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De Cort Belgian Farm Distillery: valoriser des déchets en produits d’exception

L’upcycling ou recyclage valorisant, un concept particulièrement mis en avant par la famille De Cort au sein de sa distillerie à Pepingen, dans le Pajottenland. Elle y produit des spiritueux aux saveurs pures et sans ajout d’extraits ou d’arômes à partir, entre autres, de matières premières dont on ne veut plus, jugées disgracieuses ou impropres à la consommation. Parmi celle-ci, on retrouve notamment la célèbre pomme de terre Bintje.

Temps de lecture : 6 min

C’est dans les jardins de Bruxelles que Sofie et Manu De Cort ont choisi de s’installer en 2010. « Nous ne sommes pas issus du milieu agricole mais souhaitions véritablement revenir à un métier manuel, plus proche de la terre. Nous avons acquis une ferme à Pepingen, active dans la production de fruits durs. Malheureusement, à ce moment-là, le secteur a été touché par l’embargo russe sur les fruits européens. Nous produisions énormément de poires conférence, nous nous sommes donc fortement remis en question.

De la ferme à la distillerie

À l’époque, Manu distillait déjà de manière expérimentale, il a donc imaginé créer une distillerie professionnelle et produire des eaux-de-vie à partir des fruits au lieu de les laisser pourrir au champ. « Ce sont les fruits qui nous ont permis de faire les premiers pas vers ce projet, même si, aujourd’hui, ils ont pris moins d’importance dans la distillerie ».

L’entreprise fait ces débuts en 2013. D’une petite structure, elle évolue rapidement vers des infrastructures plus conséquentes pour finalement s’installer, en 2021, à 300m de l’exploitation originelle, sur un site plus spacieux. S’y côtoient la distillerie parée de son alambic Holstein en cuivre rouge, des halls de stockage et de vieillissement, des salons de dégustation, une malterie et même une brasserie en élaboration.

La famille De Cort fêtera sous peu les 10 ans de la distillerie.
La famille De Cort fêtera sous peu les 10 ans de la distillerie.

Le surcyclage : du déchet aux produits fins

Dans sa production, Manu De Cort a véritablement à cœur de valoriser des déchets ou produits agricoles déclassés ainsi que des productions locales. « Nous travaillions avec de nombreuses matières premières, des céréales aux fruits traditionnels ou atypiques, en passant par la pomme de terre. Il s’agit toujours de produits cultivés en connaissance de cause et souvent issus de collaborations particulières avec des agriculteurs. L’idée, c’est de favoriser le circuit court, ce qui permet aux producteurs d’obtenir un prix équitable et nous rassure sur la qualité du produit. On peut aussi être sur des partenariats d’opportunité. Parfois, un agriculteur m’appelle car il ne sait plus quoi faire d’une production excédentaire ou d’un produit de moindre qualité ou qui a subi des dégâts climatiques… Je prends alors plaisir à trouver une solution à son problème et imaginer un produit exceptionnel. Le résultat est souvent un spiritueux qui n’entre pas dans la gamme permanente mais ça lui donne aussi toute sa valeur. Ces projets d’opportunité sont inspirants et stimulants pour moi. Ils représentent de nouveaux challenges. Sans eux, mon métier pourrait devenir monotone ».

Au quotidien, la famille De Cort peut compter sur deux collaborateurs.
Au quotidien, la famille De Cort peut compter sur deux collaborateurs. - D.J.

Circuit court et autonomie

Les premiers produits de la distillerie sont le gin, gin sans alcool et le pastis. Ils sont produits à l’aide de céréales biologiques : « Pour ces boissons, ce sont les épices qui prennent de l’importance, ce ne sont pas les céréales que l’on veut goûter en premier, néanmoins, elles ont toutes leur importance puisqu’elles initient le processus de fermentation. C’est d’ailleurs l’un de nos challenges. En effet, on peut cultiver de l’orge bio et collaborer avec les agriculteurs du coin mais les malteries qui traitent ces petites quantités ne courent pas les rues. C’est pourquoi nous avons entrepris d’élaborer et installer notre propre malterie ».

