
Prairies naturelles : un succès loin des sommets d’antan
La Maec « prairies naturelles », qui stagnait depuis de nombreuses années, a rencontré un nouveau succès avec 500 ha de plus en 2023. On constate cependant que l’on est très loin d’atteindre les 15.000 ha qu’elle a couverts lors de ses meilleurs jours (figure 1). L’objectif de la Région wallonne pour 2028, fixé à 13.000 ha, est aussi resté bien en deçà de ce « sommet » d’il y a plus de dix ans.
C’est une mesure d’appel pour laquelle Natagriwal a montré qu’il y avait une forte rotation de parcelles y entrant et en sortant. Un « turn-over » de 50 à 60 % en 7 années réduit grandement son efficacité pour soutenir la biodiversité. La priorité est donc de maintenir sous contrat les parcelles engagées et ce, avant d’accroître fortement les surfaces.
Pour cela, il a été suggéré d’augmenter la rémunération, qui ne représente que 41 % des pertes économiques moyennes calculées. Il faudrait également mieux valoriser les contrats successifs et les parcelles comprenant une mare ou une longueur conséquente de haies vives. Dans toutes ces situations plus favorables pour la biodiversité, des paiements s’additionnant sur les mêmes surfaces accroîtraient l’intérêt de poursuivre les contrats à long terme aux mêmes endroits.
La prairie de haute valeur biologique peine à séduire
C’est particulièrement interpellant puisque la Région wallonne a défini, en 2019, un objectif de couverture de 46.000 ha de prairies extensives essentiellement via cette mesure dans son « Cadre d’action prioritaire » pour la réalisation des objectifs de conservation de la biodiversité de Natura 2000. Celui-ci a été ramené, dans le cadre du plan stratégique de la politique agricole commune, à 15.000 ha pour les prairies de haute valeur biologique. Le coup d’arrêt actuel au succès de la mesure retire pratiquement toute chance d’atteindre cet objectif sans ambition par rapport aux besoins.
Les principales solutions aux effets complémentaires pour inverser la tendance ont déjà souvent été évoquées et peuvent être résumées en trois points.
Enfin, en relation avec ce progrès, il est indispensable de supprimer les causes du ressenti négatif qu’ont la plupart des cultivateurs des conditions et des conséquences, tant administratives que financières, liées aux contrôles des Maec. Il faudrait cesser de remettre en cause en permanence l’admissibilité des surfaces sous prétexte qu’elles abritent une trop grande diversité de couverts ou une trop grande densité d’éléments de maillage écologique, tels les buissons souvent qualifiés de « broussailles » (lire par ailleurs).
Autonomie fourragère : de nombreuses fermes éligibles ne s’engagent pas
L’objectif pour les deux variantes de la mesure, pour 2028, reste modestement au niveau de celui de 2020 soit 74.000 ha (moins d’un quart des prairies permanentes de Wallonie) (figure 2).
L’attrait retrouvé l’an dernier pour cette mesure est une bonne nouvelle. Elle est nette pour la variante la moins intensive. Par contre l’autre stagne depuis 4 ans. Le Service Public de Wallonie a montré que le potentiel était encore très élevé dans les deux cas. Seulement un tiers des fermes qui pourraient bénéficier de la variante la moins intensive sont effectivement engagées. Pour l’autre, qui progresse le moins, c’est seulement un quart des fermes éligibles qui sont sous contrat.
On n’a pas identifié les réticences des agriculteurs à y faire davantage appel. On sait, par contre, qu’elle est bien utilisée par les élevages bio dont elle renforce la viabilité économique. 43 % des prairies permanentes bio bénéficiaient aussi de la Maec en 2017, selon Natagriwal. L’évolution positive de l’agriculture biologique étant fortement freinée, on peut craindre que cela impacte négativement aussi celle de la Maec « autonomie fourragère ». C’est peut-être une des raisons de la stagnation d’une des variantes depuis 2020.
Actuellement, les fermes aux charges inférieures à 1,4 UGB/ha de superficies fourragères sont proportionnellement moins soutenues qu’avant 2022. La différence par rapport aux autres prairies a, en effet, diminué suite à la réduction de moitié du paiement à l’hectare. Ce constat est tiré lorsqu’on additionne tous les paiements qui encouragent au maintien des prairies permanentes dans le plan stratégique via les écorégimes et la Maec spécifique. C’est une évolution dommageable eu égard aux pressions bien plus réduites sur l’environnement et le climat exercées par les fermes les plus extensives.
Université catholique de Louvain
