La Plate de Florenville: une pomme de terre attachée à sa région au propre comme au figuré

Avec 15 ha de terres en Gaume, il s’agit sans doute de la variété de pomme de terre la plus rare en Belgique. Seuls trois agriculteurs se consacrent à la culture spécifique de la Plate de Florenville, une pomme de terre spéciale de la variété Rosa. Cette pomme de terre est typique du sud de la Belgique.

De l’Espagne à Florenville

On raconte que la Plate est arrivée en Gaume depuis l’Espagne au XIXe siècle, par l’intermédiaire d’immigrants venus repeupler la région. La production étant faible, vers 1918-1920, un négociant en pommes de terre décide d’exporter les tubercules en Bretagne pour les multiplier. Une démarche fructueuse. En 1935, la pomme de terre est officiellement inscrite au catalogue français sous le nom de « Rosa ». Depuis, la variété a été connue sous plusieurs noms : Rosa des Ardennes, Rose de France, Hollandse Rose, Bec, Becque, Cornichon rose, Rognon rose.

En 1940, L. Saubelens rapporte que la Rosa reçoit le nom de « Plate de Florenville » dans la province de Luxembourg. Les pommes de terre de Gaume étaient exportées par train vers les villes belges de Namur, Bruxelles, Gand, etc. La qualification « de Florenville » proviendrait de l’étiquette apposée sur les wagons qui partaient de la gare de Florenville. En effet, la pomme de terre était cultivée à Florenville et dans les environs et aurait donc été nommée d’après la gare ferroviaire d’où elle était expédiée. Le chemin de fer a donc probablement joué un rôle important dans la réputation de ces pommes de terre. En 1960, la pomme de terre est également désignée ainsi aux Pays-Bas.

Indication géographique protégée

La Plate de Florenville a reçu le label de qualité « Terra Nostra », décerné par l’Apaq-w. Au niveau wallon, elle a reçu en 2013 le label d’indication géographique protégée (IGP), qu’elle reçoit également au niveau européen le 31 juillet 2015. Ce label signifie que la Plate de Florenville est liée à une région spécifique : au moins une des étapes de la production, de la transformation ou de la préparation a lieu dans la région d’origine.

La Plate de Florenville est ainsi liée à la région de la Gaume en Lorraine belge. La zone de production est située dans une partie du Jura sur deux sols spécifiques (composés de sable et de limon) s’étendant autour de Florenville. Il s’agit de la seule région de Belgique qui remonte à l’ère mésozoïque (252 à 66 millions d’années). Elle réunit les communes de Chiny, Étalle, Florenville, Meix-devant-Virton, Tintigny, Saint-Léger et Virton.

Le microclimat de Gaume

La Gaume est connue pour son microclimat. La région est protégée des vents froids du nord par le massif ardennais plus élevé. Il en résulte un climat plus doux et plus sec. Chaque année, le soleil y est plus présent que dans d’autres régions de la Belgique et les précipitations sont également moins importantes, car le massif ardennais bloque les masses nuageuses.

En outre, le sol est composé de calcaire, dont l’action bénéfique contribue à retenir la chaleur. En raison de ce microclimat, la région de la Gaume est parfois appelée « petite Provence ». Le climat y est très différent de celui des régions voisines, surtout si on le compare au climat rude des Ardennes. Les agriculteurs de Florenville préfèrent également les sols sableux aux sols argileux, car ils contribueraient davantage à la qualité des pommes de terre.

Une pomme de terre à part

Les plants viennent en principe de Bretagne. Toutefois, depuis la décimation d’une production de plants destinés à la multiplication en Bretagne en 2018, les producteurs de la Plate de Florenville tentent de produire des plants en Gaume à partir d’une variété conservée par le Cra-w de Libramont. Cette production doit permettre de relancer la production dans les années à venir. La plante pousse assez haut, avec une ramification verticale et une floraison abondante. Le tubercule lui-même est de taille moyenne, plutôt allongé et légèrement aplati. La peau est rose, les yeux superficiels, la chair est jaune et ferme. La pomme de terre Rosa est plutôt une variété à maturité mi-tardive à tardive. Elle n’est pas récoltée avant le 15 août.

Culture et conservation faciles

La Rosa est peu sensible aux taches de rouille et au cœur creux.

Elle n’est pas sensible à la vitrosité ni aux bleus de chocs. « La seule chose contre laquelle nous devons traiter est le mildiou », indique Pierre Edmond, l’un des rares cultivateurs. Il cultive 40 ha de pommes de terre, dont 6 ha pour la Plate de Florenville. « La productivité est assez faible, avec un rendement entre 15 et 25 t/ha, mais de bonne qualité. Pour la fertilisation, la quantité se limite à 90 unités d’azote. »

En outre, la pomme de terre se conserve très bien. La moitié des pommes de terre est vendue en vente directe par les producteurs et l’autre moitié dans les circuits de vente traditionnels. « Nous stockons la récolte en palox dans un hangar réfrigéré et nous n’utilisons pas de produits pour limiter la germination. Au champ, nous n’utilisons pas non plus d’hydrazide maléique », précise Pierre Edmond.

La pomme de terre de régime

La Plate de Florenville est une pomme de terre qui résiste bien à la cuisson. « Même après une longue cuisson, la pomme de terre ne se défait pas », explique Pierre Edmond. « Elle a un goût délicat, légèrement noiseté ». Lui et son fils travaillent ensemble dans une exploitation agricole à Florenville. Ils ne vendent pas la pomme de terre aux industriels, mais plutôt aux restaurateurs. La variété se vend généralement un peu plus cher que la pomme de terre ordinaire. « Le tubercule a ceci de positif qu’il contient moins de sucre qu’une Nicola, par exemple. Je l’appelle parfois la pomme de terre de régime. En outre, elle n’absorbe pas les graisses, mais elle forme tout de même une croûte lorsqu’elle est frite. Elle est délicieuse dans une salade, par exemple, mais elle convient moins à la purée ». Elle convient également pour la cuisson à l’étouffée, à la vapeur et au four. Sa peau est tout à fait comestible.

Répond à un cahier des charges strict

Aussi rare que soit une variété de pomme de terre, certaines normes doivent être respectées. La culture de la Plate de Florenville doit répondre à un cahier des charges strict établi avec le service de certification Promag pour l’IGP. « On tient compte du type de sol, ainsi que du nombre de traitements autorisé pendant la culture. Comme pour toutes les autres variétés, le principal risque est le mildiou. La Plate de Florenville n’est pas sensible aux nématodes. Pour protéger nos plants, nous suivons les recommandations concernant le mildiou », ajoute Pierre Edmond.

Promag contrôle chaque étape de la production : les parcelles sont déclarées et contrôlées avant la plantation, tous les soins apportés aux parcelles pendant la période de culture sont enregistrés par les cultivateurs et contrôlés par l’organisme de certification. Enfin, chaque lot est analysé après la récolte pour vérifier qu’il répond aux exigences de qualité.

D’après Marlies Vleugels