Nutri-score :il n’existe aucun problème avec les produits agricoles, les AOP, les IGP !»
Attendue initialement pour la fin de l’année 2022 suite à l’adoption en juillet d’un rapport émis par un comité scientifique européen indépendant, la révision de l’algorithme du nutri-score interviendra finalement cette année. Pour décrypter les enjeux de ce sujet qui fâche, nous sommes allés à la rencontre de Laurence Doughan, coordinatrice du Plan Fédéral Alimentation Santé au SPF Santé publique.

C
Laurence Doughan, d’où vient l’idée d’un d’étiquetage nutritionnel en Europe et qui en est l’initiateur ?
On peut dire que ce sont les Britanniques. Il faut savoir qu’au Royaume-Uni, c’est le « retail » qui a pris l’initiative d’un étiquetage complémentaire. Ce sont également les pionniers au niveau d’un système de calcul en vue d’établir le profil nutritionnel d’un produit alimentaire donné. Il s’agit du « score FSA » (Food Standards Agency) développé en 2004 par Mike Rayner de l’Université d’Oxford, à la base de toute la matrice mathématique derrière le calcul de ce qui deviendra le nutri-score. Son but initial était de réguler la publicité en Angleterre. La méthodologie a été traduite en 2014 par le nutritionniste et épidémiologiste français Serge Hercberg qui l’a adaptée à la grande consommation. À l’issue de nombreux débats à l’Assemblée nationale et d’une vaste étude dans le nord de la France en conditions réelles sur base de 5 millions d’actes d’achats, elle a été mise en œuvre en 2016 dans l’Hexagone sous l’appellation de « nutri-score » arborant le logo à cinq couleurs et lettres que nous connaissons tous.
Qu’en est-il chez nous, quand et dans quel contexte a été introduit le nutri-score en Belgique ?
Quelle a été la réaction de la grande distribution ?
Expliquez-nous donc le fonctionnement global du nutri-score…
Le nutri-score s’appuie sur plusieurs algorithmes mis au point par l’équipe
Vous êtes, bien sûr, complètement convaincue par cet outil…
Dans le cadre de sa stratégie « De la fourche à la fourchette », la commission se penche toujours sur un système d’étiquetage nutritionnel sur le devant des emballages qui serait quant à lui, obligatoire. Où en sont les travaux ?
La commission a mandaté le JRC (centre commun de recherche) pour effectuer un état des lieux des systèmes existants à la suite duquel le nutri-score a été plutôt bien coté.
Restons justement en Italie, pays du régime méditerranéen par excellence, où la Coldiretti, la puissante organisation agricole du pays, est entrée en guerre contre l’algorithme français, qu’elle espère bien mettre hors-jeu. Elle fustige un système qui, selon elle, diabolise les traditions et précipiterait leur disparition des rayons des magasins. Que répondez-vous à ces détracteurs du nutri-score ?
Je veux bien comprendre qu’il existe des craintes, mais elles sont majoritairement infondées. Les opposants au nutri-score craignent avant tout de perdre des parts de marché. Ils prennent pour exemple le cas des AOP et des IGP en évoquant une perte de la culture culinaire et du terroir, et affirment que le nutri-score favorise uniquement des produits ultra-transformés. Le NutrInform Battery défendu par les Italiens n’est rien d’autre que le GDA (Guideline Daily Amont – repère nutritionnel journalier) lancé en 2014 par l’industrie alimentaire. Il ne correspond pas à des besoins nutritionnels mais à des limites maximales par rapport à des nutriments que nous devons absolument limiter
Ne craignez-vous pas, in fine, qu’un système comme le nutri-score instille la peur et frustre le consommateur ?
Si l’hédonisme dans la nourriture est fondamental, il faut malheureusement prendre en compte une réalité nutritionnelle, et le nutri-score fonctionne tel un outil à disposition des consommateurs. Dans un contexte où l’on sait que l’on mange généralement mal et que l’on a de mauvaises habitudes alimentaires, il est important qu’ils puissent avoir accès à une information concrète. Un produit coloré en orange vif ou en rouge n’est pas synonyme de mauvaise qualité, même si ne consommer que des produits rouges ne va pas améliorer la santé. En utilisant des modèles de simulations mathématiques, la chercheuse française Manon Egnell a ainsi mis en évidence que l’usage du nutri-score sur les emballages permettait de faire baisser de 3,4 % le risque de mortalité par maladie chronique.
Avez-vous eu des levées de boucliers en Belgique, notamment en provenance du secteur agricole ?
Même si elles sont opposées au nutri-score, je n’ai personnellement eu aucun contact avec les associations agricoles belges qui ne se sont pas manifestées, contrairement à la France où le sujet constitue un véritable enjeu et suscite le débat, également au niveau parlementaire. Le ministre David Clarinval n’a, pour sa part, jamais mis en défaut le nutri-score lors des conseils européens des ministres de l’Agriculture. En revanche, durant la pandémie, les producteurs de fromage de Herve se sont rebiffés et sont montés au créneau pour déclarer que le nutri-score était une ineptie et privilégiait l’ultra-transformé. Le limonadier bruxellois bio « Simone a soif » est aussi sorti du bois sur ses réseaux sociaux en s’insurgeant que ses boissons soient classées « D » ou « E » au même titre que le Coca-Cola. Or, le fait qu’elles soient locales et bio n’enlève en rien le sucre qu’elles contiennent !