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Destruction automnale des prairies permanentes: pourquoi la pratique est-elle interdite?

En Région Wallonne, il est interdit de détruire une prairie permanente du 1 er juin au 31 janvier inclus. Cette période d’interdiction se base sur des critères agronomiques et environnementaux qui ont fait l’objet d’essais sur le terrain. Présentation des différents risques liés à la destruction automnale d’une prairie permanente.

Temps de lecture : 4 min

Les sols des prairies permanentes sont très riches en matières organiques, organisées sous forme d’humus. Lors d’une destruction, l’azote organique fixé dans l’humus est rapidement minéralisé. Ce processus contribue à libérer d’importantes quantités d’azote minéral les semaines et mois qui suivent (au total 300, voire 700 kg d’azote minéral par hectare). Ces fournitures d’azote, sous forme de nitrate soluble dans l’eau, constituent une source de fertilisation efficace pour les cultures suivantes. Tout l’enjeu consiste, par conséquent, à maintenir cet azote disponible pour la succession culturale, afin qu’il soit prélevé et valorisé, au lieu d’être entraîné vers les nappes phréatiques.

La minéralisation dépend des conditions d’humidité et de température. Il est tentant de croire, par conséquent, qu’elle est fortement ralentie en hiver, voire nulle. Cette hypothèse justifierait le fait qu’une destruction automnale, suivie d’une culture de printemps, engendrerait peu de pertes de nitrate dans l’environnement. C’est ce que les essais scientifiques réalisés par l’UCLouvain-Elia, le Centre de Michamps et le CIPF ont vérifié en mesurant les quantités d’azote libérées durant l’hiver en fonction de différents paramètres, tels que la date et la technique de destruction.

La minéralisation hivernale est loin d’être négligeable !

Les expérimentations menées dans les Ardennes (région froide) démontrent que la minéralisation est loin d’être négligeable en automne-hiver. Ce phénomène commence d’autant plus rapidement et atteint un niveau d’autant plus élevé que la destruction a lieu tôt en arrière-saison (septembre). Une destruction réalisée plus tard, fin octobre, entraîne également une augmentation du reliquat mesuré en décembre, mais dans une moindre proportion. Les mesures de reliquat se sont poursuivies durant l’hiver. Elles ont mis en évidence que le profil de sol continuait de s’enrichir en janvier et février. Ces résultats expriment donc que la minéralisation de la matière organique et le relargage d’azote dans le sol se poursuivent durant les mois d’hiver, quelle que soit la date de destruction en automne (voir Figure 1).

Impossible de maîtriser autant d’azote libéré en période hivernale

En automne-hiver, aucun couvert ou culture implantée n’est capable de prélever de telles quantités d’azote. Qu’il s’agisse de froment, d’une nouvelle prairie ou d’une CIPAN, leur développement n’est pas suffisant durant l’hiver pour valoriser ce qui est libéré. Le profil de sol s’enrichit et la présence de ces excédents de nitrate avant l’hiver constitue un risque pour l’environnement. En effet, dans nos régions, les hivers sont pluvieux. Ces molécules très solubles sont alors entraînées avec l’eau de pluie qui percole à travers les sols. Exporté hors de la zone d’exploration racinaire, le nitrate est définitivement perdu pour les cultures qui suivent. Les mesures effectuées à la fin du mois de février mettent en évidence ce phénomène de lessivage. Le reliquat mesuré sur la parcelle détruite en septembre a baissé de 60 unités (figure 1).

Existe-t-il d’autres éléments qui pourraient réduire les risques ?

L’effet du mode de destruction de la prairie (chimique ou par labour) sur le potentiel de minéralisation de la prairie en automne-hiver a également été testé. Il existe peu de différences entre ces pratiques. Elles induisent rapidement la production d’une grande quantité d’azote minéral (figure 1).

La destruction des prairies permanentes à l’automne : une pratique à oublier !

Vu le nombre de facteurs à risque pour la qualité de l’eau, la destruction d’une prairie permanente est à proscrire en automne. C’est précisément pour cette raison qu’elle est interdite par le PGDA. La minéralisation importante et l’incapacité des cultures à prélever les excédents de nitrate sont autant d’éléments qui doivent dissuader les agriculteurs de détruire leur prairie durant l’arrière-saison. Une destruction en fin d’hiver, dans le respect de la législation, et l’implantation d’une culture de printemps, gourmande en azote, ou le semis précoce d’une nouvelle prairie, permettra de valoriser le nitrate libéré. Le raisonnement de la fertilisation devra aussi prendre en compte ces fournitures lors des années suivant le retournement, afin d’éviter la non-conformité des APL. Il faut comptabiliser un arrière-effet « prairie » durant au moins deux ans dans le calcul du bilan. Ensuite, prendre en compte le taux d’humus élevé, donc une minéralisation élevée, pour encore de nombreuses années. La bonne gestion de la destruction de sa prairie permettra de maximiser les bénéfices agronomiques, mais aussi de limiter les risques environnementaux liés à cette pratique.

Vous avez des questions sur la conduite de votre succession culturale après une destruction de prairie ou besoin de conseils pour vos plans de fertilisation ?

Contactez votre centre d’actions Protect’eau le plus proche et discutez dès à présent avec votre conseiller via www.protecteau.be/contact.

D’après Protect’eau

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