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«Il faut connecter les réglementations aux réalités du métier d’agriculteur!»

On pouvait sentir sur les joues la main du soleil encerclé de nuages moutonnant, toujours prêts à offrir à boire à la lumière. Dans un souffle long et nécessaire des clameurs s’envolaient joyeusement, égayaient le plateau offert, l’espace d’un long week-end, aux agriculteurs. Une grande famille célébrée au rythme d’un été doucement finissant.

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Emportés par la foule qui les traîne, les entraîne dont le flot les pousse, les enchaîne les uns aux autres, les visiteurs ont arpenté en nombre les espaces et allées tantôt paillées, tantôt gorgées d’eau, du champ de foire.

L’École des jeunes éleveurs fait le show

Enchâssé dans un quartier en périphérie immédiate du centre de Battice, il permet la rencontre entre agriculteurs et citadins « pour leur faire comprendre notre métier, parce que nous avons besoin de leur soutien, nous qui sommes persuadés que l’agriculture reste la clef de notre monde à venir » a déroulé Didier Gustin, le président de la Foire, au moment où les premiers visiteurs s’ébrouaient dans les allées.

Ministres, mandataires politiques et organisateurs ont donné le coup d’envoi officiel  de la foire le samedi matin.
Ministres, mandataires politiques et organisateurs ont donné le coup d’envoi officiel de la foire le samedi matin. - M-F V.

Les enfants et, plus largement la jeunesse, sont depuis toujours au cœur des préoccupations des organisateurs qui ont la volonté de les « former à la découverte de l’agriculture » a insisté M. Gustin, avant de préciser que le champ de foire avait accueilli, lors de la journée des écoles du vendredi, 838 enfants qui ont bénéficié d’une immersion dans le monde agricole par le biais de 51 ateliers ludiques.

L’École des jeunes éleveurs a, quant à elle, attiré la foule et assuré le show dans le Hall des criées. C’est elle qui permet à la Foire de Battice de rayonner au niveau international. Cette année, ce sont non moins de 16 pays qui ont concouru, dont, pour la première fois, la Nouvelle-Zélande.

138 jeunes ont suivi une formation aux techniques de préparation et de présentation de génisses. Pour la première fois, et à la demande de son Herdbook, la célèbre École s’est ouverte à la race BBB permettant à 16 jeunes Wallons de prendre part à ce concours aussi rodé que relevé.

Le Québec séduit par l’agriculture wallonne

Il flottait un parfum, mais aussi les couleurs, de « La belle province » sur le champ de foire. André Lamontagne, le ministre québécois de l’Agriculture, avait fait le déplacement jusqu’à Battice pour évoquer l’affection toute particulière de son pays envers notre région wallonne. Des liens qui se sont tissés au fil de plusieurs décennies de présence respective des deux côtés de l’Atlantique.

L’Ecole des jeunes éleveurs permet à la Foire de Battice de rayonner au niveau international. Cette année, ce sont non moins de 16 pays qui ont concouru.
L’Ecole des jeunes éleveurs permet à la Foire de Battice de rayonner au niveau international. Cette année, ce sont non moins de 16 pays qui ont concouru. - M-F V.

À l’aise aussi bien au gré des allées que sous un chapiteau, il apprécie les foires agricoles qui, au-delà d’une démonstration de savoir-faire, « permettent de rapprocher ceux qui consomment de ceux qui produisent ».

« L’agriculture n’est pas un pan de l’économie comme les autres » a-t-il développé « car il implique l’action de nourrir ses concitoyens. C’est ainsi tout le monde qui a intérêt à se mobiliser pour que le secteur agricole de sa région soit prospère ».

«  Au Québec, nous essayons de mobiliser à la fois les politiques et les citoyens autour du secteur agricole au moment où la notion de la durabilité est plus prégnante que jamais » a indiqué M. Lamontagne qui a lui-même initié dans son pays, à l’automne 2020, un Plan d’agriculture durable 2020-2030 (Pad) doté d’une enveloppe de 125 millions de dollars dont 70 millions de dollars consacrés à la reconnaissance des efforts des producteurs agricoles et des pratiques agroenvironnementales favorables qui vont au-delà des exigences réglementaires et qui généreront des gains environnementaux importants.

Mais au-delà d’un programme de subventions visant à encourager l’adoption de pratiques plus soucieuses de l’environnement, il entend structurer la recherche, augmenter les connaissances dans ce domaine en plein essor, stimuler les transferts technologiques et assurer la formation des agriculteurs.

« Il faut allier nos forces plutôt que de les opposer »

Les agriculteurs. Ce sont bien eux qui sont au cœur de la Foire, eux dont la profession se tourne, en un élan, vers l’avenir en s’impliquant dans les enjeux de demain. Et pourtant, l’agriculture, c’est bien le secteur qui est pointé du doigt dès lors qu’il est question de climat et d’environnement.

Une injustice criante, tant l’agriculture fait partie de la solution. C’est ce qu’a développé Benoît Geron, agriculteur du plateau de Herve, qui s’est mué en porte-voix de la profession. Les haies, les prairies, les cultures ne séquestrent-elles pas le carbone ?

L’agriculture wallonne est raisonnée et quel que soit son type, elle mérite sa place et un accompagnement pour atteindre ses objectifs de durabilité.

Le chapiteau dédié au petit élevage attire un grand nombre de visiteurs, petits et grands. On examine les lapins, on les pèse et l’on mesure la hauteur de leurs oreilles !
Le chapiteau dédié au petit élevage attire un grand nombre de visiteurs, petits et grands. On examine les lapins, on les pèse et l’on mesure la hauteur de leurs oreilles ! - M-F V.

