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Le stress de leurs animaux: ce que les éleveurs de poules redoutent le plus!

Après près de quatre mois de confinement, les poules pondeuses de la ferme des Longs-Prés à Rognée, près de Walcourt, peuvent enfin profiter de leur espace en plein air. Une nouvelle vie pour ces 15.000 volailles dont le tempérament stressé n’est pas vraiment enclin aux changements. Laurent Decaluwé, éleveur bio, nous a ouvert les portes de ses bâtiments pour discuter des mesures prises contre la grippe aviaire. Des mesures lourdes de conséquences pour ces animaux qui produisent en moyenne 14.000 œufs par jour.

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Timidement, les poules de la ferme des Longs-Prés se baladent dans la prairie qui leur est dédiée. À pas de sioux, elles s’avancent parmi les hautes herbes de leur nouvel environnement. Ce 6 avril, suite à la levée du confinement instauré pour lutter contre la grippe aviaire, Laurent Decaluwé a enfin pu ouvrir les trappes de leur bâtiment. Heureusement, lors de notre rencontre, l’ensoleillement est faible, ce qui leur permet de s’acclimater progressivement. Car si ces animaux peuvent être qualifiés d’athlètes de haut niveau en raison de leur production, de petits changements, presque anodins, peuvent tout bouleverser. « Ma plus grande crainte dans l’élevage de poules pondeuses, c’est le stress », confie d’ailleurs leur propriétaire.

Ce dernier indique que le problème ne réside pas dans le fait de confiner ou de laisser les animaux vivre en plein air, mais plutôt de passer d’une situation à une autre. Et avec les mesures mises en place le 9 décembre 2023, leur quotidien bien réglé a été sérieusement perturbé. Au niveau de l’espace de vie, elles sont passées de 4 m² par volaille à l’extérieur contre 6 poules par m² dans le bâtiment. « Ce changement exacerbe leurs traits de caractère. Par exemple, une poule qui mange beaucoup va s’alimenter davantage, et une qui est dominante le sera encore plus. Ensuite, surviennent les picages. C’est un problème multifactoriel : plusieurs éléments mis bout à bout peuvent les provoquer ».

Au début, ces mordillements peuvent sembler plutôt anodins, mais la situation peut rapidement dégénérer. D’autant plus qu’en agriculture biologique, les poules ne sont pas épointées (le bec n’est pas raccourci). Des lésions pourront donc être visibles à long terme. Mais peut-on dire qu’elles peuvent entraîner la mort ? Pas si sûr, selon l’éleveur : « On ne peut jamais attribuer une mortalité au picage, mais il y a toujours une augmentation de celle-ci lorsqu’on les enferme ».

De plus, pour ces volailles déjà sous haute tension, dans un espace réduit par rapport à d’habitude, trouver une échappatoire est loin d’être évident. En effet, dans cet élevage, les animaux vivent au sol, sur le même niveau. Par conséquent, contrairement à une volière, par exemple, il peut être plus difficile pour eux de se prémunir de leurs congénères les plus agressifs.

10 poules mortes par jour lors du dernier déconfinement

Cependant, si tout porte à croire que le déconfinement est la panacée pour ces volailles, là encore la situation est plus complexe, comme le raconte l’éleveur en faisant visiter son exploitation. Après avoir bien suivi les différentes mesures de biosécurité, il nous montre l’intérieur du bâtiment. Un endroit au calme ? Pas si sûr. Ici, les poules ont droit à de la musique. Une astuce de plus pour éviter à ces grandes stressées d’avoir peur dès qu’elles entendent le moindre bruit.

« L’année passée, le confinement a été très long, presque huit mois. Mes animaux allaient plutôt bien, et je n’avais pas rencontré de souci avec eux. Lorsqu’on y a été autorisés, j’ai ouvert les trappes pour les faire sortir. À partir de ce moment, j’ai commencé à avoir des poules mortes. Il y en avait environ 10 par jour ! Après en avoir cherché les causes, suite à un souci technique, les animaux sont restés à l’intérieur. La mortalité a alors chuté ! Quand les trappes s’ouvraient, les poules étaient si stressées qu’elles succombaient d’une crise cardiaque. Finalement, elles sont restées dans le poulailler », se souvient-il.

Malgré cela, l’éleveur prône l’élevage en plein air, c’est pourquoi, dès qu’il a appris la bonne nouvelle en avril, il a permis à ses bêtes d’accéder à l’espace extérieur. L’objectif ? Qu’elles puissent y retrouver leurs habitudes le plus rapidement possible… le tout en croisant les doigts pour que la situation ne change pas du tout au tout dans les jours à venir. « Si on nous dit qu’il faut reconfiner, ce serait une catastrophe. Mais, je préfère suivre ces recommandations, même si elles engendrent des soucis dans l’élevage, que les enfreindre et mettre les poules en danger ».

Catherine Colot du Collège des producteurs avec Laurent Decaluwé qui a lancé cette spéculation en 2016.
Catherine Colot du Collège des producteurs avec Laurent Decaluwé qui a lancé cette spéculation en 2016. - D.T.

Un prix garanti

Par ailleurs, rappelons qu’un éleveur qui choisit de ne pas déconfiner ses poules, si les mesures le permettent, perdra le code 1 après 16 semaines. Les œufs auront dès lors le numéro 2, soit élevées au sol. « Mais depuis l’année passée, lorsqu’un confinement est obligatoire, les agriculteurs ne passent plus du code 1 à 2 automatiquement après ce laps de temps. Ils peuvent le garder jusqu’à la fin des mesures et donc conserver le même tarif pour leur produit », ajoute Catherine Colot, du Collège des producteurs.

Un prix garanti pour ces éleveurs qui ne doivent pas changer la ration des bêtes, qu’elles soient dehors ou dedans. « Nous adaptons juste l’alimentation en fonction de leur âge pour correspondre à leurs besoins », souligne Laurent Decaluwé. Jusqu’à 35 semaines, celle-ci sera plus riche en protéines afin d’augmenter la masse musculaire. Cet apport est ensuite diminué et la nourriture reste identique jusqu’à 65 semaines. Par la suite, elle pourra être réadaptée avec, par exemple, un supplément de calcium, des coquilles d’huîtres… pour permettre notamment une bonne fabrication de la coquille d’œuf.

Des premières semaines cruciales

À la ferme des Longs-Prés, les poules sont réparties en deux bâtiments. Un avec 12.000 animaux, l’autre avec 3.000 bêtes. Les pensionnaires ont des âges différents, ce qui permet d’avoir des œufs tout au long de l’année. Et si leur vie est la même, leur caractère est bien différent. Ainsi, dans le lot des poules plus âgées, elles sont moins dociles que les plus jeunes. Selon Laurent Decaluwé, la manière dont elles ont été élevées avant d’arriver chez lui joue un rôle essentiel. « Par exemple, si les consignes n’ont pas été respectées ou si les poussins ont été mal manipulés lors de leur vaccination, c’est certain : ces poules seront stressées toute leur vie ». Autant dire que dans le secteur avicole, comme pour les autres élevages, rien ne s’improvise : le moindre petit grain de sable peut faire toute la différence.

Les volailles sont réparties en deux bâtiments  distincts, selon leur âge.
Les volailles sont réparties en deux bâtiments distincts, selon leur âge. - D.T.

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