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Gaz à effet de serre en élevage: remiser le «réflexe taxatoire» et apporter «des réponses concrètes»

En Wallonie, plusieurs acteurs publics et privés mènent actuellement des recherches visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre au sein des élevages. Cela doit mener au développement de solutions nouvelles et utiles aux éleveurs, leur permettant de mener leurs activités dans le respect de l’environnement.

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Le gouvernement néo-zéalandais a récemment proposé de mettre en place une taxe sur les émissions de méthane et d’oxyde nitreux produites par les vaches et les moutons du pays, souhaitant, affirme-t-il, « aider les éleveurs à pratiquer une agriculture plus respectueuse de l’environnement ». Ce même gouvernement souhaite également encourager les agriculteurs à faire mieux, notamment avec des avantages financiers s’ils utilisent des additifs alimentaires qui contribuent à réduire les gaz produits par leurs troupeaux.

Une situation qui a interpellé le député wallon Jean-Luc Crucke qui n’a pas manqué d’interroger le ministre wallon de l’Agriculture, Willy Borsus, sur les initiatives prises par la Wallonie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre résultat de ses filières d’élevage.

Plusieurs projets en cours

Willy Borsus tient d’abord à insister sur un point : « De mon point de vue, eu égard à la pression financière pesant déjà sur les éleveurs, et compte tenu de la pression fiscale importante existant en Belgique, le réflexe « taxatoire » ne peut être la réponse à ce problème ». Celui-ci soutient fortement la construction de réponse concrète, à l’image des recherches menées en Wallonie.

En effet, bien que le financement par le Service public de Wallonie de projet de recherches visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les filières d’élevage ne soit pas chose courante, plusieurs projets de ce type sont en cours. Ceux-ci font intervenir divers acteurs, comme l’Awé Groupe, le Centre wallon de recherche agronomique (Cra-w), les universités de Louvain et Liège mais aussi des entreprises privées (Dumoulin, notamment).

Parmi ceux-ci, le projet de recherche « Ruminov », mené par Dumoulin, traite de l’alimentation des bovins et plus spécialement de la vache laitière haute productrice. Il vise à étudier en profondeur le métabolisme azoté de ladite vache, des fermentations ruminales aux performances zootechniques qui y sont liées, en passant par l’efficience d’incorporation de l’azote alimentaire dans les protéines laitières et la qualité du lait produit. Le tout, avec un accent plus particulier sur la valorisation de matières premières protéiques européennes alternatives au tourteau de soja.

« À terme, nous entrevoyons que ce projet conduise à la mise au point d’un concept alimentaire « basse teneur en protéines » permettant des performances laitières élevées et des rejets azotés réduits par rapport à des rations classiques », ajoute le ministre Borsus.

S’y ajoute le projet Blanc Bleu Vert, dont l’objectif est d’améliorer la durabilité de la production bovine, d’une part, à travers une offre d’aliments permettant d’augmenter l’efficience et de réduire les émissions de gaz à effet de serre (Dumoulin) et, d’autre part, via une caractérisation raciale du Blanc Bleu Belge par le biais de critères environnementaux (Inovéo). Ce dernier élément doit rendre possible la mise en place d’une sélection future des animaux sur la base des critères de durabilité, soit d’orienter la sélection vers des animaux plus efficients et moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Un Cra-w très actif

De son côté, le Cra-w mène depuis longtemps de nombreux projets portant sur les liens entre l’alimentation animale et son impact sur l’environnement tant du point de vue de l’autonomie alimentaire que des stratégies alimentaires et fourragères. Ceux-ci se focalisent essentiellement sur les ruminants (vache laitière, bovin allaitant), qui sont plus incriminés que les monogastriques en ce qui concerne leur faible efficience de transformation et leurs émissions de gaz à effet de serre, notamment en raison des émissions de méthane en lien avec leur spécificité digestive.

Ces projets visent à étudier à la fois les relations alimentation – performance animale et les impacts directs sur l’environnement mais également les effets indirects en incluant le coût environnemental de la production des aliments.

À ce jour, on peut dénombrer 90 publications relatives aux émissions de méthane, ammoniac ou gaz à effet de serre par les chercheurs du Cra-w. On doit également au Centre le développement de « DECiDE, » un outil informatique mis gratuitement à disposition des fermes wallonnes leur permettant de réaliser des bilans de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre.

Le Cra-w est également responsable du développement de « Proterat », un outil de formulation alimentaire permettant aux producteurs et conseillers d’analyser les rations des vaches laitières dans les deux systèmes d’alimentation utilisés en Belgique. Enfin, il a également développé « AlimPorc » une application Excel permettant la formulation alimentaire pour les porcs. Ces deux outils permettent d’optimiser l’efficience d’utilisation des aliments par les animaux et de ce fait limiter leurs émissions.

Transformer l’urine des cochons

Jean-Luc Crucke en a aussi profité pour demander quelques informations relatives à un projet porté par la commune de Flobecq en collaboration avec un éleveur, Rudy Beelprez, et d’autres partenaires (Materia Nova, Université de Mons, Haute Ecole Condorcet…). Celui-ci doit permettre de mettre en place une unité de production d’hydrogène à base d’urine de cochons. « Une fois que l’hydrogène et l’azote prennent des chemins différents, le premier pourra servir à la production énergétique et le second devrait encore pouvoir être valorisé sous forme d’engrais sur les champs », détaille-t-il.

« Ce projet n’en est qu’à ses balbutiements, sa mise en place actuelle visant une première installation physique en 2027, au plus tôt », éclaire Willy Borsus. Toutefois, deux actions ont déjà été prises. D’une part, un projet a été déposé au Fonds Roi Baudouin afin de soutenir une thèse de doctorat relative au projet, d’autre part, une réflexion est en cours afin de développer les matériaux nécessaires au déploiement de l’installation.

Dans le cadre d’une réflexion globale

Et Willy Borsus d’ajouter : « De manière plus générale, les réflexions relatives à la réduction de l’émission des gaz à effet de serre liés à l’alimentation humaine ne se limitent pas à la réduction des émissions directes par les bovins, mais incluraient également potentiellement le rééquilibrage alimentaire humain (révision de la part de produits animaux dans nos assiettes), la sélection d’aliments locaux pour l’alimentation animale (réduisant ainsi l’empreinte environnementale liée au transport des matières) et l’accroissement de l’efficience alimentaire (augmenter la production viandeuse et/ou la production laitière pour un même coût environnemental revient à réduire l’empreinte) ».

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