Toujours dans une idée d’autonomie, les établissements De Cort tentent d’optimaliser leurs ressources. En effet, une brasserie a depuis peu pris place aux côtés de la distillerie : « Les premiers produits sont prévus dans un futur plus ou moins proche mais, on prend le temps de faire cela correctement. L’objectif est de combiner le fonctionnement des deux entités. L’eau utilisée pour refroidir la distillerie passe vers la brasserie pour les volets chauffage et nettoyage. Cela demande donc de coordonner nos activités. Notre mode de brassage nécessitant un travail par temps froid, cela a donc été un peu compliqué à combiner ces dernières semaines. Par ailleurs, nous possédons également des panneaux photovoltaïques, ce qui nous permet d’être presque totalement autonomes. Pour le vieillissement des produits, la disposition la plus logique a également été étudiée. La bière ayant besoin d’une température constante, les whisky – qui tolèrent mieux les variations de températures – ont été installés dans le haut de l’entrepôt et font office d’isolant. ».

Après avoir été chauffés et cuisinés, les différents mélanges sont à environ 8 % d’alcool. Ils passent une première fois dans la tour de distillation. Un second distillat est ensuite réalisé dans les têtes spécifiques. « Le whisky, le gin, les eaux-de-vie sont produits via des têtes particulières. Pour le gin, par exemple, on utilise une tête aromatique pourvue de paniers à épices à travers desquels la vapeur d’alcool passe. En effet, si on ajoute directement les épices au mélange, on perd les arômes. On est donc loin de certains gins commerciaux non distillés qui sont des mélanges d’alcool et arômes ».

Le produit obtenu passe ensuite dans le condensateur et on peut alors séparer le bon distillat (le cœur), du méthanol (la tête) et de l’alcool de queue trop aromatique.

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Une vodka à base de Bintje

Comme précisé plus haut, outre les eaux-de-vie, le gin, le pastis ou encore le whisky, la distillerie De Cort produit également de la vodka de pomme de terre.

Pour ce faire, l’entreprise travaille avec une fabrique locale de frites fraîches située à 8km de là. « Nous récupérons, contre paiement, les chutes de découpes de frites, pas les épluchures car nous ne souhaitons pas avoir un goût terreux, cela peut avoir un intérêt pour d’autres mais pas pour notre vodka. Il s’agit encore une fois d’un partenariat intéressant qui engendre un produit de haute qualité et permet aux fermiers ou l’entreprise de mieux valoriser son produit ». L’entrepreneur a déjà testé d’autres variétés mais leur rendement en alcool était moins bon et il perdait de toute façon l’objectif de surcyclage.

Les bintjes sont bouillies – sans ajout d’eau pour éviter de faire baisser le taux d’alcool –, refroidies et fermentées en une sorte de « bière de pomme de terre ». Le mélange est distillé sur l’alambic Holstein pour obtenir un spiritueux à 60 % d’alcool. Il est ensuite redistillé sur un plus petit alambic avec une colonne de rectification allant jusqu’à 96 %  d’alcool. « Je ne vais pas tout à fait jusqu’à 96 % pour conserver le goût de la matière première dans la vodka. En effet, pourquoi faire l’effort de cultiver et utiliser notre propre produit si on ne le goûte pas ».

La vodka de pomme de terre est élaborée à partir de chutes de découpes de frites.
La vodka de pomme de terre est élaborée à partir de chutes de découpes de frites. - D.J.

Après ajout d’eau et un repos jusqu’à 6 mois, on obtient un alcool doux et riche. « La forme la plus pure d’un distillat ».

« Notre vodka ne peut pas être plus belge. Du local, du circuit court, de l’artisanat, de la passion et nos alambics Holstein. Cela montre aussi aux jeunes agriculteurs qu’il y a encore moyen d’envisager la culture autrement que sous forme de contrat et qu’on peut faire de leurs matières des produits fins », conclut Manu De Cort.

D. Jaunard

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