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Seules trois agricultrices maîtrisent encore la tradition du vrai maton de Grammont

À Grammont, Lynn De Bruyne est une des seules agricultrices à encore produire du maton traditionnel. « C’est un travail intensif et chronophage, mais ces pâtisseries restent populaires », explique-t-elle. Pour preuve, elle en produit environ 500 à 600 kg par semaine, principalement écoulés auprès des boulangers, mais aussi des particuliers.

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Les premières recettes de tartes au maton remontent aux 14ème et 15ème  siècles, et la famille de Lynn peut se targuer d’écrire une petite partie de l’histoire de cette délicieuse douceur. « J’ai pris la relève de ma mère qui, elle-même, a succédé à ma grand-mère qui fabriquait déjà du maton à partir de son propre lait frais », explique Lynn qui travaille actuellement avec son père dans leur exploitation laitière de Grammont.

Depuis sa plus tendre enfance, la jeune fille sait qu’elle veut devenir agricultrice, et elle a bien l’intention de reprendre l’exploitation familiale. Outre la préparation des matons, elle est responsable de l’alimentation du troupeau tandis que son père, Richard De Bruyne, effectue les travaux des champs et s’occupe du troupeau et du paillage.

Kristof, le compagnon de Lynn, montre également de l’enthousiasme pour ce projet de reprise. Il a d’ailleurs lui-même repris l’exploitation de ses parents, à Kapelle-op-den-Bos. « Nos fermes sont assez éloignées l’une de l’autre, mais il ne se consacre qu’aux cultures. Nos deux activités se complètent. »

Tant Lynn que Kristof, son compagnon,  désirent poursuivre l'activité de leurs  parents.
Tant Lynn que Kristof, son compagnon, désirent poursuivre l'activité de leurs parents. - SN

Une tradition à perpétuer

Dans la région de Grammont, seules trois agricultrices produisent encore les matons traditionnels : Lynn, Anne et Ivona. « Mes deux collègues ont respectivement 63 et 46 ans », raconte la jeune agricultrice. « Si dans quelques années nous ne sommes plus que deux, ou que je me retrouve seule, nous ne pourrons pas répondre à la demande. Ce serait dommage. »

Autrefois, la fabrication du maton constituait un bon moyen de réduire l’excédent de lait ou d’éviter qu’il ne tourne aigre. Pour prolonger la durée de conservation du lait, des produits tels que le beurre, le fromage et les matons ont été créés, des aliments aujourd’hui indispensables. C’est donc un processus précis qui nécessite un savoir-faire bien particulier.

La confrérie de la tarte au maton de Grammont

Pour bien comprendre la tradition de la tarte au maton, il faut donc se souvenir que c’est un produit qui affiche plusieurs siècles au compteur. En 1979, des membres de l’Association des Boulangers ont décidé de créer la confrérie de la tarte au maton de Grammont, afin de faire de ce dessert un produit régional. Cette confrérie avait pour but de promouvoir l’avenir et la qualité de la tarte au maton traditionnelle. Un objectif atteint, vu sa popularité dans tout le pays.

La confrérie de la tarte au maton a également battu un record du monde en 2001, en cuisant la plus grande tarte au maton jamais réalisée, d’une superficie de 16 m². C’est Ghislain De Vuyst, de Herzele, qui détenait le précédent record datant de 1976, avec une tarte d’environ 11 m².

La fabrication du maton est très physique, car elle se réalise entièrement à la main.
La fabrication du maton est très physique, car elle se réalise entièrement à la main. - S.N.

Un peu plus tard, en 2007, la confrérie obtient que la tarte au maton de Grammont bénéficie d’une indication géographique protégée, faisant d’elle le premier produit régional de Flandre à recevoir cette distinction. Le nom « Tarte au maton de Grammont » ne peut donc être utilisé que s’ils sont produits selon la recette traditionnelle dans une ferme de Grammont ou Lierde.

