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L’Europe lave plus blanc

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La commission est dans l’œil d’un cyclone déclenché par le ras-le-bol des agriculteurs et plus généralement du monde rural. Elle s’y est quand même mise toute seule, dans le pétrin. On croyait le feu éteint, mais les protestations du secteur agricole se poursuivent. Partout, le prix des carburants, les normes environnementales et la complexité de la Pac sont décriés. Tout comme les utopies vertes déconnectées de l’ancien commissaire en charge du Pacte Vert, Frans Timmermans, et des eurodéputés écologistes.

On reproche à la commission d’asphyxier ceux qui produisent en Europe avec des normes, des règles, des contraintes de plus en plus lourdes, bref de rendre impossible la vie des agriculteurs européens. Plus largement, l’Europe veut laver plus blanc que blanc. Prenons la fin des moteurs thermiques décidée pour 2035, une thématique soulevée par le démocrate-chrétien Benoît Lutgen (voir en pages intérieures). Peut-on sérieusement évaluer aujourd’hui les conséquences d’un passage complet à la voiture électrique d’ici cette échéance ? Produirons-nous suffisamment d’énergie pour les faire rouler ? Où trouverons-nous les matériaux pour les fabriquer ? Nos constructeurs résisteront-ils au raz-de-marée des batteries chinoises ? Et d’ailleurs aurons-nous la capacité de les recycler ? Sans compter que le tout à l’électrique va rendre l’Europe dépendante des composants de batteries « made in China ». Il n’est pas inutile de rappeler que l’automobile, premier mode de déplacement des Européens, représente un peu moins de 15 % des émissions de CO2 totales dans l’UE.

Au fait, quid de l’agriculture ? Le nombre de véhicules agricoles électriques est anecdotique et les tracteurs sur batterie sont encore loin d’essaimer dans les exploitations. Les agriculteurs qui se battent pour un revenu décent ne semblent pas près de se ruer sur des engins qui coûteraient entre 2 et 2,5 fois plus cher qu’un moteur diesel. Électrifiera-t-on d’ici 2035 des moissonneuses-batteuses qui nécessitent une utilisation longue à une grosse puissance ? On peut légitimement en douter, d’autant que l’offre est encore balbutiante et que la demande est peu soutenue.

Avec son obsession d’arrêter complètement d’émettre du carbone comme si elle était seule responsable de l’avenir du climat sur la planète, l’Europe finira par arrêter totalement de produire.

À ce propos, la commission a été obligée de rétropédaler sur le glyphosate et, plus récemment encore, sur le règlement relatif aux pesticides. Les études se multiplient pour mettre en évidence leur dangerosité sur l’homme et la nature, mais leur mise au ban pourrait fragiliser le modèle de production européen. L’Europe se fourvoie aussi sur ce dossier, préférant les rodomontades et autres effets de manches aux moyens financiers idoines pour rencontrer des objectifs dont la hauteur interroge.

Marie-France Vienne

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