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À la recherche du lapin bleu

Temps de lecture : 3 min

Ah ! quelle révélation, il existait bien des lapins bleus ! Enfin, c’est ce que m’assurait ma mère en qui j’avais toute confiance. Ce jeudi après-midi, nous partirions toutes les deux sur le même vélo choisir un lapin bleu que détenait Guillemine, du Thier de Meuse.

Elle avait les plus beaux lapins du village. Sur mon banc d’école, j’étais si impatiente que j’en étais distraite. De quel bleu serait fait ce lapin ? Couleur de ciel ou de Méditerranée, bleu lagon, bleu électrique ou bleu canard, bleu outremer, bleu ? C’était un véritable supplice pour l’enragée des tons et des nuances que j’étais.

Le doute

J’avais quand même un doute sur la nuance car des lapins bleus, je n’en avais jamais vu, ni en vrai, ni dans les livres d’images. Ne dit-on pas pour quelque chose d’extrêmement rare : « plus rare qu’un chien bleu » ? Chien bleu, lapin bleu, c’est kif-kif bourricot. J’étais vraiment partagée entre la certitude que ma mère – ma référence de prédilection mais facétieuse en diable – m’assurait et mon fors intérieur qui m’invitait à de sérieuses réserves.

Une grotte de Lourdes, dans le village

Ouf, j’allais enfin pouvoir satisfaire ma curiosité. Guillemine était une femme comme un arbre et qui maçonnait comme un homme. Elle avait construit chez elle, contre un pignon ; une grotte qui faisait penser à celle de Lourdes. Et elle en construisait chez les gens. C’était constitué de mâchefers, ces concrétions toutes rougeoyantes, résidus de la combustion du charbon dans les poêles domestiques et qui s’éteignaient dans une tine de métal avant stockage. Ces mâchefers étaient artistiquement maçonnés avec du mortier. On recyclait tout dans les années 50.

Aujourd’hui, je trouve ces ouvrages terriblement kitsch. Chez Guillemine et son mari, il y avait en plus des nombreux lapins, un Loulou de Poméranie blanc comme neige. Venait-il d’un cirque ou ses maîtres avaient-ils eu l’art patient de le dresser ? Toujours est-il que moi à huit ans, je pensais que Rubis était savant. Je l’avais félicité après ses tours en lui serrant la patte et en le congratulant ainsi : « je t’félicite Rubis ! ». Il n’y avait rien de drôle pourtant mais la petite assemblée avait pouffé de rire.

Voilà, on y était. Mon cœur battait la chamade. De quel bleu étaient faits ses lapins ? On ouvrit des clapiers remplis de paille fraîche dans lesquels bondissaient des lapins magnifiques : Papillon, fauve de Bourgogne, des albinos, des gris foncés mais bizarrement pas de lapins bleus !

Le choix fatal

« Tu veux celui-là ? », dit Guillemine à ma mère en soulevant un beau lapin par la peau du dos. Ma mère acquiesça et nous nous retrouvâmes avec le lapin dans la boîte en carton.

« Mais où donc est le lapin bleu ? », risquai-je assez timide. « Mais, c’est lui, le lapin bleu, » me répondit ma mère un peu exaspérée. J’avais enfin compris, c’était un lapin gris-bleu, un bleu de Prusse ! Une tonalité à encoder dans mon répertoire des bleus ! De là à vous engager à rechercher « votre » lapin bleu, il n’y a qu’un bond.

Marlène André

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