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Vivai Cooperativi Rauscedo,

le numéro 1 mondial de la vigne

Créée en 1933 dans le Frioul italien, la coopérative Vivai Cooperativi Rauscedo (VCR) commercialise aujourd’hui près de 100 millions de pieds de vignes par an, classiques et résistants. Une activité qui pâtit toutefois de la crise du vin. Visite avec son directeur Eugenio Sartori et quelques vignerons belges.

Temps de lecture : 6 min

À moins d’une heure de Trévise, Pordenone est la principale ville du Frioul occidental. Comme bien des cités provinciales italiennes, elle souffrit des destructions de la Première Guerre mondiale et de la crise de 1929 qui entraînèrent le déclin de la filière cotonnière locale ainsi que l’exode de ses habitants dans d’autres régions ou même en dehors du pays.

Après la crise du phylloxera, une des réponses des viticulteurs fut la création de coopératives de production de vin, ou, dans le cas présent, de production de plants de vigne. Cent ans plus tard, les 200 adhérents de Vivai Cooperativi Rauscedo produisent plus de cent millions de pieds de vignes selon un rituel bien établi : sélection du bois qui va servir de porte-greffe, nettoyage à l’eau chaude pour tuer les phytoplasmes, pose du greffon sur table selon la méthode Omega ou Celerina, protection de la soudure à la cire et mise au frigo à 3°C et 98 % d’humidité jusqu’à la fin de l’hiver. En avril, après tout risque de gel, le plant est mis en terre jusqu’en novembre, moment où il est déterré et envoyé aux divers commanditaires avec son passeport sanitaire reprenant le pays d’origine, le nom du clone…

Une vaste collection

VCR propose à ses clients internationaux un choix de 650 variétés de raisins issues d’une « bibliothèque » de quelque 2.600 variétés prêtes à être multipliées selon la demande et les modes.

« Il n’y a pas d’autres structures comme la nôtre en Europe ou dans le monde. Mercier ou Guillaume, en Hexagone, et une autre coopérative en Italie produisent trois à quatre millions de plantes, puis quelques pépiniéristes particuliers plafonnent à deux millions de pieds. Certains sont en crise et réduisent leur production… Nous devons renforcer nos collaborations, car seuls, nous ne pouvons pas tenir », déclare Eugenio Sartori, l’ingénieur agronome à la tête de VCR.

Il ajoute : « Vu la concurrence, le prix baisse alors que le coût de production augmente. Il est toutefois difficile de faire des prévisions de production, c’est le grand mystère. En effet, un pied de vigne peut rester sept ou huit mois au frigo mais, au-delà d’un an, des problèmes de débourrement peuvent apparaître, de même qu’une baisse de la qualité. Par exemple, pour 2025, certaines variétés sont complètement épuisées. La malvoisie d’Istrie était en excédent l’an dernier, cette année, il en manque. Pareil pour la ribolla dont les stocks sont écoulés. Normalement, nous vendons annuellement 1,2 million de pieds de tempranillo, en 2024, c’était seulement 400.000. Une célèbre marque de vin du sud de la France avait réservé 350.000 plantes en septembre. Néanmoins, en novembre, ils ont divisé leur commande par dix… »

Résister à la crise de la consommation du vin

La coopérative est frappée de plein fouet par la crise de la consommation du vin, mais aussi celle des raisins de table dont la production représente un cinquième des ventes de VCR. Le marché demande désormais des vins rouges avec peu d’alcool (11 à 12 %) et veut essayer de nouvelles variétés, comme, en France, la glera, le cépage à la base du prosecco. Ce qui est paradoxal, car la variété accuse en Italie l’un de ses plus importants reculs avec une perte de deux tiers sur les huit dernières années.

« Par ailleurs, nous ne pouvons pas tout exporter, les contraintes sanitaires de certains pays ne le permettent pas. Nous avons donc monté des structures de distribution directement sur place aux États-Unis, au Chili, en Australie, en Afrique du Sud... Nous ne nous contentons pas de produire et de vendre des plants de vignes, nous travaillons également avec les variétés autochtones, comme en Géorgie ou au Portugal. C’est important de le faire pour sélectionner le meilleur matériel », poursuit Eugenio Sartori.

L’atout majeur de VCR est, avant tout, sa structure coopérative. Seuls les membres habitant la région peuvent fournir du matériel végétal et ne peuvent le vendre à d’autres. Près de 1.500 ha de greffes sont ainsi cultivés par les adhérents (sur les 5.000 de VCR) et la société fournit de l’emploi à 1.300 personnes et ouvriers. Cette main-d’œuvre est peu qualifiée, néanmoins, VCR peine à trouver du personnel et se tourne souvent vers des travailleurs africains ou, plus largement, d’origine étrangère, dont le nombre varie tout au long de l’année.

Des programmes de croisement pour obtenir des cépages innovants

Testant les cépages résistants allemands depuis plus de trente-cinq ans, VCR a entamé en 1998 un programme de croisement afin d’obtenir des nouveaux cépages pouvant résister au mildiou et à l’oïdium avec un potentiel œnologique élevé. En collaboration avec l’Université d’Udine, la coopérative a également entamé en 2015 un programme de croisement pour obtenir des nouveaux cépages résistants de raisin de cuve, de table et de porte-greffe.

Parmi ses réalisations, relevons plusieurs croisements obtenus à partir de sauvignon (sauvignon kretos, nepis, rythos), de merlot (merlot khorus, kanthus), de cabernet (cabernet volos, eidos), mais aussi de pinot blanc et de pinot noir, dont le pinot kors, le pinot kersus et le volturnis.

Ces variétés sont appréciées en Belgique par un nombre croissant de vignerons, tant au nord qu’au sud du pays, dont certains étaient du voyage fin février dernier. Marco Pietteur confie : « Bientôt à la retraite, j’ai un peu de temps libre. Comme je viens d’acheter un terrain à Ferrières, j’ai voulu concrétiser un rêve : planter des vignes sur une partie de cette terre. J’ai commandé une série de pieds sur les conseils de Michel Delrée, formateur au CPFAR à Waremme, et comme je ne suis pas encore livré, je viens donc goûter ce que j’ai acheté, vérifier que cela correspond bien à l’idée que j’en ai. Deux cépages sont parfaits, toutefois je vais peut-être changer le troisième. En échangeant avec les professionnels, j’ai eu ici de bons conseils pour me préparer à la plantation et à l’entretien des lignes. Je compte vinifier le sauvignon nepis en amphore, ce sera une belle expérience. »

Anne Geldhof et Christian Balduyck, du domaine de Glabais, où ils n’ont planté que des variétés classiques (chardonnay, pinot noir, blanc et auxerrois), pourraient être intéressés par un complément en variétés interspécifiques. « Nous avons planté un peu de solaris en 2008», explique Anne. « Depuis lors, nous n’avons fait aucun traitement, et nous récoltons toujours quelques kilos de raisins. Mais nous sommes déjà bien occupés. Il n’est pas sûr que l’on ait le temps de faire des essais plus larges. Si les enfants continuent, cela vaudrait la peine de mettre quelque chose en place… » Christian, de son côté, complète : « J’ai toujours l’idée d’un chardonnay résistant dans un coin de la tête… »

Marc Vanel

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