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Les dindons de la farce

Avec décembre et l’Avent, reviennent les traditionnels reportages consacrés aux animaux martyrisés. Les gens adorent ça : de s’indigner devant le comportement cruel des éleveurs de dindes et de canards ! Bien entendu, à notre grand dépit, tous les agriculteurs subissent les retombées de ce « bashing » redondant, organisé à l’encontre des fermes industrielles et des abattoirs. Les images des dindons flamands diffusées cette semaine ont ému beaucoup de téléspectateurs, et j’avoue être du nombre…

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Je sais, c’est idiot, mais j’aime bien les dindons ! Ce sont de gros volatiles sympathiques, pas méchants pour deux sous, qui vous regardent avec confiance et vous suivent sagement quand on leur ouvre une porte. Rien à voir avec les coqs, les pintades et les canards, lesquels n’hésitent pas à vous attaquer sauvagement à coup de becs et d’ergots, quand on les coince pour les attraper… Au moment du sacrifice, les dindons dressent une tête curieuse et se laissent prendre sans se défendre. Un drôle d’appendice charnu leur pendouille au-dessus du bec, fascinant à observer, et leurs « glouglous » font rire les enfants. Cela me fait trop de peine de les tuer ; aussi, nous n’en élevons plus. Alors, vous comprenez bien, les voir aussi mal en point à la télé ne m’a pas fait bondir de joie !

Ceci dit, les images de cette maltraitance animale étaient sans doute choisies, sorties de leur contexte. J’imagine que les éleveurs flamands ne cherchent pas à faire souffrir leurs gentils dindons par pur plaisir… Ils ne sont pas sadiques à ce point-là ! Ils travaillent pour gagner des euros, pour rentabiliser leurs investissements, et j’espère que la FAVV (Afsca flamande) veille au respect du bien-être des volailles élevées dans ces usines à viande. Nos compatriotes du Nord ont une autre conception de l’agriculture, de toute évidence. La Belgique a remis deux plans stratégiques distincts pour la PAC européenne 2023-2027. C’est tout à fait surréaliste pour un aussi petit pays ! Les Wallons vivent et respirent une tout autre agriculture que les Flamands. Ceux-ci, avec la proximité des ports, élèvent des paquets d’animaux en hors-sol, produisent du lait, de la viande et des oeufs à partir de soja brésilien, de céréales russes ou ukrainiennes. Ils sont noyés par leurs effluents d’élevage, et voient leur surface agricole utile se réduire comme peau de chagrin.

« À chacun sa m(…) », disait en son temps José Happart, grand ami des Flamands ! Dans cette aventure, les cochons, les volailles, les vaches et autres lapins d’élevage sont un peu les dindons de la farce libérale capitaliste, laquelle exige une rentabilité financière sans état d’âme, au mépris du moindre respect pour les animaux. Je ferais un piètre éleveur de « glouglous » en Flandres, et serais très vite ruiné, sans aucun doute ! Trop wallon, trop ardennais, trop paysan, trop sentimental, trop « amoureux » des animaux…

Dans ce monde 2022, que ne ferait-on pas pour de l’argent ? Trop de biens sont produits et marchandés avec un minimum d’éthique, sans un fifrelin de respect pour la vie et le bonheur des animaux… et des gens ! Ainsi, l’Ukraine est devenue une vaste ferme d’élevage industriel de violences en tous genres, le grand terrain de jeu des puissances militaires, lesquelles y testent leurs armes dernier cri -derniers crimes- en conditions réelles : les drones, Himars, Caesar, ATACMS, et toutes sortes de bricoles plus destructrices les unes que les autres. Là, on peut parler de maltraitance avérée envers des populations civiles ! Les dindons flamands valent-ils les enfants ukrainiens ou les femmes congolaises ? Celles-ci sont massacrées et violées dans le Kivu, par des factions terroristes vomies tout droit de l’Enfer, armées par de grandes puissances économiques, avec en point de mire les minerais de métaux rares dont regorge la région.

« This world today is a mess ! », (Ce monde aujourd’hui est un gâchis), chantait Donna Hightower en 1972. En cinquante ans, rien n’a changé, sinon en pire. Les animaux et les gens innocents restent encore et toujours les éternels dindons de la farce…

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