » ponctue-t-il.
S’il s’est engagé dans cette démarche, c’est parce qu’il pense que l’agriculture a un rôle à jouer dans l’urgence climatique.
« C’Durable » propose, selon lui, une approche très complète qui englobe, le concernant, « un bon millier de données qui ont été collectées au niveau de la ferme dont plus de 95 % ne représentent normalement pas grosse charge de travail supplémentaire pour les agriculteurs ».
Pour Marc-André Henin, devenir une ferme durable ne nécessite finalement pas de beaucoup de primes.
Un soutien à la relocalisation de l’alimentation
Le lancement officiel du score « C’Durable » a par ailleurs été l’occasion de rappeler, par la voix de la ministre wallonne de l’Environnement Céline Tellier, que le gouvernement wallon soutient activement la relocalisation de l’alimentation.
Tout d’abord à travers un premier appel à projet en 2020 qui a permis de soutenir 46 initiatives pour un montant total de 12 millions € avec un accompagnement d’une durée de trois ans.
Cet appel a en outre permis la création du « Comptoir Paysan », un magasin bio né à l’initiative de six agriculteurs bio habitant dans un rayon de moins de 10km de Beauraing, qui bénéficie de l’aide de « La Calestienne », une entreprise beaurinoise de formation par le travail.
La Wallonie soutient également le développement de cultures et de filières plus adaptées au changement climatique (protéines végétales, huile de tournesol, céréales panifiables, orge brassicole…).
Certains projets portent sur la résilience à l’échelle du verger, mais aussi sur un travail au niveau du gaspillage alimentaire, de la valorisation des invendus, des conserveries inclusives.
La région s’est par ailleurs ouverte à des projets à dimension sociale afin de permettre un accès à l’alimentation durable pour tous. Ce sont aussi des espaces et des moments d’échanges de bonnes pratiques entre les producteurs.
Enfin, la finalité de ces appels à projets consiste à favoriser l’approvisionnement en produits locaux et l’accès à la terre, la création de centrales d’achats. Des projets qui sont menés avec l’aide de la cellule « Manger Demain ».
Fidélisation et information des consommateurs
45 millions € ont été dégagés dans le cadre du Plan de relance pour soutenir des infrastructures et la structuration de filières (fruits, légumes, céréales, protéines) qui ont un important potentiel de développement en région wallonne.
Le gouvernement met l’accent sur les achats en circuit court, le vrac, le bio et s’apprête à mettre en place des outils favorisant la fidélisation de la clientèle aux producteurs locaux en prenant sa part dans le différentiel de prix « lorsque ce sera possible » a annoncé la ministre Tellier qui a évoqué toute l’importance de l’information aux consommateurs pour les aider à s’y retrouver parmi les différents labels existant sur le marché.
« C’Durable » est particulièrement intéressant en raison de son approche transversale « qui met en avant l’ensemble des services que peut rendre une exploitation agricole à la biodiversité, au climat, au bien-être animal ».
La prochaine étape sera de faire connaître ce score, un outil concret qui semble déjà rencontrer un intérêt croissant de la part des producteurs wallons pour continuer à s’inscrire dans un modèle d’agriculture familiale qui doit faire face à la difficile concurrence internationale dans un contexte d’inflation de prix que l’on connaît actuellement.
À celles et ceux qui souhaiteraient embrasser cette démarche, trouver des producteurs ou tout simplement contacter les acteurs de « C’Durable », le site web www.c-durable.be leur fournira toutes les informations.
Marie-France Vienne