Accueil Voix de la terre

Les chemins et sentiers de Comines-Warneton

Ah, que j’aime me balader sur nos routes et chemins de campagnes. Le plus souvent accompagnée d’une, deux ou trois amies selon leur emploi du temps… Agricultrices à la retraite, elles aident chacune à leur manière la génération suivante installée sur la ferme.

Temps de lecture : 4 min

Et on papote de tout et de rien, des cultures, de la campagne mais pas que… Des décennies d’amitié nous lient. Elles sont un peu mes sœurs de cœur. Le départ une fois de chez l’une, une fois de chez l’autre et parfois avec le groupe « Les joyeux randonneurs » de Comines.

Nous aimons la compagnie de ces soixantenaires (pour la plupart) curieux de tout et toujours souriants. Sans doute, le grand air rend-il heureux ! J’en suis persuadée. Les chemins et sentiers leur conviennent.

Alors pourquoi ?

La ville de Comines a pour l’instant pour projet d’ouvrir les tracés datant de 1841. Certains chemins ont traversé le temps et sont toujours empruntés par les agriculteurs et marcheurs. Pour cela, pas de problème et les indiquer par des poteaux est judicieux. Cependant, quelle ne fût pas ma surprise de voir un beau matin pousser un poteau au bout de la drève privée de mon fils. Puis, est venu un QR code. Mais, 250 m… et un cul-de-sac en propriété privée. Comprendra qui pourra ! Renseignement pris, un tracé datant de 1841 passait par là, se poursuivant à travers nos champs, puis ceux de deux voisins pour atteindre la grande route en passant par la cour d’un autre cultivateur. Bonjour les risques sanitaires !!

La guerre 14-18 a fait de notre région un no man’s land. Ne restait rien des villes, des fermes, des champs, des prairies, des arbres et des chemins. La désolation la plus totale. Il fallut bien du courage à nos aïeux pour revenir sur leurs terres jonchées de trous d’obus, d’éclats de fer et de barbelés, couvertes de ronces, de chardons et autres indésirables. La terre a tant souffert que l’eau n’y était plus potable. Inimaginable, le travail accompli par ces familles souvent éprouvées par le deuil.

Ils vécurent au début dans des baraquements sur terre battue ! Leurs fermes furent reconstruites presque au même endroit dans les années 1920, juste à côté pour ne pas avoir de problème avec les anciennes fondations. Mais quelques chemins ont complètement disparu des mémoires. Ils n’avaient tout simplement plus lieu d’être.

Quatre générations de notre famille ont cultivé ces terres et n’ont pas connu ce chemin. Comprenez notre désarroi face à la certitude de la commune qui parle de rendre aux citoyens leur droit au passage, dans la cour et au milieu des champs ! Nous avons des actes notariés où n’est mentionnée aucune servitude, ni visible, ni occulte. Nous avons construit un hangar sur « l’ancien tracé de 1841 » pour lequel un permis de bâtir a été délivré par la commune.

Nous avons discuté avec les responsables de la ville. Ils n’entendent rien à nos revendications. La concertation ne fait pas partie de leur vocabulaire. Nous sommes des voleurs de terre pourtant achetée sans servitude. De plus, la commune ne fera pas l’entretien de ces chemins puisqu’ils ne lui appartiennent pas. C’est donc à l’agriculteur de le faire ?

Si on suit la logique communale, à nous de créer un chemin au milieu des champs… De profonds fossés coupent cet ancien tracé, devrons-nous construire des ponts ?

Nous verrons passer des promeneurs. Bien que je n’aie rien contre les verts (je suis moi-même une fervente protectrice de notre belle planète), certains seront peut-être des écolos qui ne comprendront rien à nos pulvérisations.

Le travail de la terre et la poussière qui suit parfois les divers engins… Que vont-ils en penser ? Sans compter le morcellement de notre région comptant encore des petites exploitations. Nous ne sommes pas en Beauce, que diable !!

Nous avons pourtant de la chance à Comines-Warneton ! Notre entité est parcourue par un Ravel et nous avons les chemins de halage le long de la Lys. De belles balades sont aussi possibles dans les bois de la Hutte et du Ploegsteert. De plus, de magnifiques chemins et sentiers morcellent notre belle campagne avec de jolis noms : chemin des loups (où, curieusement, on ne retrouve pas de loups mais des chèvres), chemin du crampon (mais vous n’y trouverez aucune chaussure de foot), chemin du damier (sans les pions)… Vraiment de quoi prendre un bon bol d’air !

Devrons-nous nous battre pour garder notre propriété ? Quelle force avons-nous face à nos élus ? Devons-nous engager un avocat pour une longue et coûteuse procédure ? La ville en a déjà contacté un que chaque habitant de l’entité payera indirectement. David gagnera-t-il contre Goliath ?

Manou de Warneton

A lire aussi en Voix de la terre

L’agrivoltaïsme: un sujet de lutte paysanne

Voix de la terre Le 17 avril 1996, au Brésil, 19 membres du mouvement des paysans sans terre furent massacrés par des tueurs à la solde de grands producteurs terriers. Depuis lors, Via Campesina a décrété que le 17 avril serait la journée internationale des luttes paysannes. En cette période de révolte agricole, le Réseau de Soutien à l’Agriculture Paysanne (RESAP) et la Fugea signalent une nouvelle menace pour les terres agricoles et pour l’accès à la terre : l’agrivoltaïsme.
Voir plus d'articles