Les « tueux », comme on dit chez nous en wallon de Haute-Sûre, sont de vrais professionnels, bouchers de métier pour la plupart. Il suffit de leur téléphoner ; on convient d’un jour, et ils viennent très vite en cas d’urgence : veau à la patte cassée, claquage d’un taureau ou hémorragie lors d’un vêlage difficile. Ils tuent « en douceur », donnent la mort sans que l’animal ne stresse.
Le cochon, par exemple, reste dans sa loge, lève la tête pour qu’on lui gratte le cou… et se prend une boule de fonte sur le crâne. Clap de fin ! Le gros pépère n’a rien vu venir et s’effondre d’un seul coup. La suite, vous la connaissez sans doute, si vous avez plus de soixante ans. Le tueur plonge un « stitcheu » (couteau effilé) dans sa gorge et on récupère le sang pour le boudin. Puis on brûle les soies au chalumeau ou à la paille. L’animal est vidé, découpé, enjambonné, côtellettisé, saucissonné, salé, enlardé, cuisiné en pâtés et gelées. Les moutons et les chèvres sont étourdis au marteau, puis égorgées sans qu’elles réalisent ce qui leur arrive. Les bovins sont sacrifiés au matador (de l’espagnol « matar » = tuer), ce pistolet à tige perforante qui perce l’épaisse paroi osseuse du front et bousille le cerveau d’un coup d’un seul.
Ont-ils eu une belle mort ? Aucune fin de vie n’est belle… Au moins n’ont-ils pas subi les affres de l’attente dans le couloir de la mort d’un abattoir ! Quelle horreur ! Les bêtes ne sont pas aussi bêtes qu’on ne le dit. Elles entendent et elles sentent la mort : les cris d’agonie, des odeurs de sang et d’urine, de terreur la plus abjecte. Nos braves vaches et nos cochons finissent dans une épouvante absolue. Nos animaux familiers subissent une souffrance qu’ils n’ont pas méritée, au nom de la rentabilité, de l’hygiène et de la traçabilité alimentaire. Au nom du bien-être animal, selon la conception d’Adrien Dolimont et ses sbires ! Mieux vaut entendre cela que d’être sourd…
Ces gens ne connaissent pas les réalités du métier, n’ont jamais chaussé de bottes pour patauger dans le sang des animaux, comme le font les massacreurs dans les abattoirs. Il suffirait pour eux de se mettre dans la peau d’un cochon, de réveiller celui qui sommeille en eux et dans tout homme, disent les dames. Imaginez-vous dans un étroit couloir sans autre issue que la chaîne d’abattage puis de découpe ! Un premier officiant vous électrocute, puis le suivant vous égorge, ou je ne sais quel robot déshumanisé, sans état d’âme, sans la moindre empathie pour le pauvre cochon. Et c’est ça, le bien-être animal ! Notre ministre Dolimont et ses amis ne vendent pas du rêve !
« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge », disait Voltaire. Les amis des animaux ont parfois de drôles d’idées, en voulant bien faire les choses. L’enfer pour les animaux est souvent pavé de bonnes intentions par ceux qui ne les fréquentent guère, les regardent à travers des vitres déformantes, déformées par des pseudo-défenseurs étourdis qui demandent l’étourdissement avant abattage, ce qu’un tueur de chez nous réalise sans coup férir. Pas de quoi faire rire, évidemment… Comme disaient nos parents : « Il leur faudrait une guerre, pour leur remettre les yeux en face des trous. »
En temps de guerre, on fait beaucoup moins de chichis. On est bien content de manger de la viande sans que l’animal ne soit passé par un abattoir. Une dame de 87 ans m’a raconté récemment comment elle et sa famille se sont nourries lors de la Bataille des Ardennes, et dans les semaines et les mois qui ont suivi. Très peu de gros animaux avaient survécu au massacre. Leurs saloirs avaient été pillés, les cochons tous mangés par les Allemands, après avoir été abattus au fusil d’assaut (Mauser Sturmgewehr 45). Neuf dixièmes des vaches avaient péri de diverses façons : brûlées vives par les bombes au phosphore, mitraillées par les chasseurs-bombardiers américains, éparpillées en mille morceaux par les obus.
