Faire rimer rentabilité et environnement c’est possible pour les éleveurs laitiers wallons!


L’agronome a principalement étudié l’élevage laitier et sa contribution à la sécurité alimentaire, en mettant en lumière comment les fermes wallonnes s’inscrivent dans une démarche de durabilité. « Des études sont menées sur l’autonomie, le bilan azoté… Chaque fois, on parvient à identifier les meilleures exploitations, mais dans une thématique bien définie. Cela ne signifie pas qu’elles sont performantes sur tous les aspects. Par exemple, une exploitation avec une forte contribution à la sécurité alimentaire peut être relativement intensive, utiliser beaucoup d’azote et fertiliser abondamment ses prairies. Nous avons donc cherché à déterminer s’il était possible d’être performant sur différents aspects en même temps ».
Donner la parole aux acteurs de l’élevage
Pour se lancer dans ce travail, Caroline Battheu-Noirfalise s’est appuyée sur des informations objectives, à savoir les données comptables de 209 fermes wallonnes, qu’elles soient biologiques ou conventionnelles, de petites, moyennes ou grandes surfaces, et robotisées ou non. Elle a ainsi constitué un panel représentatif du paysage agricole, étudié sur trois années : 2018, 2019 et 2020. « Ce qui est super, c’est que ces informations sont mises à jour chaque année. Mon travail peut se poursuivre de manière continue », commente la chercheuse.
À partir de ces données, elle a réussi à identifier 32 indicateurs de durabilité couvrant les aspects économiques, de la sécurité alimentaire, environnementaux et sociaux. Citons les émissions de gaz à effet de serre, le bilan azoté, les coûts vétérinaires, de production, la transmissibilité ou encore l’utilisation de pesticides. Une fois cette première étape achevée, elle a demandé l’avis du secteur de l’élevage. Plus d’une vingtaine d’acteurs, issus de syndicats agricoles, du monde de la recherche, de services d’accompagnement pour éleveurs…, ont participé à plusieurs réunions. Leur mission : donner un poids à chacun des indicateurs. « Nous avons constaté que les volets de la sécurité alimentaire et de l’économie ressortent comme étant prioritaires. Viennent ensuite l’environnement puis l’aspect social ».
Ensuite, les 209 fermes ont été passées au crible grâce à un algorithme de classement intégrant ces indicateurs. L’objectif ? Classer les exploitations les plus durables de manière totalement impartiale. « Cet outil ne permet pas de compenser une très mauvaise performance dans un domaine par une très bonne dans un autre. Il impose un équilibre entre les différents aspects de la durabilité ». Par exemple, une exploitation qui utilise beaucoup de protéines importées dans les rations des animaux ne pourra pas compenser cet aspect par une bonne performance économique ou une faible émission de gaz à effet de serre.
Miser sur les prairies, l’autonomie, saupoudré par une bonne gestion
Au final, ces établissements ont été classés en quatre catégories distinctes : du premier groupe, avec les fermes les plus performantes en termes de durabilité, au quatrième groupe qui rassemble les exploitations rencontrant le plus de difficultés. « Ce qui est vraiment intéressant, c’est que le premier groupe cumule de bons points dans de nombreux domaines différents. Beaucoup pensent qu’il est impossible d’être à la fois performant économiquement et écologiquement… Ce classement prouve le contraire ! », explique-t-elle.
Alors, quelles fermes parviennent à tirer leur épingle du jeu ? « Si l’on caractérise les exploitations laitières avec les meilleurs résultats, il s’agit de celles avec des rendements élevés en prairie, soit un grand nombre de pâtures productives, peu de maïs ensilage et de concentrés par litre de lait, avec une faible teneur protéique pour ses concentrés. Si possible, elles utilisent moins de soja et privilégient des coproduits de céréales produits localement ». En résumé, ce sont des exploitations axées sur le pâturage et favorisant l’autonomie pour l’alimentation de leurs animaux. À l’inverse, les fermes de plus grande taille sont souvent parmi les moins durables. « Un paramètre important concerne aussi la gestion de l’élevage, notamment le nombre de génisses par vache laitière. Il est donc essentiel d’adopter une réflexion pour augmenter la longévité des animaux. »
Les conclusions de cette recherche soulignent également deux paramètres sans impact significatif sur les performances en termes de durabilité : l’âge au premier vêlage et la productivité laitière par vache. En effet, les deux « meilleurs élèves » du classement sont, d’une part, un éleveur produisant 5.000 l de lait sans pratiquement aucun concentré (voir ci-contre), et, d’autre part, un éleveur atteignant 8.000 l et ayant accès à des coproduits biologiques. Leur point commun : tous deux privilégient le pâturage et sont certifiés bio. D’ailleurs, 32 % des exploitations du premier groupe (meilleures performances) et 19 % du deuxième groupe possèdent cette certification. « Cela s’explique par le cahier des charges bio et ses restrictions, notamment sur l’utilisation de l’azote de synthèse et les pesticides ».
Une marge de liberté économique pour être durable
Parallèlement à ce classement, Caroline Battheu-Noirfalise a mené des entretiens avec le groupe de travail, une occasion de leur présenter les résultats et de recueillir leurs préoccupations principales. L’une des grandes thématiques soulevées concernait l’accès à la terre, une question centrale pour le secteur agricole. « Lorsque les éleveurs doivent investir des montants très élevés dans l’acquisition de terres, cela les pousse à adopter des systèmes très intensifs pour assurer leur rentabilité et couvrir ces frais. Ils se retrouvent dans une spirale, avec davantage de concentrés, de fertilisants, etc. Si l’on souhaite encourager un élevage durable, il faut offrir aux agriculteurs une marge de liberté économique », souligne-t-elle.
Les agriculteurs wallons disposent ainsi de nombreux atouts pour s’engager davantage dans la durabilité, mais seulement à condition de disposer de tous les leviers nécessaires pour y parvenir, et notamment, en valorisant les organismes de conseil !