Toujours très populaires

« Bien sûr, les boulangers installés en dehors de nos communes en fabriquent également, mais ils ne peuvent pas les appeler des tartes au maton de Grammont », précise Lynn. Ces petites pâtisseries restent très populaires, même après des centaines d’années… Il y a peu, elles ont encore fait la une des journaux, lorsqu’elles ont été officiellement reconnues par les autorités en tant que produit régional flamand. « De plus en plus de personnes redécouvrent notre spécialité », affirme l’agricultrice.

Un travail réalisé à la main

Pour Lynn, une journée de travail commence par la traite de ses 120 vaches. « C’est mon activité préférée de la journée », raconte-elle. « Nous utilisons un système de traite en épi. Je ne suis pas vraiment partisane d’un robot, car sur cette exploitation, cela ne fonctionnerait pas aussi bien. »

Pour ses matons, l’agricultrice a immédiatement besoin de tout le lait trait le matin. « Pour 1 kg de maton, j’ai besoin d’environ 7 l de lait », explique-t-elle. Et de préciser : « Heureusement, je travaille sur commande et sais donc toujours précisément la quantité de lait dont j’ai besoin ».

Au total, 50 à 60 % de la production laitière sont consacrés à la fabrication des matons.

Après environ 5 à 7 h de séchage, les matons sont prêts à être réfrigérés. Avant de partir chez le boulanger...
Après environ 5 à 7 h de séchage, les matons sont prêts à être réfrigérés. Avant de partir chez le boulanger... - S.N.

Le lait frais arrive immédiatement après la traite dans des cuves de cuisson de 90 l, à une température de 30 à 34ºC. « Le fait que je n’aie pas à réchauffer le lait à partir de 0ºC me permet d’économiser de l’énergie. »

Une fois que le lait atteint une température de 85ºC et bouillonne, l’agricultrice y ajoute 1 l de vinaigre, ce qui permet au lait de cailler pour ensuite former les matons. « Ensuite, je verse ceux-ci dans une étamine, que je noue et suspends au-dessus d’un grand évier pour qu’ils s’égouttent », raconte Lynn.

« Après environ 5 à 7 heures, les matons sont secs et forment une grosse boule qui ressemble plus ou moins à une boule de fromage. Elles vont au réfrigérateur, puis le boulanger vient les chercher. Aucune machine n’est utilisée. »

Lynn est la seule agricultrice à travailler avec des cuves séparées. « Les autres appliquent le principe du bain-marie et travaillent avec une cuve de 700 à 800 l », explique-t-elle. « Mon lait chauffe plus rapidement, mais ensuite, je me retrouve face à une certaine quantité de vaisselle, ce qui prend aussi beaucoup de temps. »

L’art du boulanger

« Les matons que le boulanger vient chercher chez nous n’ont pas beaucoup de goût », poursuit Lynn. « Dans la boulangerie, il les passe dans un hachoir, puis ajoute des œufs et du sucre afin de réaliser la base de sa tarte. En réalité, la recette des tartes au maton est définie, mais chaque boulanger y ajoute sa propre touche avec un ingrédient secret. Elles sont toutes différentes. »

Pour terminer ces pâtisseries, le boulanger place de la pâte feuilletée dans de petits moules, puis y ajoute son appareil. Il termine avec une seconde pâte feuilletée par-dessus et soude bien les deux ensemble, avant de faire des « cheminées » dans la couche supérieure pour que la vapeur puisse s’échapper pendant la cuisson. Les tartes passent au four, et ressortent prêtes à être dégustées.

La jeune femme connaît la recette par cœur, mais avoue n’avoir jamais réalisé une tarte au maton de A à Z. « Parfois, j’ai un peu honte d’entrer chez le boulanger pour commander des tartes au maton, mais c’est si facile et elles sont toujours délicieuses. »

D’après Sanne Nuyts

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