Accueil Voix de la terre

Un mal qui répand la terreur…

Ils ne meurent pas tous, mais tous sont frappés ! Nos moutons sont malades de la Fièvre Catarrhale Ovine, FCO pour faire court, ou encore BTV – Blue Tong Virus –, virus de la langue bleue. Bref, une belle saloperie au goût de déjà-vu, de déjà-subi.

Temps de lecture : 4 min

Perchés là-haut à plus de 500 mètres d’altitude sur nos hauts-plateaux de Centre Ardenne, nous comptions naïvement échapper à l’épidémie, grâce à nos nuits fraîches et nos jours sombres. Espoir déçu ! Quelques journées de canicule ont suffi pour attirer ces polissons de culicoïdes vecteurs. La FCO s’est propagée comme une lame de fond et submerge nos élevages ovins depuis une semaine. Les bovins ne sont pas encore -jusqu’à quand ?- victimes du virus. Les symptômes rappellent ceux d’une grippe humaine : douleurs articulaires et musculaires, fièvre, perte d’appétit, nez enrhumé, gorge gargouillante, mufle et langue couverts d’aphtes. Les moutons ne se comportent plus en moutons. La cohésion du troupeau est réduite à néant ; les animaux sont dispersés à gauche et à droite et ne se préoccupent plus de leurs congénères. Il est fort étonnant, autant que déroutant, de voir trois brebis dans la bergerie, quatre sous les arbres, deux en train de brouter à genoux en plein soleil, une autre étalée de tout son long à côté de l’abreuvoir, tout le monde dispersé dans les prairies…

Une dame propriétaire de trois tondeuses écologiques, des moutons d’Ouessant, s’est demandée si ses petits chéris pleins de vie n’avaient pas été drogués, tant ils semblaient « sous influence », tête au ras du sol et titubant comme des pochtrons en fin de soirée de guindaille. Les races viandeuses, Texel et Suffolk, sont fort accablées, tandis que les « zinnekes » -mélanges de diverses races- supportent mieux le choc. Ainsi chez nous, Pongo et Perdita, deux agneaux de huit mois issus d’une brebis demi-camerounaise et d’un Baggerbonte, ainsi que Mascotte et Bonita, filles d’une Scottish Blackface, se portent comme des charmes, au contraire de leurs demi-frères et sœurs. Les gros béliers sont particulièrement touchés et ne s’intéressent pas du tout, mais alors là pas du tout à leurs compagnes. Leur sac à trésor pend quasi au ras du sol pour refroidir leur fabrique de gamètes, ébouillantée par la fièvre. Les brebis non plus, il est vrai, ne sont guère tentées par la bagatelle. Aurons-nous des agneaux en janvier-février-mars ? C’est très mal parti…

Jusqu’à présent- touchons du bois ! –, nous n’avons pas encore déploré de décès. Ce n’est pas le cas dans tous les troupeaux. Rendac est noyé d’appels de petits éleveurs, même pas répertoriés chez eux ! Ses camions roulent des centaines de kilomètres chaque jour pour collecter des cadavres disséminés ; il leur faut chercher des adresses, et sur place, les chauffeurs ne trouvent pas toujours l’animal mort. Le ramassage prend énormément de retard, et par temps chaud, les odeurs incommodent très vite les voisinages. Un grand nombre de moutons morts ont été enterrés dans des coins discrets, ou jetés au fond des bois. Les sangliers se régalent ! Quand nécessité fait loi, la débrouille devient reine.

Dans les campagnes wallonnes, nombreux sont les détenteurs de quelques animaux, pas toujours déclarés. Ils tondent les pelouses et les vergers, font la joie des enfants et des adultes. Car les moutons jouissent d’un très gros capital sympathie, dans leur rôle de peluches vivantes. D’autres ruminants servent également d’animaux de compagnie : chèvres naines, alpagas, daims, et même des dromadaires ! Seulement voilà, quand la FCO déferle sur tout ce petit monde, les bergers amateurs sont fort démunis ! Que faire, sinon appeler le vétérinaire ?

Le nôtre travaille sans discontinuer de l’aube au coucher, et sept jours sur sept ; il court à gauche et à droite soigner ici deux brebis, plus loin quatre, ou même une seule ! Le vété doit tout faire, car les petits propriétaires ne sont pas toujours équipés pour les attraper, ou pas très motivés, vite fatigués, ou carrément incapables physiquement de les maintenir. Un certain nombre d’entre eux ne supportent pas de voir leurs jouets vivants tomber malades, et s’empressent de les vendre, ou plutôt de les donner. Les marchands de moutons croulent sous les demandes, et quelquefois les ignorent.

Les grands troupeaux de moutons sont rares en Wallonie. Ces éleveurs-là sont durement impactés et vont payer un très lourd tribut. Les pouvoirs publics promettent des reports de cotisation sociale, ce genre de bêtise, sans proposer des aides concrètes : les vaccins BTV3 sont payants chez nous, gratuits en France ! Les ministres ne craignent guère les petits propriétaires de moutons, lesquels ne risquent pas d’aller bloquer les rings autoroutiers avec leurs mini-tracteurs… Si la FCO attaque les grands élevages de bovins, ce sera une autre chanson, bien entendu, quand la FJA, pour appuyer ses revendications comme en février dernier, fera monter sur Bruxelles ses Armored et Panzerdivisionen de tracteurs.

Langue Bleue, FCO, Blue Tong dans les élevages de ruminants… On n’est pas sorti de l’auberge, au temps des épidémies : après le Covid-19 des humains de 2020, la variole des singes en 2024, et toutes les autres en maturation… Maux qui répandent la terreur, maux que le Ciel en sa fureur envoya !

A lire aussi en Voix de la terre

Voir plus d'articles