Il faut le reconnaître, les agriculteurs n’ont de cesse de multiplier les efforts pour s’inscrire dans un principe d’économie circulaire qui permet de s’intégrer dans une synergie entre producteurs, consommateurs et environnement.

« Il est nécessaire de rappeler que les piliers économique et social de la durabilité sont aussi importants que l’environnemental » a déroulé le régional de l’étape qui a réclamé l’écoute et le soutien du monde politique en évoquant la nécessité de connecter les réglementations, en évolution constante, aux réalités du métier d’agriculteur.

« Il faut allier nos forces plutôt que de les opposer » a-t-il insisté en se montrant « convaincu » que les progrès de la science et de la recherche pourront épauler les agriculteurs dans l’amélioration de la conduite et de l’efficacité des exploitations wallonnes tout en diminuant leur empreinte écologique.

Les « prédateurs » du foncier agricole wallon

En présence des ministres régional et fédéral, M. Geron a abordé la fameuse Loi sur la restauration de la nature, un sujet qui fâche (beaucoup) le monde agricole européen. « Si l’accord trouvé au sein du parlement européen semble équilibré, nous ne sommes pas en mesure de supporter les coûts supplémentaires liés à ce projet » a-t-il relevé.

L’agriculteur hervien a par ailleurs abordé la problématique de l’instrumentalisation de l’agriculture par l’industrie et la finance qui n’hésitent pas à s’approprier des terres agricoles à des fins de compensations environnementales telles que l’empreinte carbone, la biodiversité.

La conséquence est bien délétère pour les agriculteurs qui voient le prix des terres s’envoler et compliquent, de ce fait, l’installation des jeunes, sujet ô combien crucial pour le monde agricole.

Concours, tonte, exposition,  information ...  Le pôle ovin profite de la Foire de Battice pour faire rayonner ses  activités
Concours, tonte, exposition, information ... Le pôle ovin profite de la Foire de Battice pour faire rayonner ses activités - M-F V.

Pour rappel le prix moyen pour un terrain agricole s’élève à un peu plus de 36.400€/ha.

Le gouvernement wallon s’est d’ailleurs emparé de ce sujet depuis plusieurs années, pour éviter qu’un certain nombre de « prédateurs », pour reprendre les termes du ministre Borsus, ne continuent à mener des projets « dévastateurs » pour le monde agricole.

« Lorsque l’on veut couvrir des hectares de panneaux photovoltaïques, installer des éoliennes partout ou encore privilégier des terres agricoles pour installer de nouvelles zones d’activités économiques, c’est clair qu’il s’agit d’une pression supplémentaire sur la terre » a d’ailleurs indiqué M. Borsus.

« C’est la raison pour laquelle à travers le schéma de développement du territoire nous privilégions désormais les anciennes zones industrielles désaffectées pour les y installer » a-t-il ajouté.

La Loi sur la restauration de la nature s’invite à la Foire

M. Geron a pointé les nombreuses craintes et interrogations que soulève la nouvelle Pac dans sa volonté de protéger de l’environnement. Trop complexe, elle est loin des velléités de simplification administratives pourtant annoncées par l’Exécutif européen. Trop rigide aussi, elle impose des dates fixes pour les travaux dans les champs dans un contexte de variations climatiques

Or « il est essentiel que l’agriculteur reste un acteur majeur et incontournable de sa propre évolution si l’on veut que le futur de l’agriculture européenne soit une réussite ».

Des propos qui ont trouvé un écho favorable auprès du ministre fédéral David Clarinval pour qui le Pacte Vert et ses mesures développées dans sa stratégie « De la fourche à la fourchette » ne peuvent s’appliquer au pied de la lettre.

Un cadre européen (trop) contraignant

Pour étayer son propos, M. Clarinval s’est référé au document transmis il y a deux ans par le Centre commun de recherche de la commission européenne, lequel avait modélisé les effets des stratégies vertes européennes. Il en était ressorti une hausse des prix de 10 % en moyenne et une chute de la production européenne de 10 % à 15 % à l’horizon de 2030.

L’Europe devra proposer des innovations technologiques, de nouvelles initiatives et des solutions si elle veut permettre aux agriculteurs de rencontrer tous les défis qu’elle leur impose. Cela passera forcément par des moyens financiers… et un cadre légal entourant le développement des NBT.

Et c’est bien ce qui a été discuté voici quelques jours à Cordoue (Espagne) lors du sommet informel des ministres européens de l’Agriculture auquel a jutement participé David Clarinval qui vise déjà janvier 2024, date à laquelle la Belgique prendra la tête du conseil européen.

« Partout dans le monde, on développe, on utilise de nouvelles techniques génomiques qui permettent de diminuer la quantité d’eau et de pesticides pour la plante, d’augmenter sa résistance aux ravageurs et de développer une agriculture plus verte » a rappelé M. Clarinval qui souhaite mettre cet outil à disposition des agriculteurs belges.

Il faut qu’ils puissent travailler à « armes » égales, sous peine d’être confrontés à une concurrence déloyale avec le risque d’avoir une agriculture « en retard » par rapport aux autres continents.

Plus de 32.000 visiteurs !

Malgré une préparation de l’événement fortement perturbée pas les pluies qui s’étaient abattues sur la région, forçant les organisateurs à pailler les accès boueux afin d’accueillir au mieux les visiteurs, un nombre record de plus de 32.000 visiteurs a été recensé durant tout le week-end de la Foire. La précédente édition, déjà qualifiée d’exceptionnelle, avait attiré 27.000 personnes. C’est dire que 2023 était un cru exceptionnel.

Marie-France Vienne

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