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La Botte secrète du Hainaut

Région un peu à l’écart des feux de l’actualité, la Botte du Hainaut connaît elle aussi le développement de ses vignobles. Plusieurs projets d’envergure se dessinent dans les prochains mois.

Temps de lecture : 7 min

Excroissance de territoire coincée entre l’Ardenne et la France, la Botte du Hainaut est l’un des coins méconnus du sud de la province, sinon de la Wallonie. Bordée au nord par la Thudinie, à l’ouest et au sud par la France, et à l’est par la province de Namur, la Botte du Hainaut se compose de cinq communes : Beaumont, Chimay, Froidchapelle, Momignies et Sivry-Rance. Peu peuplés, les villages sont entourés de vastes prairies vallonnées, de bois et de lacs, et le temps s’y écoule paisiblement, loin des grands axes de transport et de tourisme. Un avantage ou un défaut, c’est selon…

Les vignobles y sont encore peu nombreux et de petite taille, alors que la viticulture est en pleine mutation dans le reste de la province grâce aux locomotives que sont le domaine du Chant d’Eole, Ruffus ou Mont des Anges. Le Hainaut produit en effet plus de la moitié des effervescents du pays.

Les récentes plantations de In Vino Verit’Ath (8 ha) et Colruyt (4 ha qui seront doublés en 2024) à Frasnes-lez-Anvaing vont encore renforcer cela, comme le projet de Sophie Le Clercq et Eric Boschman qui est en cours de développement dans la Botte du Hainaut, à Montjumont, ou celui d’investisseurs français non loin de là. Ce second projet étant encore en recherche de financement, il n’en sera donc pas question ici… Mais avant d’aller plus loin, un point sur l’existant.

Le vignoble du Garde Loup, à Sivry-Rance

Camille Lobet et son épouse Marie exploitent la Ferme du Gard à Sivry-Rance et ont aménagé une ancienne grange en gîte de grande capacité (27 personnes) ; le couple a proposé pendant quelques années des activités pédagogiques de sensibilisation des enfants et des adolescents à l’agriculture et à une alimentation en lien avec le terroir. La principale activité de leur exploitation agricole est l’élevage de bovin de race Blanc Bleu Belge.

Membre de la Confrérie des Bienheureux de Dambacq-la-Ville en Alsace, Camille s’enthousiasme pour la viticulture et décide, en 2019, de planter 4.000 pieds de vignes de cépages alsaciens sur un terrain attenant à la ferme : pinot blanc, pinot noir, auxerrois et chardonnay. En 2022, il ajoute 500 pieds et encore 250 l’année suivante, pour arriver à 1,5 ha environ.

A la tête de la Ferme du Gard, Camille Lobet en a assuré la belle diversification.
A la tête de la Ferme du Gard, Camille Lobet en a assuré la belle diversification. - Marc Vanel

Intéressé par la reprise future de l’exploitation agricole – pour l’instant, il soigne les pandas de Pairi Daiza – son petit-fils Cyril décide de le rejoindre dans les vignes. Pour se former, il suit un graduat en agronomie et gestion à la HECH Isia de Huy. C’est dans ce cadre qu’il effectue un mémoire sur le thème des gelées tardives de la vigne en Wallonie ainsi qu’un stage au Vignoble du Château de Bousval.

« J’étais intrigué de planter en Belgique mais on s’est plongés à deux dedans. Nous n’allons pas nous « industrialiser », mais notre but est bien la diversification. Je pense que l’on ne dépassera pas 3 ou 4 ha dans les cinq ans. J’aimerais faire des vins blancs et rosés les plus naturels possible, mais pas de bulles », explique Cyril.

Les trois premières cuvées (3x100 bouteilles) sont sorties à la mi-2023 et ont été baptisées « Regard de Loup », « Louvard » et « K1000 » : essai transformé (infos : la-ferme-du-gard.be).

Cyril et Camille Lobet collaborent volontiers avec deux vignerons voisins, Baudouin Neirynck à Rièzes et Thomas Constant à Bourlers, pour des échanges de pratiques ou de matériel.

Le domaine Marie Astrid, à Rièzes

À l’extrême sud de la Thiérache belge, le village de Rièzes est à deux pas de la France mais fait partie de la commune de Chimay. Après trente ans passés à l’étranger, Baudouin Neirynck achète une ancienne maison de maître de 1888 sur une propriété de 2 ha sur lesquels il plante des vignes et des fruitiers. Trois chambres d’hôtes sont également aménagées.

Le premier choix s’est porté ici sur le chardonnay et le pinot noir, tous deux plantés en avril 2019, mais étant donné quelques pertes liées aux travaux de rénovation, 750 pieds ont été remplacés par du souvignier gris peu de temps après, une variété résistante très en vogue en Wallonie aujourd’hui. Les premières bouteilles ne sauraient tarder, elles seront réalisées en collaboration avec la famille Lobet.

