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La «Ducasse», une nouvelle variété de pomme bio sur nos étals

Son nom est une invitation à la fête et à la célébration du terroir. Il résonne comme une ode à l’enfance, son voyage, ce glougloutant courant profond dans la lumière du jour. Avec ses excellentes qualités gustatives, cette pomme issue d’un programme de sélection participative offre de jolies perspectives aux producteurs wallons.

Temps de lecture : 5 min

Le fruit a été officiellement présenté à la presse le 1er décembre dernier au cœur de la célèbre enseigne bruxelloise « Rob », pourvoyeuse de produits de bouche de qualité depuis 75 ans, en présence de représentants de l’Ifel-w (interprofession fruits et légumes de Wallonie), de l’Apaq-w, du Cra-w, du Gawi (groupement des Arboriculteurs wallons pratiquant la production intégrée ou la production biologique) et de plusieurs producteurs.

Sauvegarde du patrimoine fruitier wallon

Marc Lateur, directeur de recherche au sein de l’unité biodiversité et amélioration des plantes au Cra-w est l’un des pionniers de la sélection en matière de variétés de fruits et de pommes et de poires en particulier. Il était bien entendu de la partie en tant que l’un des « pères » de la Ducasse.

Cette pomme bicolore à chair jaunâtre «possède d’excellentes qualités gustatives qui allient une panoplie d’arômes différents avec un bon équilibre entre sucre et acidité».
Cette pomme bicolore à chair jaunâtre «possède d’excellentes qualités gustatives qui allient une panoplie d’arômes différents avec un bon équilibre entre sucre et acidité». - M-F V.

Mais pour savoir où l’on va, il faut comprendre d’où l’on vient. Et M. Lateur de rappeler le rayonnement de notre pays en matière de fruiticulture. La Belgique est en effet à l’origine de la création de non moins de 1.000 variétés de poires et d’une soixantaine de pommes entre 1750 et 1850, une période qui constitue le véritable âge d’or de la création de variétés fruitières. Le pomologue montois Nicolas Hardenpont a été quant à lui le premier à créer la poire fondante (« Beurré d’Hardenpont ») en 1759.

Un patrimoine qui s’est quelque peu effiloché au fil des siècles. C’est Charles Populer, chercheur et phytopathologiste au Cra-w, qui a décidé de prospecter et de se pencher sur ces variétés anciennes cultivées sans traitement aucun, bien aidé par les citoyens.

Séduits par sa démarche, eux aussi désireux de sauvegarder ce patrimoine historique et culturel qui représente un réservoir génétique indispensable à la préservation de notre biodiversité, de très nombreux propriétaires lui ont ouvert les portes de leur verger.

Le long cheminement vers un fruit unique

Ces variétés ont été ensuite plantées sans subir le moindre traitement. Un contexte qui a permis d’observer années après années leur comportement vis-à-vis des maladies, des ravageurs, du climat. « Comme le public nous a aidé, nous avons décidé de les rediffuser vers lui » déroule Marc Lateur.

Nous étions alors en 1985, moment auquel le Cra-w initie un réseau de petits pépiniéristes afin que les amateurs puissent produire naturellement chez eux des fruits sans recourir au moindre traitement.

Si l’initiative rencontre un franc succès auprès des particuliers, elle s’avère décevante chez les producteurs car « ces variétés étaient adaptées à un système de culture ancien et il faut savoir que les professionnels font des basses-tiges » explique le chercheur. Sans compter que les variétés anciennes produisent des fruits de grande qualité, mais éphémères.

Le Cra-w a donc remis l’ouvrage sur le métier. Avec plus de 1.000 variétés de pommes en collection, les chercheurs font des combinaisons et des croisements qui devront rencontrer des critères d’excellence en matière de goût, de tolérance aux maladies, de bonne conservation et de stabilité de la qualité dans le temps.

La « Ducasse » est issue « d’une sélection participative » a insisté Marc Lateur, car « nous avons impliqué dès le départ les producteurs, nos partenaires dans cette démarche, auxquels nous avons offert l’exclusivité de nos variétés ».

Commencé en 2016, ce programme avait déjà permis de sélectionner la « Coxybelle » voici quelques années.

Philippe Thiry, superviseur technique au sein du Gawi encadre les producteurs qui ont choisi le nom de la nouvelle venue. Entre « Kermesse » et « Ducasse, » leur cœur a longtemps balancé.

Croisement entre « Reinette Libotte » et « Rubinola »

Alain Dirick fait partie de ces producteurs qui ont reçu une dizaine d’arbres en essai. Il en compte désormais plus de 10.000 et ne tarit pas d’éloges sur la « Ducasse », fruit du croisement entre la « Reinette Libotte », une variété ancienne d’origine liégeoise peu sensible à la tavelure et à l’oïdium et la variété tchèque « Rubinola » qui possède le gène Vf (Venturia floribunda) de résistance aux souches communes de la tavelure.

Cette pomme bicolore à chair jaunâtre « possède d’excellentes qualités gustatives qui allient une panoplie d’arômes différents avec un bon équilibre entre sucre et acidité » a indiqué M. Dirick avant de souligner sa grande capacité à conserver de bonnes qualités organoleptiques après de nombreux mois de conservation. En tout cas, « elle ne devient jamais farineuse » renchérit Marc Lateur.

Uniquement cultivée en bio, elle se récolte entre le début et la mi-octobre et ne nécessite que très peu de traitement par rapport à la Pink Lady ou la Jonagold. « Cela signifie moins d’intrant, de passage et d’impact CO2 et moins de tassement de terre ».

Une pomme qui fait l’unanimité chez les producteurs

Aux Vergers de la Vallée, dont la conversion en bio a démarré voici cinq ans, Gaspard Fallon s’est lancé, lui aussi, dans la production de pommes « Ducasse ». Pour lui, « c’est passionnant de pouvoir s’appuyer sur le passé pour faire une pomme d’avenir ».

« La Ducasse est intéressante au niveau commercial car elle se conserve très bien, c’est une très bonne pomme de deuxième partie de saison. Elle est excellente au goût, c’est ma préférée, très acidulée au début et qui va sucrer ensuite » nous indique le jeune fruiticulteur, ravi d’avoir pu travailler avec Marc Lateur sur ce projet.

Le seul petit bémol se situe au niveau du rendement qui tourne autour de 25 à 30 tonnes maximum, « mais c’est largement compensé par l’aspect qualitatif du fruit » nuance pour sa part Jacinto Palma Dias, coordinateur de l’Ifel-w.

Marie-France Vienne

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