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Ceintures alimentaires: reconstruire la proximité

Coordinateur de la ceinture alimentaire de Charleroi Métropole dont il est responsable du « hub », Xavier Anciaux, lui-même maraîcher, parle de circuits courts et de réseaux, d’alimentation saine et de qualité différenciée, d’autonomie et de résilience pour nourrir les villes. Autant de dimensions indispensables pour répondre aux enjeux économiques et humains d’un territoire.

Temps de lecture : 5 min

Celui de Charleroi Métropole est composé de 30 communes situées dans un bassin de vie autour de grande cité hennuyère, y compris jusque dans le sud de la Botte du Hainaut, et plusieurs communes situées en province de Namur.

Partage de savoirs et d’informations

On ne le sait que trop bien, la frange qui sépare l’espace urbain de l’espace rural a pris des proportions sans commune mesure avec ce qu’étaient les limites urbaines du XIXème siècle.

D’où toute l’importante du développement de ceintures alimentaires dans notre région wallonne qui compte, outre Charleroi, celles de Liège, de Tournai et la coopérative Paysans artisans sur Namur. Toutes développent une même philosophie, un même élan s’articulant autour des valeurs de localisme, de durabilité, mais aussi de la qualité des sols et des écosystèmes.

Son « hub » permet le stockage, la distribution, la transformation et la commercialisation de produits alimentaires locaux issus du maraîchage, de l’agriculture, de l’élevage, de l’artisanat en circuit court.

« Il est question d’économie sociale et d’inclusion, de prix juste et équitable. On essaie de faire travailler les gens ensemble dans un esprit de partage, de savoirs et d’informations en toute transparence » développe Xavier Anciaux.

Retours de terrain

Homme de terrain, il a entendu plusieurs maraîchers et agriculteurs évoquer les prix vertigineusement bas « offerts » pour leurs productions, la pénibilité du métier pour un revenu dérisoire, les angoisses à l’idée d’un non-renouvellement de contrat fixe ou encore les inquiétudes face aux nappes phréatiques qui se vident.

À côté de toutes ces craintes, M. Anciaux a rencontré beaucoup de personnes heureuses dans leur métier, comme ce père de famille qui se réjouit de pouvoir travailler avec ses enfants depuis qu’il est passé en circuit court.

C’est aussi ce responsable de cuisine collective qui refuse les perturbateurs endocriniens dans les assiettes des enfants, c’est la joie des producteurs qui se retrouvent pour passer un peu de temps ensemble tandis que d’autres, qui ont modifié leurs pratiques, ont dû moins arroser cette année.

« J’entends de tout autour de moi, ça va dans tous les sens, nous sommes dans un moment d’impermanence, de chamboulement des moyens et conditions de production ».

Pas d’alimentation saine sans agriculture résiliente

Et les contradictions dans nos comportements et politiques publiques sont plus criantes que jamais. Il faut par exemple savoir que seuls 17 % des légumes consommés en Wallonie sont des productions wallonnes, le reste étant importé. Une incongruité dans un contexte de lutte contre le réchauffement climatique.

Sans oublier la biodiversité qui s’étiole au même rythme que le nombre d’exploitations agricoles sur le territoire wallon.

Pour pallier ces incohérences, la Wallonie a décidé, dans son Plan de relance, de créer des « hubs » logistiques pour un budget de 16 millions d’euros.

Le « hub » et ses quatre fonctionnalités

Le « hub » de Charleroi Métropole possède quatre fonctionnalités. Il comporte tout d’abord une légumerie (légumes lavés et découpés) proposés frais ou surgelés à destination des cuisines de collectivités.

C’est ensuite une plateforme logistique qui répond à la demande des producteurs pour les aider dans leurs livraisons afin de faciliter le circuit court. C’est encore le comptoir commercial pour mutualiser l’effort commercial et, enfin, un atelier de transformation alimentaire, principalement des fruits et légumes.

La superficie est actuellement de 2.000 m² et devrait s’étendre jusqu’à 3.000 m². Elle permet d’accueillir une capacité de 2.000 tonnes de produits par an.

« Un outil logistique au service du territoire »

Le « hub », animé par la ceinture alimentaire, est un « outil logistique au service du territoire » indique Xavier Anciaux en précisant que « Charleroi Métropole couvre les besoins d’environ 600.000 habitants ».

Il se réapproprie les filières, implante des valeurs humaines que sont la santé, l’environnement, avec la volonté de participer à la transition écologique, mais encore le juste prix, en mettant la pression sur les acheteurs plutôt que sur les producteurs,

« C’est un outil à destination des citoyens, qui leur permet de passer à l’action » insiste-t-il car « il est temps d’expérimenter autre chose, de changer de dimension en allant dans le sens de l’économie sociale, du circuit court ».

Biodiversité et performance

Xavier Anciaux connaît particulièrement bien les réalités qu’il évoque. Fils d’agriculteurs, maraîcher pendant huit ans, il a débuté son projet sur 30 ares, lequel s’est mué en coopérative citoyenne occupant trois employés et se déployant sur 3 hectares qu’il a travaillés… à cheval, dans la commune de Fernelmont (1ha de maraîchage, 1ha de prairies permanentes, 1ha de verger).

« Nous voulions produire de la biodiversité tout en augmentant notre production et nos performances ».

La méthode comptable « Care »

Pour ce faire, il a adopté la méthode comptable « Care » (Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l’Environnement) qui ambitionne d’assurer le maintien du patrimoine financier, naturel et humain mobilisé par les activités économiques.

Ce type de comptabilité est considéré comme un modèle de durabilité forte, plaçant l’écologie comme priorité par rapport à l’économie et amène à penser l’activité de l’entreprise du point de vue des écosystèmes.

« Care » est à la fois un outil de dialogue et de pilotage. Il amène à se poser des questions sur les impacts de l’activité agricole sur son environnement et à agir en connaissance de cause pour adapter le modèle d’affaire et les modes de production en fixant des objectifs de résultats et de moyens.

Outre-Quiévrain, il est considéré comme un modèle de comptabilité verte le plus abouti.

Cette implication, ce métier, Xavier Anciaux s’y plonge « pour retrouver du sens ». Et c’est en choisissant la manière de produire et donc de s’épanouir qu’il avoue « trouver de la joie ».

Marie-France Vienne

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