À noter que le nom du domaine est la juxtaposition des deux prénoms des filles de Baudouin Neirynck et que celui-ci a également créé une épicerie de terroir avec des produits locaux de base et donne des cours d’œnologie (infos : domainemarieastrid.be).

Le domaine du Longchamp, à Bourlers

Actif dans le développement rural, Thomas Constant habite à Bourlers, à deux pas de l’Abbaye Notre-Dame de Scourmont où est brassée la bière de Chimay. En 2020, avec son épouse Sabrina Dery et leurs trois enfants, ils décident de planter 40 ares de vignes.

« Nous sommes tous deux passionnés de vin. Nous avons souvent visité les vignobles alsaciens ou du Rhône, notamment. Comme nous disposons d’un terrain derrière notre jardin, nous avons planté en avril 2020 des cépages résistants : 600 pieds de johanniter, 300 de muscaris et de souvignier gris, et 200 de cabernet cortis », explique Thomas.

Récolte au domaine du Longchamp où l’on retrouve johanniter,  muscaris, souvignier gris et cabernet cortis.
Récolte au domaine du Longchamp où l’on retrouve johanniter, muscaris, souvignier gris et cabernet cortis. - Thomas Constant

Et d’ajouter : « Famille et amis, nous aimons nous retrouver dans le vignoble pour le petit coup de pouce, mais aussi pour y partager de bons moments autour d’un verre de vin ou d’une bonne bière locale. Le vin rime avec partages et échanges ».

« Notre première vendange s’est déroulée début octobre et nous en sommes très satisfaits. Nous n’avons pas dû traiter une seule fois, nous avons été épargnés par le mildiou et l’oïdium et la qualité sanitaire est excellente. Nous venons d’acheter une machine intercep pour travailler la bande de terre située sous le rang, et si tout se passe bien, il nous reste de la place pour planter 2 ha… » (Plus d’infos : Facebook).

Le vignoble du Quartier St-Jacques, à Rance

Marc De Brouwer a pendant longtemps habité à Bruxelles où il a exploité un vignoble pédagogique à deux endroits différents, dernièrement dans la réserve naturelle du Kauwberg, à Uccle. Fondateur de l’asbl CEP-vdqa (Centre d’étude et de promotion des vins de qualité artisanale), Marc est incontestablement l’un de ceux qui ont le plus fait pour la vulgarisation de la viticulture en Belgique à travers le site vignes.be ou, notamment, la réédition de l’étude de Joseph Halkin sur la culture de la vigne en Belgique parue en 1895, et des dizaines de séances d’explication sur la taille. Notamment.

Régent en mathématiques et sciences, il élabore des vins de fruits dans les années 70 avant de se convertir à la vigne fin des années 80. Il n’aura de cesse de porter la bonne parole.

À sa retraite en 2018, il construit une maison à Rance, région natale de sa femme Annick Bernard, et il replante bien sûr quelques dizaines de pieds de vigne dans son jardin de la rue Frégette. Outre trois variétés de raisins de table (catarina, galanth et garant), on y retrouve ses cépages résistants de cœur : regent, rondo, solaris, souvignier gris, muscaris, cabernet cortis et johanniter., tous cultivés en bio. Sa cave est une véritable grotte au trésor, où il réalise divers assemblages et expérimentations. Le résultat est réservé à son usage personnel…

Marc De Brouwer entouré de ses multiples touries.
Marc De Brouwer entouré de ses multiples touries. - Marc Vanel

Il a opté pour un chauffage des pieds de vigne avec des Leds (Frolight) pour se protéger des gelées tardives. Ce printemps, les Leds se sont allumées trois fois en mai, évitant les dégâts sur les jeunes bourgeons.

À côté du vignoble de son jardin, Marc entretient également un vieux verger, des parterres fleuris et mellifères, une pelouse fleurie, une mare naturelle, 100 m de haies et des espaces où se développe une nature spontanée. Enfin, il travaille actuellement sur l’histoire de la vigne et du vin en Belgique, de laquelle il tirera un roman graphique dont le titre provisoire est « La fabuleuse aventure de Vincent Delvigne à la recherche de ses origines » (infos : vignes.be).

À noter que d’autres amateurs ont planté de la vigne avant lui dans la Botte du Hainaut : Ludovic Goossens, aujourd’hui décédé, a cultivé du baco noir à Froidchapelle et Dominique Chevalier a planté quelques pieds à Montbliart sur un coteau bien orienté où le schiste affleure mais où malheureusement ses ceps n’ont trouvé le terrain idéal pour se développer. Il ne lui en reste que quelques pieds…

Marc Vanel

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